C'est vrai qu'ici, on préfère "chier" sur la justice française à longueur de clavier.
Les "juges rouges" comme disent les cons qui oublient que l'Affaire URBA c'est lui avec la juge Jean Pierre
Il était juge, lui, sans doute le meilleur incorruptible de la lutte contre la corruption qui place notre "beau "pays qu' à la ...20è place sur 173 et pas à la 1ère qui devrait être la nôtre, nous les donneurs de leçons à l'Ukraine par exemple, comme je le lis trop souvent ici!
Personne n'en parle. Je m'en charge pour vous rappeler qu'il est mort ce 10 mai, date anniversaire de l'arrivée au pouvoir de la gauche en 1981, cette gauche qui fut la 1ère victime de ses enquêtes!
Admiratif devant ces types...trop vite partiLa mort de Renaud Van Ruymbeke, juge d’instruction emblématique des « affaires »
Le magistrat, au statut d’icône dans le monde judiciaire, s’est occupé des plus grands dossiers politico-financiers, d’Elf à Bygmalion, et a incarné la lutte contre la corruption.
Par Fabrice Lhomme
Publié le 10 mai 2024 à 19h18, modifié le 11 mai 2024 à 09h02
https://www.lemonde.fr/disparitions/art ... _3382.html
Le dernier échange de SMS date de la fin du mois de janvier 2021. Il était question d’un documentaire pour France 2, L’Affaire qui a fait exploser la droite, auquel il avait accepté de participer – il s’agissait notamment d’aborder le dossier Bygmalion, qu’il avait instruit. Au dernier moment, il s’était ravisé. « Je suis toujours inquiet dès qu’il s’agit des affaires que je ne peux évoquer », nous écrivit-il d’abord. Puis, quelques jours plus tard : « A la réflexion, compte tenu du contexte dans lequel le documentaire s’inscrit et des procédures en cours, je ne peux et ne veux pas du tout apparaître dans le documentaire. »
Jusqu’au bout, Renaud Van Ruymbeke, mort à l’âge de 71 ans, sera resté cet homme affable et réfléchi, parfois écartelé entre le devoir de réserve qui s’impose aux magistrats et son envie de faire partager la grande affaire de sa vie : la justice. Son décès, annoncé par la chancellerie vendredi 10 mai, a provoqué une vive émotion dans la magistrature, tant cet homme d’allure svelte, au regard malicieux derrière de fines lunettes et à l’éternelle petite moustache, avait acquis, au fil de décennies d’enquêtes spectaculaires, le statut d’icône.
De fait, personne n’aura mieux incarné que lui la figure du juge d’instruction intrépide dont les investigations font trembler les puissants. Même Eric Dupond-Moretti, dont l’hostilité pour cette corporation est notoire, y est allé de son hommage. « La France perd un grand magistrat et la justice un immense serviteur. J’adresse mes condoléances émues à sa famille et à ses proches », a écrit sur X le garde des sceaux.
Joies de la médiatisation
Né en 1952 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), Renaud Van Ruymbeke a eu très tôt la vocation. Dès sa sortie de l’Ecole nationale de la magistrature (ENM), en 1977, il demande à instruire les affaires économiques et financières. Nommé au tribunal de Caen, il récupère un peu par hasard, en 1979, alors qu’il n’a que 27 ans, une procédure qui va bientôt le rendre célèbre :
- l’enquête incrimine en effet le ministre du travail de Valéry Giscard d’Estaing, Robert Boulin, mêlé à l’achat suspect d’un terrain à Ramatuelle (Var). La mise en cause de l’homme d’Etat, que l’on dit alors « premier ministrable », fait grand bruit. C’est le début des affaires politico-financières, conduites par quelques juges d’instruction courageux, à une époque où la justice est le plus souvent aux ordres du pouvoir politique.
Avec cette affaire, Van Ruymbeke devient à la fois le porte-drapeau et l’incarnation de ces « juges rouges », comme ils sont – improprement – surnommés. S’il découvre les joies de la médiatisation, « VR », comme le rebaptisent ses collègues, est rapidement – et violemment – dégrisé. Le 30 octobre 1979, le corps du ministre du travail est retrouvé sans vie dans un étang de la forêt de Rambouillet (Yvelines). Dans une lettre rédigée juste avant sa mort, il dénonce « un juge ambitieux, haineux de la société et considérant a priori un ministre comme un prévaricateur ».
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L’issue dramatique de cette affaire marquera fortement le jeune magistrat, qui a bien cru que sa carrière, à peine commencée, allait se terminer. Si, depuis près d’un demi-siècle, ils sont nombreux à penser que Boulin a été assassiné, Van Ruymbeke, lui, a toujours donné du crédit à la thèse officielle, celle du suicide d’un homme qu’il s’apprêtait à inculper.
Crimes de lèse-majesté
Au début des années 1990, en poste à Rennes, il reprend un dossier précédemment instruit par Thierry Jean-Pierre, l’affaire Urba. La procédure porte sur des attributions frauduleuses de marchés publics derrière lesquelles se profile le financement occulte du Parti socialiste. Là encore, Van Ruymbeke frappe les esprits : en 1992, il conduit une perquisition au siège du Parti socaliste (PS), puis inculpe Henri Emmanuelli, trésorier du PS ; deux crimes de lèse-majesté aux yeux du pouvoir mitterrandien. Jusqu’alors abhorré par la droite, l’incontrôlable juge, dont la notoriété ne cesse de croître, devient la bête noire de la gauche… et un modèle pour toute une génération de magistrats, bien décidés à conquérir leur indépendance.
Chargé de procédures sensibles, dont l’une le conduit cette fois aux trousses du Parti républicain (PR), Van Ruymbeke n’en conserve pas moins une forme de détachement. Il trouve refuge dès qu’il le peut dans sa petite maison de Mordelles (Ille-et-Vilaine), où il s’adonne à l’une de ses passions, le piano. Doué, il donne même parfois des concerts en comité restreint.
Derrière une apparence austère, c’est un homme jovial. Dans son cabinet, au palais de justice de Rennes, il a placardé un poster de Lucky Luke légendé ainsi : « I’m a poor lonesome JI ! » (« je suis un pauvre juge d’instruction solitaire »). Un clin d’œil à l’isolement inhérent à la fonction, mais aussi aux reproches qui lui sont parfois faits de la jouer « perso ». Logique, après tout : ce grand amateur de football était attaquant. Les habitués du stade de la Route-de-Lorient, à Rennes, le croisaient régulièrement, l’incontournable galette-saucisse en main, aux matchs du Stade rennais.
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Signataire en 1996 de l’« appel de Genève » contre la corruption, il se découvre un nouveau cheval de bataille. Pendant plus de vingt ans, il fera de la lutte contre le blanchiment et les paradis fiscaux un combat prioritaire, au point d’y consacrer un livre, Offshore. Dans les coulisses édifiantes des paradis fiscaux (Les liens qui libèrent, 2022).
Délaissant pour une fois les scandales politico-financiers, il parvient à résoudre l’énigme de la mort d’une jeune Anglaise, Caroline Dickinson, assassinée en 1996 à Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine). Il choque en ordonnant que 3 800 hommes des environs se soumettent à des tests ADN, procédure alors balbutiante. Cinq ans plus tard, le meurtrier sera arrêté aux Etats-Unis, confondu par son empreinte génétique.
Approche humaniste du métier
Nommé en 2000 au pôle financier parisien, il collectionne les dossiers médiatiques, Elf, Karachi, Kerviel-Société générale,et ... Balkany…
- L’un d’eux aurait pu sceller sa perte : l’affaire des frégates de Taïwan, sombre histoire de rétrocommissions en marge de la vente de matériel militaire français à Taipei. En 2004, il est mis sur la piste, par un informateur désireux de rester anonyme, de Clearstream, une chambre de compensation luxembourgeoise. Fichiers à l’appui, l’homme assure que cette structure abrite les fonds occultes de politiciens corrompus, parmi lesquels figurerait Nicolas Sarkozy.
Van Ruymbeke prend au sérieux ses révélations, dont il tente de vérifier le bien-fondé, déclenchant notamment des commissions rogatoires internationales en Italie, où M. Sarkozy aurait supposément ouvert deux comptes secrets sous un nom d’emprunt. Scandalisé, le futur président de la République dépose plainte pour dénonciation calomnieuse.
Deux juges sont désignés, et leurs investigations vont mettre au jour un authentique complot. L’informateur du juge n’est autre que Jean-Louis Gergorin, ancien numéro deux d’EADS, mais surtout affabulateur-né. L’enquête révèle que les listings remis à Van Ruymbeke sont des faux, le scandale est immense. Dominique de Villepin, alors premier ministre, est soupçonné d’avoir trempé dans la manipulation. Lui-même mis en cause par ses pairs, Van Ruymbeke sera finalement blanchi par le Conseil supérieur de la magistrature, sa bonne foi ayant été reconnue, mais il ne se remettra jamais vraiment de l’épisode, qui l’a durablement traumatisé.
Nombre de ses collègues au pôle financier parisien estiment d’ailleurs qu’il n’a plus été le même après cette affaire, y compris dans sa conduite des dossiers dont il avait la charge. Le juge téméraire, voire tête brûlée, laissa la place à un magistrat prudent, tout en retenue. Ainsi, fait rare, en 2017, alors qu’il était cosaisi, avec Serge Tournaire, du dossier Bygmalion, Renaud Van Ruymbeke refuse de signer l’ordonnance de renvoi devant le tribunal, jugeant trop minces, contrairement à son collègue, les charges retenues contre Nicolas Sarkozy.
Il est vrai que les deux magistrats, qui évitaient de se croiser, sont aux antipodes. Quand Tournaire est réputé extrêmement dur, Van Ruymbeke, à l’inverse, a toujours défendu une approche humaniste de son métier. Hostile à la mise en détention provisoire, il réservait le meilleur accueil aux conseils des clients sur lesquels il enquêtait. Cela lui a toujours valu un immense respect au sein de la corporation des avocats.
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Parti à la retraite en 2019, il cultivait depuis, au sens propre, son jardin, entouré de sa femme, Bernadette, également magistrate, et de ses nombreux petits-enfants, lui qui était père de sept enfants.
Renaud Van Ruymbeke en quelques dates
19 août 1952 Naissance à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine)
1979 Enquête sur le ministre Robert Boulin, qui se suicidera, pour l’achat suspect d’un terrain
1990 Commence à instruire l’affaire Urba
2000 Nommé au pôle financier parisien, où il traitera les dossiers Elf, Karachi, Kerviel-Société générale, Balkany
2004 Manipulé dans l’affaire Clearstream
2019 Prend sa retraite
10 mai 2024 Mort à l’âge de 71 ans