Après les banques et les grands organismes de crédit, les agences de notation vont-elles devoir, elles aussi, rendre des comptes ? Standard & Poor's (S&P) a reconnu, lundi 4 février, qu'elle s'attendait à voir le ministère américain de la justice déposer plainte contre elle. Au motif que l'agence – qui, en son temps, fut la première à abaisser la note de la dette publique des États-Unis – aurait manipulé les notes de produits financiers toxiques – en particulier les fameux CDO (collateralized debt obligations) – dans la période qui a précédé l'explosion de la bulle des subprimes, en 2007.
Des milliers de ces titres hypothécaires "pourris" ont effectivement bénéficié, jusqu'au dernier moment, d'excellentes notes de la part de S&P comme de ses concurrentes, de même que les établissements financiers qui les émettaient.
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Exactement comme, sept ans auparavant, le courtier en énergie Enron jusqu'à la veille de sa banqueroute frauduleuse. Ou la banque Lehman Brothers qui, le jour de sa faillite, le 15 septembre 2008, n'avait toujours pas été dégradée. Pas plus que les grandes sociétés de crédit immobilier comme Countrywide ou Washington Mutual qui ont aussi fait faillite. Pas plus que l'assureur AIG, dont le renflouement par l'Etat américain coûtera plus de 180 milliards de dollars (133 milliards d'euros) pour éviter un effondrement "systémique" de la finance internationale.
Dans le cas de S&P, la justice concentrerait sa plainte sur une trentaine de CDO dont les cas illustreraient une pratique générale. Elle disposerait de milliers de courriels internes remontant jusqu'à la direction de l'agence.
IMPARTIALITÉ DISCUTABLE
Dans un communiqué, S&P a "profondément déploré" son incapacité passée à déceler la nature spéculative et dangereuse des produits financiers de dette hypothécaire (et autres), et indiqué qu'elle avait investi 400 millions de dollars pour améliorer les procédures de validation de ses notes. Mais elle a ajouté qu'"une action en justice n'aurait aucun fondement factuel ou juridique". L’État américain aurait "tort de soutenir que les notations de S&P étaient motivées par des considérations commerciales et non émises de bonne foi".
Pourtant, le fonctionnement des agences est depuis longtemps critiqué : comment peuvent-elles donner des notes en toute impartialité à des sociétés qui sont aussi leurs clients ? Fin janvier 2011, la commission d'enquête sur la crise financière, après l'audition de 800 témoins et protagonistes de la crise, avait conclu que ces agences en avaient constitué "un des facteurs essentiels" et appelé à les réformer. Mais, à l'issue d'un lobbying intense au Congrès, celles-ci étaient parvenues à échapper aux fourches de la loi de réforme financière, dite Dodd-Frank.
Des avocats de S&P ont laissé entendre qu'ils plaideraient que le gouvernement américain n'a, pas plus que S&P, pris en compte les éléments qui pouvaient faire craindre la crise financière de 2008. L'agence rappelle qu'en 2007, le Trésor avait jugé les problèmes du marché des emprunts hypothécaires "maîtrisé".
Le dépôt de la plainte est imminent. Les procureurs généraux de plusieurs États américains pourraient s'y joindre ou déposer des plaintes séparées (le procureur de l’État de New York, le plus important dans les affaires financières, a fait savoir qu'il menait parallèlement sa propre enquête).
UNE NÉGOCIATION AURAIT DÉJÀ CAPOTÉ
Pour la plupart des analystes, la procédure devrait se clore, comme dans les cas des grandes banques américaines, par une amende dont le montant constitue un indicateur symbolique du niveau de la fraude officiellement non admise par celui qui s'engage à la verser.
Une négociation s'est d'ailleurs déjà engagée entre S&P et la justice, mais elle aurait capoté, Washington ayant exigé le versement d'une amende "dépassant les 10 chiffres", c'est-à-dire de plus de 1 milliard de dollars.
L'action McGraw-Hill, propriétaire de S&P, a perdu 14 % lundi à la clôture à Wall Street. Pour les agences, l'enjeu de la bataille dépasse la seule plainte du gouvernement. Si S&P était condamnée en justice ou transigeait sur une amende, les autres suivraient vraisemblablement. Surtout, des investisseurs ayant perdu des sommes importantes sur les marchés des produits financiers de dette vérolés pourraient, à leur tour, se retourner contre elles...
les Etats-Unis vont porter plainte contre S&P
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Re: les Etats-Unis vont porter plainte contre S&P
4 ans ont été nécessaires pour y arriver...
Espérons qu'ils soient condamnés.
Espérons qu'ils soient condamnés.
