Procès du meurtre de Lola : le moment ou jamais de remercier Robert Badinter
Posté : 15 octobre 2025 12:46
Les faits, atroces, et qui seront jugés à partir de ce vendredi 17 octobre, peuvent incliner à vouloir infliger à son tour la barbarie, ce qu’empêche l’abolition de la peine de mort. Et c’est salutaire.
Vendredi 17 octobre, Dahbia B. comparaîtra devant la cour d’assises de Paris, pour le viol et le meurtre de Lola. Quasiment trois ans jour pour jour plus tôt, le vendredi 14 octobre 2022, le corps de cette enfant de 12 ans était découvert dans une malle déposée dans les parties communes de l’immeuble où elle vivait en famille, dans le XIXe arrondissement de Paris. Le lendemain, une jeune Algérienne était interpellée. Elle avouait quelques jours plus tard. Entrée légalement en France en 2016 avec un titre de séjour d’étudiant, Dahbia B., 24 ans, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) depuis deux mois.
Tiendrons-nous ? Saurons-nous, à l’occasion de ce procès, rester fidèles à la pensée de Robert Badinter, que la France vient de panthéoniser le jour de la date anniversaire de la promulgation de la loi d’abolition de la peine de mort dont il est l’auteur ? C’est le défi auquel nous faisons collectivement face.
Emotion et récupération
Le meurtre de Lola a suscité, et suscite toujours, une émotion immense. Et pour cause. Les faits sont atroces. D’après l’autopsie, la collégienne a subi un viol avec torture et actes de barbarie avant de succomber à une asphyxie. Lola a eu le malheur de croiser Dahbia B. alors qu’elle rentrait de son collège, devant son immeuble, où vivait aussi la sœur de la meurtrière. L’origine supposée de la fureur est d’une futilité qui contribue à l’indignation : Dahbia B. ne disposait pas de pass pour y accéder et en aurait voulu à la mère de Lola, gardienne de l’immeuble, de lui en avoir refusé un. Elle aurait forcé Lola à ouvrir, puis à la suivre jusqu’à l’appartement de sa sœur. L’attitude de l’accusée, qui n’aurait montré aucune empathie à l’égard de la victime lors de ses auditions, a ajouté à l’effroi.
L’émotion populaire, dans le sillage du meurtre, s’est traduite dans la rue, notamment dans le quartier où vivait Lola, dans le nord-est de Paris. Lors d’une marche blanche, un mois plus tard, la mère de la collégienne exprimait très clairement l’indicible – «Comment vivre au présent ? Comment se projeter dans l’avenir quand celle qui l’incarnait avec ses frères n’est plus là ? Le temps de la reconstruction sera long, avec toujours des interrogations. Se reconstruire à quatre sera difficile car il manquera une cinquième dont la trace indélébile sera toujours présente dans nos cœurs et nos esprits.»
La mère de Lola avait aussi la clairvoyance de s’opposer alors à la récupération qui s’est activée dès la révélation des faits. Car l’extrême droite a illico fait un festin anti-immigration du supplice de Lola, à commencer par Eric Zemmour à la tête de Reconquête avec son hashtag #francocide. Une instrumentalisation décuplée par le tambour médiatique, des réseaux sociaux aux chaînes d’info jusqu’à Hanouna en procureur de l’horreur.
Digue morale
L’ébullition rance reprend, ces jours-ci. Sur les réseaux sociaux notamment. Sur X, la sphère natio jette déjà de l’huile sur le feu : «barbare» versus «petit ange», «enfance sacrifiée […] par le crime migratoire et l’inaction face aux OQTF», certains allant jusqu’à relier le meurtre de Lola avec les assassinats des professeurs Paty et Bernard. Et Robert Badinter de se retrouver pris à partie, pour avoir lancé l’abolition de la peine de mort en France, au motif que «si le pseudo-grand homme» «n’avait pas aboli la peine de mort, nous aurions pu infliger […] un début de vrai châtiment», écrit par exemple un internaute.
Quelques jours après l’entrée de Robert Badinter au Panthéon, ces bouffées fétides accroissent encore notre reconnaissance à son endroit. «Enfin, c’est fini tout ça, c’est terminé», disait l’ancien Garde des sceaux à Libération en 2021, à propos de la peine de mort. Rappelant que «les mouvements de menton ne sont pas les fondements des lois», il ajoutait qu’«il faudrait une révolution, un dictateur qui prenne le pouvoir, dénonce les accords internationaux de la France pour que la peine de mort soit rétablie». Et, de fait, son combat a posé une digue morale dont on mesure plus que jamais la nécessité quand confronté à des cas comme le meurtre de Lola.
Car alors resurgit la tentation, aussi primaire que vaine (car l’irréparable a été commis), d’infliger la barbarie à ceux qui l’ont commise, de «couper un homme vivant en deux», comme il le tempêtait lors du procès de Patrick Henry, meurtrier du petit Philippe Bertrand, 7 ans, auquel il évita la guillotine. Robert Badinter nous a grandis, nous a élevés au-dessus de la loi du Talion, nous a mis à l’abri de «la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité». Ces vieilles lunes qui toquent furieusement à la porte avant le procès de la meurtrière de Lola.
https://www.liberation.fr/societe/polic ... 2FO6BVRUQ/
Vendredi 17 octobre, Dahbia B. comparaîtra devant la cour d’assises de Paris, pour le viol et le meurtre de Lola. Quasiment trois ans jour pour jour plus tôt, le vendredi 14 octobre 2022, le corps de cette enfant de 12 ans était découvert dans une malle déposée dans les parties communes de l’immeuble où elle vivait en famille, dans le XIXe arrondissement de Paris. Le lendemain, une jeune Algérienne était interpellée. Elle avouait quelques jours plus tard. Entrée légalement en France en 2016 avec un titre de séjour d’étudiant, Dahbia B., 24 ans, faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) depuis deux mois.
Tiendrons-nous ? Saurons-nous, à l’occasion de ce procès, rester fidèles à la pensée de Robert Badinter, que la France vient de panthéoniser le jour de la date anniversaire de la promulgation de la loi d’abolition de la peine de mort dont il est l’auteur ? C’est le défi auquel nous faisons collectivement face.
Emotion et récupération
Le meurtre de Lola a suscité, et suscite toujours, une émotion immense. Et pour cause. Les faits sont atroces. D’après l’autopsie, la collégienne a subi un viol avec torture et actes de barbarie avant de succomber à une asphyxie. Lola a eu le malheur de croiser Dahbia B. alors qu’elle rentrait de son collège, devant son immeuble, où vivait aussi la sœur de la meurtrière. L’origine supposée de la fureur est d’une futilité qui contribue à l’indignation : Dahbia B. ne disposait pas de pass pour y accéder et en aurait voulu à la mère de Lola, gardienne de l’immeuble, de lui en avoir refusé un. Elle aurait forcé Lola à ouvrir, puis à la suivre jusqu’à l’appartement de sa sœur. L’attitude de l’accusée, qui n’aurait montré aucune empathie à l’égard de la victime lors de ses auditions, a ajouté à l’effroi.
L’émotion populaire, dans le sillage du meurtre, s’est traduite dans la rue, notamment dans le quartier où vivait Lola, dans le nord-est de Paris. Lors d’une marche blanche, un mois plus tard, la mère de la collégienne exprimait très clairement l’indicible – «Comment vivre au présent ? Comment se projeter dans l’avenir quand celle qui l’incarnait avec ses frères n’est plus là ? Le temps de la reconstruction sera long, avec toujours des interrogations. Se reconstruire à quatre sera difficile car il manquera une cinquième dont la trace indélébile sera toujours présente dans nos cœurs et nos esprits.»
La mère de Lola avait aussi la clairvoyance de s’opposer alors à la récupération qui s’est activée dès la révélation des faits. Car l’extrême droite a illico fait un festin anti-immigration du supplice de Lola, à commencer par Eric Zemmour à la tête de Reconquête avec son hashtag #francocide. Une instrumentalisation décuplée par le tambour médiatique, des réseaux sociaux aux chaînes d’info jusqu’à Hanouna en procureur de l’horreur.
Digue morale
L’ébullition rance reprend, ces jours-ci. Sur les réseaux sociaux notamment. Sur X, la sphère natio jette déjà de l’huile sur le feu : «barbare» versus «petit ange», «enfance sacrifiée […] par le crime migratoire et l’inaction face aux OQTF», certains allant jusqu’à relier le meurtre de Lola avec les assassinats des professeurs Paty et Bernard. Et Robert Badinter de se retrouver pris à partie, pour avoir lancé l’abolition de la peine de mort en France, au motif que «si le pseudo-grand homme» «n’avait pas aboli la peine de mort, nous aurions pu infliger […] un début de vrai châtiment», écrit par exemple un internaute.
Quelques jours après l’entrée de Robert Badinter au Panthéon, ces bouffées fétides accroissent encore notre reconnaissance à son endroit. «Enfin, c’est fini tout ça, c’est terminé», disait l’ancien Garde des sceaux à Libération en 2021, à propos de la peine de mort. Rappelant que «les mouvements de menton ne sont pas les fondements des lois», il ajoutait qu’«il faudrait une révolution, un dictateur qui prenne le pouvoir, dénonce les accords internationaux de la France pour que la peine de mort soit rétablie». Et, de fait, son combat a posé une digue morale dont on mesure plus que jamais la nécessité quand confronté à des cas comme le meurtre de Lola.
Car alors resurgit la tentation, aussi primaire que vaine (car l’irréparable a été commis), d’infliger la barbarie à ceux qui l’ont commise, de «couper un homme vivant en deux», comme il le tempêtait lors du procès de Patrick Henry, meurtrier du petit Philippe Bertrand, 7 ans, auquel il évita la guillotine. Robert Badinter nous a grandis, nous a élevés au-dessus de la loi du Talion, nous a mis à l’abri de «la passion et la peur triomphant de la raison et de l’humanité». Ces vieilles lunes qui toquent furieusement à la porte avant le procès de la meurtrière de Lola.
https://www.liberation.fr/societe/polic ... 2FO6BVRUQ/