Les approximations et contre-vérités de Sarah Knafo à propos de l’Agence française de développement
Posté : 20 février 2025 17:50
Knafo a tout faux.
Dans le sillage de Donald Trump aux Etats-Unis, l’extrême droite française attaque l’aide au développement en France, qui serait coupable de «gaspiller» l’argent du contribuable. Au prix de plusieurs erreurs. L’AFD dénonce une campagne de désinformation.
Alors que le démantèlement brutal par Donald Trump d’USaid, l’agence qui gérait quelque 40 milliards de dollars (environ 38,3 milliards d’euros) d’aides dans le monde, provoque de nombreuses inquiétudes, l’extrême droite française y voit un exemple à suivre. Aussi bien le RN que Reconquête qui multiplient depuis quelques jours les attaques contre l’Agence française de développement (AFD) qui serait coupable de «gaspiller» l’argent du contribuable. Sur CNews lundi 17 février, Sarah Knafo, eurodéputée de Reconquête, qui s’était déjà illustrée par quelques propos approximatifs sur le sujet de l’aide au développement, a ainsi vivement attaqué l’action de l’AFD, s’attardant notamment sur la Chine, érigée en exemple de la gabegie du système : «On donne 130 millions d’euros par an à la Chine, première puissance économique, ça ne manque pas de saveur, alors que chez nous on manque de tout», a-t-elle lancé, évoquant deux projets en lien avec l’environnement, «la restauration écologique du district de Pingnan, province du Fujian [dans le sud-est du pays, ndlr]», et la «protection de la source du fleuve Qianjiang et le développement urbain durable de Kaihua», d’un montant respectif de 40 millions et 65 millions d’euros, pour des périodes de financement de vingt ans.
Outre la Chine, Sarah Knafo a également cité cinq autres projets, concernant d’autres pays : 151 millions d’euros pour la «budgétisation sensible au genre» en Jordanie (sur la période 2022-2025), 51 millions d’euros pour le renforcement de l’égalité de genre en Albanie (2021-2033), 30 000 euros pour le cirque comme vecteur d’avenir pour la jeunesse d’Afrique du Sud, 44 millions d’euros pour la sécurisation hydrique et alimentaire à Gaza, et enfin 600 000 euros pour un programme de préservation de l’agrobiodiversité en Algérie. «En tant que contribuable française, je trouve ça scandaleux, a conclu l’eurodéputée. On ne prend pas la mesure de ce que c’est de prendre l’argent dans la poche des Français pour aller l’envoyer comme ça au monde entier pour gaspiller dans des projets ubuesques. C’est terrifiant de voir ça. Ce qui est rassurant c’est qu’on voit avec l’exemple des Etats-Unis qu’il suffit d’un trait de plume pour aller supprimer ces folies. Il suffirait de le vouloir pour dire tout ça on arrête et on rend cet argent aux Français.» La sortie de Knafo a été reprise par différents médias, comme le Figaro, ou encore le JDD, qui évoque des «révélations chocs»… à propos de projets pourtant largement détaillés sur le site de l’AFD.
Confusion entre financement et argent public
Auprès de CheckNews, l’AFD dénonce une «campagne de désinformation». Si tous les projets évoqués sont bien réels, il est d’abord reproché à Sarah Knafo d’entretenir à dessein la confusion sur la question du financement et sur le fonctionnement de l’agence. « Il est trompeur de dire que l’AFD distribue l’argent du contribuable. L’agence fonctionne comme une banque », dit-on au sein de l’organisme. « Contrairement aux idées reçues, et à ce que suggère Sarak Knafo, l’agence ne puise pas la majorité de ses ressources dans les caisses de l’État. Ainsi, 85 % de son financement provient d’emprunts contractés auprès d’investisseurs privés, de fonds de pension ou encore de banques centrales. Seuls les 15 % restants sont des subventions publiques, notamment donc de l’État français et de l’Union européenne. »
Par ailleurs, et concernant les bénéficiaires, «Sarah Knafo assimile aussi des prêts à des dons ou des subventions, déplore-t-on au sein de l’AFD. Ainsi, pour reprendre l’exemple chinois, l’AFD ne “donne” pas des millions d’euros à la Chine, l’AFD prête des millions à un client chinois et ces millions d’euros vont nous être remboursés avec le paiement d’un taux d’intérêt.» De fait, sur le site de l’ADF, à la page «Chine», on lit explicitement : «Les projets financés par l’AFD, via des prêts aux conditions de marché, permettent de mobiliser l’expertise et les savoir-faire français au service d’une coopération avec la Chine pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. Aucune ressource du budget de l’Etat français n’est mobilisée dans ce cadre.».
Selon l’AFD, sur les 12 milliards correspondant au montant des projets validés par le conseil d’administration de l’agence, on compte environ un milliard et demi d’euros de subventions dont la gestion est déléguée à l’AFD par l’Etat français, et un milliard d’euros d’argent de dons dont l’Union européenne délègue la gestion. Le solde, soit 9,5 milliards, consiste en des prêts.
Conditions préférentielles
L’AFD dénonce cette même «confusion» entre les prêts et les dons dans la présentation de Sarah Knafo à propos des 151 millions pour la Jordanie ou des 51 millions d’euros en Albanie : «Ce sont aussi essentiellement de prêts qui vont être remboursés.» Avec une petite différence, toutefois, avec l’exemple chinois : comme cela est spécifié sur le site dans l’exposé du projet concernant le cas de la Jordanie, il s’agit d’un prêt dit «concessionnel», c’est-à-dire octroyé à des conditions préférentielles, avec un taux d’intérêt inférieur aux taux du marché.
Enfin, une partie des aides versées par l’AFD relève bien de la subvention. C’est le cas des deux projets (d’un montant nettement moindre) évoqués par Sarah Knafo en Afrique du Sud et en Algérie. C’est aussi le cas concernant l’aide à Gaza, également mentionné. Même si le montant cité par l’eurodéputé est erroné, selon l’AFD, concernant la contribution française : «La subvention de 44 millions est apportée pour partie par la France (à hauteur d’environ 13 millions), pour partie par le Fonds mondial pour l’environnement (24 millions) et pour partie par l’équivalent AFD côté irlandais (8 millions).» Une répartition que l’on retrouve sur l’une des pages de l’Agence, datant de 2019.
Au-delà des imprécisions ou erreurs de l’eurodéputée, l’AFD déplore que le principe même de l’aide au développement soit aujourd’hui attaqué, «à un niveau inédit», en résonance avec l’actualité américaine. Une inquiétude qui semble partagée par le ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats Internationaux, Thani Mohamed-Soilihi, qui a dénoncé sur X, à propos des déclarations de Sarah Knafo, des «manipulations grossières» visant l’agence.
https://www.liberation.fr/checknews/lag ... 5UCVXPUK4/
Dans le sillage de Donald Trump aux Etats-Unis, l’extrême droite française attaque l’aide au développement en France, qui serait coupable de «gaspiller» l’argent du contribuable. Au prix de plusieurs erreurs. L’AFD dénonce une campagne de désinformation.
Alors que le démantèlement brutal par Donald Trump d’USaid, l’agence qui gérait quelque 40 milliards de dollars (environ 38,3 milliards d’euros) d’aides dans le monde, provoque de nombreuses inquiétudes, l’extrême droite française y voit un exemple à suivre. Aussi bien le RN que Reconquête qui multiplient depuis quelques jours les attaques contre l’Agence française de développement (AFD) qui serait coupable de «gaspiller» l’argent du contribuable. Sur CNews lundi 17 février, Sarah Knafo, eurodéputée de Reconquête, qui s’était déjà illustrée par quelques propos approximatifs sur le sujet de l’aide au développement, a ainsi vivement attaqué l’action de l’AFD, s’attardant notamment sur la Chine, érigée en exemple de la gabegie du système : «On donne 130 millions d’euros par an à la Chine, première puissance économique, ça ne manque pas de saveur, alors que chez nous on manque de tout», a-t-elle lancé, évoquant deux projets en lien avec l’environnement, «la restauration écologique du district de Pingnan, province du Fujian [dans le sud-est du pays, ndlr]», et la «protection de la source du fleuve Qianjiang et le développement urbain durable de Kaihua», d’un montant respectif de 40 millions et 65 millions d’euros, pour des périodes de financement de vingt ans.
Outre la Chine, Sarah Knafo a également cité cinq autres projets, concernant d’autres pays : 151 millions d’euros pour la «budgétisation sensible au genre» en Jordanie (sur la période 2022-2025), 51 millions d’euros pour le renforcement de l’égalité de genre en Albanie (2021-2033), 30 000 euros pour le cirque comme vecteur d’avenir pour la jeunesse d’Afrique du Sud, 44 millions d’euros pour la sécurisation hydrique et alimentaire à Gaza, et enfin 600 000 euros pour un programme de préservation de l’agrobiodiversité en Algérie. «En tant que contribuable française, je trouve ça scandaleux, a conclu l’eurodéputée. On ne prend pas la mesure de ce que c’est de prendre l’argent dans la poche des Français pour aller l’envoyer comme ça au monde entier pour gaspiller dans des projets ubuesques. C’est terrifiant de voir ça. Ce qui est rassurant c’est qu’on voit avec l’exemple des Etats-Unis qu’il suffit d’un trait de plume pour aller supprimer ces folies. Il suffirait de le vouloir pour dire tout ça on arrête et on rend cet argent aux Français.» La sortie de Knafo a été reprise par différents médias, comme le Figaro, ou encore le JDD, qui évoque des «révélations chocs»… à propos de projets pourtant largement détaillés sur le site de l’AFD.
Confusion entre financement et argent public
Auprès de CheckNews, l’AFD dénonce une «campagne de désinformation». Si tous les projets évoqués sont bien réels, il est d’abord reproché à Sarah Knafo d’entretenir à dessein la confusion sur la question du financement et sur le fonctionnement de l’agence. « Il est trompeur de dire que l’AFD distribue l’argent du contribuable. L’agence fonctionne comme une banque », dit-on au sein de l’organisme. « Contrairement aux idées reçues, et à ce que suggère Sarak Knafo, l’agence ne puise pas la majorité de ses ressources dans les caisses de l’État. Ainsi, 85 % de son financement provient d’emprunts contractés auprès d’investisseurs privés, de fonds de pension ou encore de banques centrales. Seuls les 15 % restants sont des subventions publiques, notamment donc de l’État français et de l’Union européenne. »
Par ailleurs, et concernant les bénéficiaires, «Sarah Knafo assimile aussi des prêts à des dons ou des subventions, déplore-t-on au sein de l’AFD. Ainsi, pour reprendre l’exemple chinois, l’AFD ne “donne” pas des millions d’euros à la Chine, l’AFD prête des millions à un client chinois et ces millions d’euros vont nous être remboursés avec le paiement d’un taux d’intérêt.» De fait, sur le site de l’ADF, à la page «Chine», on lit explicitement : «Les projets financés par l’AFD, via des prêts aux conditions de marché, permettent de mobiliser l’expertise et les savoir-faire français au service d’une coopération avec la Chine pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. Aucune ressource du budget de l’Etat français n’est mobilisée dans ce cadre.».
Selon l’AFD, sur les 12 milliards correspondant au montant des projets validés par le conseil d’administration de l’agence, on compte environ un milliard et demi d’euros de subventions dont la gestion est déléguée à l’AFD par l’Etat français, et un milliard d’euros d’argent de dons dont l’Union européenne délègue la gestion. Le solde, soit 9,5 milliards, consiste en des prêts.
Conditions préférentielles
L’AFD dénonce cette même «confusion» entre les prêts et les dons dans la présentation de Sarah Knafo à propos des 151 millions pour la Jordanie ou des 51 millions d’euros en Albanie : «Ce sont aussi essentiellement de prêts qui vont être remboursés.» Avec une petite différence, toutefois, avec l’exemple chinois : comme cela est spécifié sur le site dans l’exposé du projet concernant le cas de la Jordanie, il s’agit d’un prêt dit «concessionnel», c’est-à-dire octroyé à des conditions préférentielles, avec un taux d’intérêt inférieur aux taux du marché.
Enfin, une partie des aides versées par l’AFD relève bien de la subvention. C’est le cas des deux projets (d’un montant nettement moindre) évoqués par Sarah Knafo en Afrique du Sud et en Algérie. C’est aussi le cas concernant l’aide à Gaza, également mentionné. Même si le montant cité par l’eurodéputé est erroné, selon l’AFD, concernant la contribution française : «La subvention de 44 millions est apportée pour partie par la France (à hauteur d’environ 13 millions), pour partie par le Fonds mondial pour l’environnement (24 millions) et pour partie par l’équivalent AFD côté irlandais (8 millions).» Une répartition que l’on retrouve sur l’une des pages de l’Agence, datant de 2019.
Au-delà des imprécisions ou erreurs de l’eurodéputée, l’AFD déplore que le principe même de l’aide au développement soit aujourd’hui attaqué, «à un niveau inédit», en résonance avec l’actualité américaine. Une inquiétude qui semble partagée par le ministre délégué chargé de la Francophonie et des Partenariats Internationaux, Thani Mohamed-Soilihi, qui a dénoncé sur X, à propos des déclarations de Sarah Knafo, des «manipulations grossières» visant l’agence.
https://www.liberation.fr/checknews/lag ... 5UCVXPUK4/