Un coût massif mais contenu
Sous la houlette du Comité d'organisation (Cojop), les comptes se sont soldés par un excédent de 75,7 millions d'euros, évitant tout recours à la garantie de l'État. Les Sages de la rue Cambon chiffrent l'effort public à 6,65 milliards d'euros : 3,02 milliards pour l'organisation, 3,63 pour les infrastructures.
À Londres, en 2012, la facture avait atteint environ 9,3 milliards de livres (10,5 milliards d'euros), soit au moins le double de l'estimation initiale.
À Rio, quatre ans plus tard, elle s'est envolée à près de 13 milliards de dollars (11 milliards d'euros), soit 50 % de plus que prévu. Paris a donc mieux maîtrisé sa trajectoire. Mais, rappellent les Sages, « les retombées économiques sont limitées et difficiles à évaluer ». La France a surtout financé une fête mondiale, dont l'héritage économique reste donc à démontrer.
La sécurité, défi relevé
C'était la grande angoisse : comment protéger un événement réparti sur quarante-deux sites, sous une menace terroriste persistante ? Le pari a été tenu. Hormis le sabotage des lignes TGV le jour de la cérémonie d'ouverture, aucun incident majeur n'est venu troubler la quinzaine. Les services de sécurité ont contenu la menace : plusieurs projets d'attentats ont été empêchés et les 548 cyberattaques répertoriées n'ont eu aucune conséquence sur le déroulement des JO.
« L'ensemble des dispositifs a permis d'assurer la sécurité des Jeux », résument les magistrats financiers. Ce résultat a reposé sur une mobilisation hors norme : forces de l'ordre omniprésentes, compagnies de marche (unités provisoires composées de plusieurs compagnies), recours accru à la sécurité privée. Mais son coût reste considérable : 1,7 milliard d'euros pour la protection ponctuelle, plus de 300 millions d'euros investis pour des équipements durables.
Solideo, mission accomplie
Livrer 70 ouvrages en coordonnant 33 maîtres d'ouvrage relevait de la gageure. La Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo) a rempli sa mission : les sites ont été terminés à temps et les objectifs sociaux atteints, notamment en matière d'emploi et d'insertion.
« Les ouvrages ont été livrés dans les délais et avec un bon niveau de qualité », souligne la Cour. Mais tout n'est pas exempt de critiques. Les ambitions environnementales sont jugées contrastées : les sols pollués de Seine-Saint-Denis ont compliqué le chantier du village olympique et certains engagements écologiques restent à confirmer dans la durée. Sur le plan social, les magistrats saluent la professionnalisation, mais pointent un plan de départs coûteux, des primes jugées généreuses et une dissolution mal anticipée.
Transports sous pression
Sans transports fiables, impossible d'organiser des Jeux. L'épreuve a été surmontée, parfois au dernier moment. La ligne 14 a été prolongée, le projet Eole (le prolongement du RER E vers l'Ouest parisien) livré in extremis à la gare Saint-Lazare, le franchissement urbain Pleyel ouvert, les voies olympiques déployées. Tout cela dans des délais serrés, au prix de surcoûts d'accélération.
« L'offre de transport a globalement répondu aux besoins, malgré des difficultés de mise en route », reconnaît le rapport consacré aux mobilités. Les navettes pour les accrédités ont connu un démarrage laborieux, mais le système a tenu. L'accessibilité universelle a progressé, avec des innovations inédites comme la mise à disposition des fauteuils personnels dans les aéroports. Le métro parisien, en revanche, reste largement inadapté aux personnes handicapées.
Ici encore, Paris a choisi une voie plus sobre que ses devancières. Londres avait investi massivement dans son réseau, au prix de surcoûts considérables. Rio avait construit des lignes neuves, coûteuses et contestées. Paris s'est contentée de livrer à temps des projets déjà programmés, quitte à payer cher leur accélération, mais sans lancer de chantiers pharaoniques.
Une victoire fragile
Les Sages de la rue Cambon le rappellent : « Les Jeux de Paris 2024 ont été réussis, sûrs et populaires. » Contrairement à Londres ou Rio, la France a évité le gouffre budgétaire. Mais cette réussite repose sur une mobilisation exceptionnelle, difficile à reproduire dans le quotidien.
L'héritage, préviennent-ils, « reste à confirmer ». Il ne se mesurera pas seulement dans les infrastructures, mais dans la capacité à transformer l'expérience en méthode : mieux coordonner les acteurs publics, anticiper davantage en matière de sécurité et de transports, capitaliser sur les acquis sociaux. C'est à ce prix que Paris 2024 dépassera le souvenir d'une parenthèse estivale pour devenir un jalon durable de l'action publique.