https://www.liberation.fr/international ... W6LKBZTWA/C’est un séisme pour la petite nation ibérique. Les conservateurs en tête des suffrages risquent de devoir s’allier à l’extrême droite qui effectue une percée spectaculaire, s’ils souhaitent former une coalition gouvernementale.
https://www.lefigaro.fr/international/p ... e-20240310Avantage à la droite portugaise, emmenée par le Parti social-démocrate (PSD), aux élections législatives. Son chef de file, Luis Montenegro, était dimanche soir le mieux placé pour devenir Premier ministre. Les résultats partiels, portant sur plus de 98% des votes, accordent à la coalition Alliance démocratique (AD), dominée par le PSD, 29,8% des voix et 79 députés, tandis que le Parti socialiste (PS) sortant, et son candidat l'ancien ministre Pedro Nuno Santos, plafonne à 28,66% et 77 députés. La formation d'extrême droite Chega (Assez !) obtient 18% des suffrages, plus du double des dernières élections en 2022, et 48 députés.
Selon ces chiffres, une majorité de gauche, la somme des sièges du PS et de ceux des trois partis à sa gauche, est exclue. Mais AD ne parvient pas davantage à la moitié des élus (116 députés), même en ajoutant ceux d'Iniciativa liberal (IL). Faute d'alternative, la capacité de Montenegro à diriger le pays à la tête d'un gouvernement minoritaire dépendra donc de la volonté du PS et de Chega de le laisser faire ou, c'est moins probable, de lui barrer la route.
Pas de négociations avec l’extrême droite
Plusieurs scénarios d'alliances sont possibles sur le papier, mais l'un, central, a été exclu par Luis Montenegro. Avec emphase, le candidat du PSD l'a dit en trois mots : «Não é não» («Non, c'est non !»). Il n'entrera pas dans des négociations avec Chega pour briguer le soutien de l'extrême droite. Le président et fondateur de Chega, André Ventura, a bien renouvelé ses appels dimanche soir : «AD a demandé une majorité et les Portugais lui ont dit que cette majorité est celle d'AD et de Chega. Ce serait une irresponsabilité que de ne pas créer une union». Mais la phrase de Montenegro était trop définitive pour y revenir. «Il y perdrait toute sa crédibilité», écartait pendant la campagne Riccardo Marchi, spécialiste de l'extrême droite portugaise et professeur à l'Université de Lisbonne.
Reste l'option qui était habituelle au Portugal jusqu'en 2015 : parmi les deux grands partis qui alternent au pouvoir depuis la Révolution des œillets, celui arrivé second laisse gouverner le premier. La règle non écrite avait été rompue il y a neuf ans par la formation d'une alliance parlementaire inédite entre le PS, arrivé derrière le PSD, les communistes et la gauche radicale (Bloc de gauche, BE). Jusqu'en 2022, António Costa devait son poste de Premier ministre à une gauche plurielle appelée «geringonça» («bricolage» ou «machin»). Deux ans après avoir obtenu 41% des suffrages et la majorité absolue, le PS a assumé dès 21h30 son rôle de «leader de l'opposition». Et son directeur de campagne, João Torres avançait : «Le PS ne provoquera pas d'impasse constitutionnelle», nuançant toutefois l'intensité de sa coopération : «Le PS n'est pas un partenaire naturel de l'AD. Personne n'attend que nous facilitions ses budgets».
Le professeur de Science politique Antonio Costa Pinto se risquait à un pronostic avant de connaître les résultats : «Les Portugais veulent la stabilité. Le PS a plus intérêt à attendre, à laisser Montenegro gouverner un temps plutôt que de forcer la convocation de nouvelles élections». Reste que ce scénario ne garantit aucune stabilité à un gouvernement de droite. «Alors que le PS peut tisser des alliances à sa gauche et à sa droite, le PSD ne s'est laissé qu'une seule option : compter sur le soutien du PS, observe Riccardo Marchi. Cela le place dans une situation de très grande fragilité, soumis à la bonne volonté du PS, un parti de pouvoir, qui pourra le faire tomber à n'importe quel moment des quatre ans de législature».
La montée en puissance de Chega
L'essor de Chega, fondé en 2019, peut être expliqué par plusieurs facteurs. «Sa capacité de mobilisation répond à trois sujets principaux, indique Costa Pinto. La corruption, ou la perception de cette dernière par les Portugais [renforcée par la démission de Costa à la suite d'une enquête judiciaire contre cinq membres de son cabinet, NDLR] ; les promesses d'ordre et de respect de la loi ; l'immigration, qui vit un boom depuis cinq ou six ans, parce que le gouvernement socialiste l'a facilitée, pour répondre principalement à la demande de main-d’œuvre du secteur agroalimentaire». Sans oublier une inflexion du discours économique et social de Chega, dont le programme initial était très libéral.
«La hausse de l'immigration n'a pas provoqué de grands problèmes au Portugal, reconnaît Marchi. Mais il y a des quartiers dont la population a largement changé, et Chega peut dérouler facilement un discours du type “Nous ne voulons pas devenir comme la France, la Belgique ou l'Allemagne”».
Costa Pinto, avant de connaître le résultat des élections, commentait le succès d'AD dans les sondages en ces termes : «Après huit ans de gouvernement socialiste, une partie des électeurs centristes a décidé de donner une opportunité à la droite». Pour la saisir, le chemin que devra emprunter Luis Montenegro est étroit.
La rédaction vous conseille
Donc une vague européenne se précise.
