Economies UE/Russie, difficile de prévoir l'avenir...

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Fonck1
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Economies UE/Russie, difficile de prévoir l'avenir...

Message par Fonck1 » 26 mars 2024 21:25

« Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon. » Cette citation de Léon Tolstoï pourrait aisément s’appliquer à la géopolitique contemporaine, les économies de l’UE et de la Russie étant toutes deux à la peine, mais chacune à leur manière.
L’Europe souffre actuellement d’une hausse structurelle des prix de l’énergie, de taux d’intérêt records et d’un marasme industriel. La Russie, quant à elle, souffre d’une inflation élevée, d’un marché du travail sous tension et, en raison des sanctions de l’UE mises en place à la suite de l’invasion de l’Ukraine en février 2022, de graves difficultés d’accès aux produits technologiques.

Le bonheur, cependant, est un concept relatif. Et, selon plusieurs indicateurs économiques traditionnels, il semblerait à première vue que l’économie européenne soit nettement plus malheureuse que celle de la Russie.

Selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), « la croissance en Russie devrait être de 2,6 % en 2024 », soit 1,5 % de plus que les prévisions d’octobre du Fonds. L’économie de la zone euro a, quant à elle, vu ses prévisions de croissance réduites de 1,2 % à 0,9 % pour 2024.

À première vue, le fait que l’économie russe devrait croître près de trois fois plus vite que l’économie européenne cette année devrait être une cause d’inquiétude majeure pour les décideurs politiques de l’UE.

Ces inquiétudes sont exacerbées par le fait que l’économie russe a connu une croissance six fois supérieure à celle de la zone euro l’année dernière (3 % contre 0,5 %), et par le fait que les secteurs spécifiques dans lesquels l’économie russe est particulièrement performante — notamment le secteur de la production industrielle — sont des secteurs d’une importance stratégique cruciale dans lesquels l’économie européenne enregistre des résultats particulièrement médiocres.


L’UE pas si « malheureuse » ?

Les experts contactés par Euractiv ont toutefois brossé un tableau nettement plus optimiste des perspectives économiques de l’Europe que de celles de la Russie.

Janis Kluge, associé principal à l’Institut allemand pour les affaires internationales et de sécurité (SWP), a noté que l’Europe avait encore « tous les ingrédients pour une croissance à long terme », y compris « quelques industries vraiment compétitives ».

À l’inverse, la Russie, qui a perdu des centaines de milliers de jeunes ayant fui le pays ou ayant été directement impliqués dans la guerre au cours des deux dernières années, a « perdu son avenir ».

Selon M. Kluge, l’Europe ne dispose pas des mêmes ressources que la Russie, mais Moscou « se trouve en fait dans une situation structurelle bien pire que celle de l’UE. [La Russie est] isolée de ses partenaires commerciaux traditionnels les plus importants et partiellement isolée de ses alliés ou des pays qu’elle considère comme ses alliés ».

« Les banques turques et chinoises veulent prendre leurs distances avec la Russie. Tout cela engendre des coûts énormes pour l’économie russe et rend son développement beaucoup plus difficile. »

M. Kluge attribue la « résistance » relative de la Russie aux sanctions occidentales — dont le treizième paquet a été annoncé la semaine dernière — à trois facteurs clés.

Premièrement, les prix élevés des matières premières, en particulier des combustibles fossiles. Ensuite, la « flexibilité » de l’économie de marché russe, qui, selon lui, a facilité un « effort décentralisé » de la part de milliers d’entreprises pour contourner les sanctions. Enfin — et il s’agit peut-être du facteur le plus important — les mesures de relance budgétaire considérables prises par le Kremlin du fait de la guerre.

Les dépenses de défense de la Russie devraient en effet atteindre 6 % de son PIB cette année, contre 3,9 % l’année dernière et 2,7 % en 2021.

« Si les gouvernements européens dépensaient autant que la Russie, l’Union européenne connaîtrait une croissance très rapide », a déclaré M. Kluge. « Le constat serait tout à fait différent. Ce ne serait peut-être pas durable [mais] concrètement, l’économie européenne serait maintenant en plein essor. »

L’inflation grandissante en Russie

Tout en amortissant l’impact des sanctions de l’UE, les dépenses militaires massives de la Russie alimentent également l’une de ses principales vulnérabilités économiques, à savoir son taux d’inflation galopant.

« En Russie, l’inflation est désormais structurelle », explique Alexander Kolyandr, analyste financier et ancien stratégiste au Credit Suisse. « Elle souffre du fait que le principal moteur de la croissance russe repose sur les dépenses publiques. »

Janis Kluge est du même avis. Il estime que l’inflation sera l’un des symptômes de la détérioration des perspectives économiques de la Russie.

« Tant que l’inflation est faible, le régime [russe] peut compenser de nombreuses choses en dépensant plus, en créant une demande publique. Mais si l’inflation est élevée, alors il y a de vrais compromis [à faire] et de vraies préoccupations », a déclaré M. Kluge.

La semaine dernière, le Service fédéral des statistiques de l’État russe, Rosstat, a indiqué que l’inflation globale en glissement annuel était de 7,4 % en janvier, comme en décembre, soit plus de trois fois plus qu’en avril de l’année dernière, où elle ne s’élevait qu’à 2,3 %.

L’inflation dans la zone euro est quant à elle tombée à 2,8 % le mois dernier, contre 2,9 % en décembre et un pic de 10,6 % en octobre 2022.

L’inflation sous-jacente, qui exclut les prix volatils de l’énergie et des denrées alimentaires et qui est considérée comme une meilleure estimation des pressions sous-jacentes sur les prix, donne une image encore moins flatteuse de l’économie russe : alors que l’inflation sous-jacente mensuelle du pays a augmenté chaque mois depuis avril 2023 pour atteindre un pic de 7,15 % en janvier, celle de la zone euro a chuté chaque mois depuis juillet, atteignant 3,3 % le mois dernier.
Le modèle économique russe, une hypothèque sur l’avenir ?

Dans ce contexte d’inflation croissante, l’engagement du président russe Vladimir Poutine à financer la guerre signifie qu’il est maintenant confronté à un « trilemme impossible », analyse Alexandra Prokopenko, chercheuse non résidente au Centre Carnegie Russie Eurasie et ancienne banquière centrale russe.

Selon la chercheuse, le président russe jongle avec trois objectifs incompatibles : continuer à financer la guerre en Ukraine, maintenir la façade du « business-as-usual » pour l’ensemble de la population grâce à des dépenses « extravagantes » en matière de salaires, d’exonérations fiscales pour les entreprises et les consommateurs et d’importations de biens de consommation, et préserver la stabilité microéconomique du pays grâce à un faible taux d’inflation.

Réaliser le premier et le deuxième objectif implique des coûts plus élevés, et cela se fait au détriment du troisième objectif, tandis que réduire l’inflation impliquerait de limiter les dépenses, au détriment des deux premiers objectifs, a expliqué Mme Prokopenko.

« Je pense que le choix se fera en faveur d’une baisse du niveau de vie de la population, car la stabilité macroéconomique est une des pierres angulaires de [la politique de Vladimir Poutine] », a-t-elle ajouté.

Dans l’ensemble, M. Kolyandr s’est montré tout aussi pessimiste quant aux perspectives de la Russie à long terme. « Mon opinion est que le modèle économique actuel ne peut pas subsister à long terme », a-t-il affirmé.


Pour lui, les taux de croissance de 2023 et 2024 ont été possibles car la Russie a mis une « hypothèque sur son avenir ».

« Je ne sais pas quand viendra l’heure de vérité, mais l’histoire nous dit que, tôt ou tard, on finit par payer. »
https://www.euractiv.fr/section/interna ... re-avenir/
Très bon article du site Euractiv, qui dresse les actuelles grandes lignes économiques des deux blocs, qui sont tous deux à la peine.
« Ainsi s'éteint la liberté, sous une pluie d'applaudissements. » Star Wars, épisode III
"nul bien sans peine".....

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