Patchouli38 a écrit : ↑09 janvier 2024 13:40
"Le déclinisme, pour commencer l’année, semble être une idée « pas très positive-attitude » car en matière de bonnes résolutions, l’état d’esprit « c’était mieux avant » ce n’est pas l’idéal ; sauf que justement, il s’agit dans cette "En quête de politique" de démolir le concept.
Avec
Johann Chapoutot Professeur d’histoire contemporaine à l’Université Paris-Sorbonne - Paris IV
Cécile Alduy Professeur de littérature française à l’université de Stanford, chercheuse associée au Cevipof – Sciences Po
« C’était mieux avant », rien ne va plus, le déclinisme est à la mode. En réalité il a toujours été à la mode, il y a toujours eu, une partie de la population et surtout au sein des élites intellectuelles, artistiques et politiques qui regrette le passé et qui, regardant le présent avec leurs lunettes sépia, le trouve pas du tout affligeant ou effrayant. Ce qui est significatif et assez instructif, c’est de demander à un décliniste : quelle est l’époque qu’il regrette le plus ? Quelle est la période dont il a la nostalgie et au cours de laquelle il estime que le pays et le monde allait mieux ? Il vous donnera des dates qui correspondent généralement à sa propre jeunesse. En ce moment vous remarquerez que les trente glorieuses fournissent un stock de nostalgies infini à toute une génération et Mai 68, pour les plus anciens déclinistes, est présenté comme le début de la décadence, de la perte d’autorité. D’autres, moins vieux, diront que c’est l’apparition d’internet, puis des réseaux sociaux qui marque le début de la fin de l’âge d’or. A tel point que l’on peut aisément se demander si ce n’est pas leur enfance, quand tout paraissait plus grand, ou leur jeunesse, quand tout paraissait possible, que les déclinistes regrettent.
Examinons plutôt le côté politique de la chose. Quand les grands schémas globaux d’explication du monde sont tombés avec le mur de Berlin, quand il devient compliqué de dessiner un horizon futur souhaitable, il y a une valeur refuge, un discours audible et sensible : la nostalgie. Mais si la nostalgie est un sentiment noble et doux, si la nostalgie permet les plus belles pages de la littérature ou de la poésie, en politique, elle est corrosive. En dénigrant le présent, en dépeignant les périodes passées, celles ou la femme était l’inégale de l’homme, ou les colonies hiérarchisaient le genre humain ou la production et la consommation négligeaient l’environnement, ou la moitié de la planète mourrait de faim, ou l’espérance de vie d’un ouvrier retraité n’excédait que de peu d’années l’âge de la retraite, ou l’homosexualité était criminalisée, ou la route faisaient 15.000 morts par ans, les déclinistes font œuvre de mémoire sélective et ne sont pas conservateurs mais réactionnaires."
https://www.radiofrance.fr/franceinter/ ... wtab-fr-fr
Je fais partie de ces déclinistes, alors je vais répondre.
Si on analyse la situation du pays, que constate-t-on ?
- Une économie (agriculture et industrie) qui ne produit plus grand-chose, à tel point que la balance commerciale devient gravement déficitaire et que le pays devient dépendant des importations pour de nombreux produits de consommation courante (alimentation, masques, médicaments, automobiles, etc.).
- Un parc nucléaire qui faisait jadis notre fierté mais qui se fait désormais très vieillissant.
- Des hôpitaux en état de décrépitude avancée, à tel point que la permanence des soins n'est plus vraiment assurée aujourd'hui.
- Un système scolaire jadis performant mais qui ne remplit plus vraiment son office (violence, baisse du niveau, etc.).
- Des services de police et de justice désormais incapables de maintenir l'ordre public.
Voici donc un pays :
- qui ne fabrique plus beaucoup de produits agricoles, d'électricité et de produits de consommation courantes, se trouvant donc de plus en plus dépendant des importations pour tous ces éléments,
- où les principaux services publics régaliens, pourtant très onéreux, ne remplissent plus leur office.
Reste un record : le niveau des impôts et de la dépense publique...
Certes, beaucoup de Français qui critiquent n'ont pas vraiment conscience de la chance qu'ils ont d'être en France (services publics gratuits, hôpitaux gratuits, protection sociale généreuse, etc.).
Mais si on regarde la situation du pays, alors on est bien obligé de constater que cela va de mal en pis.