À Marseille, dans les coulisses de l’opération de police « Regain »
Posté : 18 novembre 2025 15:12
Qui a dit que l'Etat ne fait rien contre le narcotrafic ? Voilà la preuve du contraire. Ce n'est pas parce que personne n'en parle qu'il ne se passe rien. La police travaille, elle ne passe pas son temps devant les plateaux de télévision."À Marseille, dans les coulisses de l’opération de police « Regain », qui a permis de saisir près de 8 millions d’euros
L’opération « Regain » menée durant la première quinzaine de novembre a réuni plusieurs acteurs locaux de la lutte contre la délinquance et permis de saisir près de 8 millions d’euros d’avoirs criminels
Publié le 18/11/2025 à 14h34 • Mis à jour le 18/11/2025 à 14h34
C’est une saisie record qui avait attiré l’attention. Le 12 novembre dernier, plus d’1,5 million d’euros ont été découverts dans une maison à Marseille, après une enquête sur un garage automobile qui employait, entre autres, des travailleurs sans-papiers. Coup de théâtre : il ne s’agissait pas d’une action isolée des policiers de l’OLTIM (Office de lutte contre le trafic illicite de migrants), mais d’une opération vaste et cordonnée baptisée « Regain », révèle ce mardi le parquet de Marseille.
Dans un point presse, entouré des représentants de différents services mobilisés, Jean-Yves Lourgouilloux, procureur adjoint et chef de la division économique et financière, a ainsi dévoilé les contours de cette opération dont le nom, en plus d’être un clin d’œil à Jean Giono, traduit l’idée de « regagner l’argent de la fraude et des trafics ». L’objectif : sensibiliser sur le thème de la saisie et de la confiscation des avoirs criminels afin de déstabiliser les réseaux en touchant « le nerf de la guerre », l’argent, souligne le magistrat. La question est brûlante, alors que la situation de la cité phocéenne a fait l’objet d’une réunion de crise à l’Elysée, après la mort du frère d’Amine Kessaci, militant engagé contre le narcotrafic.
Dix affaires variées
« Regain » a été menée durant la première quinzaine de novembre, mobilisant différents services : de la police aux frontières aux douanes, en passant par l’Office national antifraude (Onaf) et la gendarmerie. La mission donnée à cette task force : être la plus efficace possible sur une période courte, en identifiant à l’avance des dossiers prometteurs.
Dix affaires aux contours variés vont ainsi être sélectionnées : deux affaires d’abus de faiblesse commis sur des personnes âgées, une fraude en bande organisée dans le secteur des énergies renouvelables, une escroquerie à la CPAM commise par deux infirmières pour un montant de 160.000 euros, un détournement de fonds publics présumé commis par une association pour un préjudice de 400.000 euros… L’opération a également permis de se pencher sur deux cas de blanchiment d’argent présumés en révélant l’achat de biens immobiliers de valeur importante dans les Bouches-du-Rhône, qui ne coïncidaient pas avec les revenus déclarés des individus concernés, dont deux étaient proches de narcotrafiquants.
Au total, près de 8 millions d’euros ont été saisis, sous la forme d’argent, mais aussi de biens mobiliers et immobiliers ou encore de véhicules. « C’est une bonne opération lorsque l’on sait qu’en 2024, on a saisi près de 43 millions d’euros. En quinze jours, nous atteignons ainsi 20 % du total de l’année dernière », calcule Jean-Yves Lourgouilloux.
Coup psychologique
Une telle opération pourrait être amenée à se reproduire, traduisant non pas un changement de doctrine mais « une meilleure perception de l’importance de la lutte contre la criminalité économique et financière », souligne Jean-Yves Lourgouilloux. Autre preuve de cette nouvelle stratégie : en mai 2025 le Groupe d’évaluation et de suivi de la saisie des avoirs criminels (Gessac) a été créé au parquet de Marseille, regroupant les acteurs dédiés. Des formations et des séminaires se sont également multipliés dans les différents services pour sensibiliser à l’intérêt des actions sur le patrimoine des prévenus.
Entre 2020 et 2024, le tribunal judiciaire de Marseille affiche une augmentation de 43 % en matière de saisies, avec des confiscations (mesures définitives après un jugement) également en hausse. « C’est un aspect que nous voulons mettre en avant car c’est pour nous ce qui permet de lutter efficacement contre toutes les formes de délinquance », poursuit le magistrat. « Une amende, une peine de prison… L’expérience nous démontre que ces sanctions peuvent être intégrées dans un parcours criminel, ajoute-t-il. Mais si les biens sont identifiés, saisis voire confisqués, alors le criminel revient à l’état zéro. Il y a une véritable perte d’intérêt et une atteinte psychologique ».
S’en prendre aux portefeuilles des narcotrafiquants reste aussi un des leviers pour assécher et déstabiliser les réseaux. « L’argent c’est l’essence qui permet à la machine de fonctionner. Ils sont organisés comme des entreprises, qui ont ainsi besoin de fonds pour s’approvisionner, de trésorerie pour investir, pour payer leurs salariés…, explique Jean-Yves Lourgouilloux. Il faut parvenir à les mettre en cessation de paiements. »..
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