"L'Ukraine a passé les onze dernières années à investir du temps, de l'argent et des efforts pour renforcer cette ceinture de fortifications", expliquait début août sur son site l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW). Les troupes russes n'ont aucun moyen "de pénétrer rapidement" ces fortifications, et il leur faudrait des années pour y parvenir, affirme cet institut.
L'armée russe continue néanmoins de grignoter du terrain dans cette région qui constitue le principal théâtre des affrontements depuis deux ans. Toujours selon l'ISW, près de 70% de la progression russe d'août 2025 se concentre dans la région orientale de Donetsk. Les Russes y ont avancé de près de 400 km² et revendiquent le contrôle de 79,6% de cette région, contre 63% un an plus tôt. Quelque 31% de cette région étaient déjà sous le contrôle de séparatistes prorusses avant le début de l'invasion russe de l'Ukraine en février 2022.
L'avancée des troupes russes a déjà conduit à la chute de plusieurs villes très fortifiées du Donbass telles que Bakhmout en mai 2022, Avdiïvka en février 2024 et Vougledar en octobre 2024. Aujourd'hui, et comme depuis des mois, les combats se concentrent principalement autour du nœud logistique de Pokrovsk. L'armée russe se rapproche de la ville par par trois côtés et s'en trouve aujourd'hui à moins de cinq kilomètres.
"Les Russes grappillent du terrain village par village mais les Ukrainiens arrivent pour l'instant à mener des contre-offensives très localisées qui permettent de redonner un peu d'espace aux défenseurs de Pokrovsk", explique à BFMTV Ulrich Bounat, spécialiste de l'Europe de l'est et chercheur associé au think thank Euro Créativ.
Les autres points chauds du front se situent autour de Kostyantynivka, Droujkivka, Lyman ou encore Siversk. À terme, l'armée russe vise à s'emparer des grandes villes de Kramatorsk et Sloviansk, situées à une trentaine de kilomètres en arrière du front. "Ce sont deux villes très proches qui constitue une sorte de ceinture-forteresse très importantes pour les Ukrainiens", souligne Ulrich Bounat.
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Une incursion inédite dans la région de Dnipropetrovsk
L'armée russe a annoncé en juin pénétrer dans l'oblast de Dnipropetrovsk, une région qui n'était pas encore concernée par l'invasion de troupes russes au sol. Ce mardi 26 août, l'Ukraine a reconnu pour la première fois cette incursion après l'avoir démentie jusque-là.
Cette avancée, inédite depuis 2022, se double de lourds bombardements. La Russie a lancé selon Kiev dans la nuit de vendredi 29 à samedi 30 août une attaque "massive", notamment sur les villes importantes de Dnipro et Pavlograd.
Cependant, les experts contactés par BFMTV appellent à relativiser l'incursion au sol russe, qui serait, en partie, une opération de communication. "Les Russes n'ont pas aujourd'hui les capacités" de s'emparer d'un nouvel oblast, expliquait le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense de BFMTV, en juin dernier. S'ils grignotent chaque jour du terrain aux Ukrainiens, "il n'y a pas cette percée décisive de 10-15 km par jour qui leur permettrait de rentrer dans le centre de l'Ukraine".
"Cela fait des mois que les Russes tournent autour de cette frontière administrative entre les oblasts de Donetsk et Dnipropetrovsk dans le cadre de leurs mouvements vers Pokrovsk. Très concrètement, ça ne change pas grand-chose d'un point de vue militaire", confirme Ulrich Bounat.
Mais selon cet expert, la pénétration dans une région jusqu'ici épargnée par la guerre est instrumentalisés par la Russie "pour dire aux Ukrainiens que plus ils résistent, plus ils perdront d'autres territoires".
· La Russie masse ses troupes, vers une offensive d'ampleur?
La Russie a concentré "jusqu'à 100.000" soldats près de Pokrovsk, une ville clé de l'est de l'Ukraine, a assuré fin août le président ukrainien Volodymyr Zelensky, voyant la situation comme "la plus préoccupante aujourd'hui". L'armée russe "prépare en tout cas des actions offensives", avait-il ajouté.
La semaine précédente, Volodymyr Zelensky avait déjà affirmé que Moscou était en train de masser des unités dans la partie occupée de la région de Zaporijjia, dans le sud de l'Ukraine.
La Russie se prépare-t-elle à une nouvelle offensive majeure dans les mois à venir? "On ne peut pas l'exclure mais je reste quand même assez prudent", nous répond Ulrich Bounat. "Il y a effectivement une volonté de la part des Russes d'étirer au maximum les dispositifs défensifs ukrainiens pour créer des brèches dans lesquelles l'armée russe peut s'engouffrer."
"Néanmoins, les Russes n'ont plus la capacité à mener des offensives vraiment sérieuses sur l'ensemble des lignes de front car ils sont, eux aussi, confrontés à des problématiques d'hommes et de matériel. Tout indique depuis plusieurs mois que l'axe d'offensive majeure reste le Donbass, dont le Kremlin veut s'emparer quel que soit le coût", poursuit l'expert.
· Les villes ukrainiennes de plus en plus ciblées
En parallèle de l'offensive sur le front, l'armée russe pilonne chaque nuit les villes ukrainiennes, qu'elles soient sur la ligne de front ou plus loin dans l'ouest du pays.
Selon l'analyse par l'AFP des rapports quotidiens de l'armée de l'air ukrainienne, la Russie a tiré un total de 4.132 drones lors de ses attaques nocturnes sur l'Ukraine en août, un chiffre très élevé par rapport au début de l'année 2025 mais qui représente une baisse de 34% par rapport à juillet.
Malgré cette légère diminution, les bombardements russes restent meurtriers, causant de nombreuses victimes parmi les civils. Kiev, la capitale ukrainienne, a subi le 28 août l'une des attaques les plus dévastatrices de drones et missiles, qui ont tué 25 personnes dont plusieurs enfants.
"Les villes ukrainiennes ont toujours été visées mais les Russes ont aujourd'hui des capacités, notamment en termes de drones, qui sont supérieurs à ce qu'ils étaient capables de faire auparavant", explique Ulrich Bounat.
Selon notre expert, "il y a une volonté de pousser les Ukrainiens à faire des choix qui sont des choix impossibles: vaut-il mieux défendre les villes ou défendre les objectifs militaires?"
De son côté, l'armée ukrainienne réplique en ciblant les infrastructures énergétiques russes. Comme dans la nuit de samedi 23 à dimanche 24 août, quand une série d'attaques de drones a déclenché en Russie des incendies sur le site d'une centrale nucléaire et dans un terminal pétrolier.
https://www.bfmtv.com/international/eur ... 40044.html