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par Patrick_NL » 12 décembre 2012 16:02
Une moralisation qui n'avance guère
Cela fait maintenant une quinzaine d'années que la question de la rémunération des dirigeants est présente dans le débat public, mais les mesures adoptées sont restées jusqu'à présent très soft.
1995 : Rapport Viénot 1. Marc Viénot, alors président de la Société générale, a écrit un rapport sur le gouvernement d'entreprise pour le compte du Medef et de l'Association française des entreprises privées (Afep), le club des très grandes entreprises cotées. Il préconise en particulier de créer, dans les conseils d'administration des grands groupes, un comité des rémunérations afin de fixer le salaire du PDG.
1998 : Libéralisation des stock-options. Dans le contexte d'euphorie de la "nouvelle économie", Dominique Strauss-Kahn, à l'époque ministre socialiste des Finances, libéralise le régime des stock-options, qui existent en France depuis 1970. Elles vont connaître un développement fulgurant.
1999 : Rapport Viénot 2. Ce second rapport Viénot invite en particulier les grandes entreprises à publier dans leur rapport annuel le montant global des rémunérations des dirigeants.
2001 : Loi sur les nouvelles régulations économiques. La loi NRE rend obligatoire la publication dans les rapports annuels "de la rémunération totale et des avantages de toute nature versés, durant l'exercice, à chaque mandataire social". Parallèlement, elle allège les contraintes pesant sur les stock-options, avec une durée de détention qui est ramenée de cinq à quatre ans pour pouvoir bénéficier d'une fiscalité avantageuse.
2002 : Rapport Bouton. Daniel Bouton est le successeur de Marc Viénot à la tête de la Société générale. Son rapport demande en particulier que le comité des rémunérations définisse des règles pour la part variable de la rémunération des dirigeants.
2003 : Code de conduite du Medef et de l'Afep. Le Medef et l'Afep consolident les recommandations des rapports Viénot 1 et 2 et Bouton en un code de conduite censé devenir une norme pour les entreprises cotées en France.
Loi pour la sécurité financière. Cette loi exclut les patrons des sociétés non cotées de l'obligation de publication des rémunérations, mais elle prévoit l'obligation de publier annuellement un rapport sur le fonctionnement du conseil d'administration.
2005 : Comptabilisation des stock-options. Avec l'entrée en vigueur des IFRS (de nouvelles normes comptables internationales), il devient obligatoire, suite aux scandales Enron et autres de comptabiliser les stock-options comme des dépenses dans les comptes des entreprises. Ce qui limite beaucoup leur attrait.
Création des actions gratuites. Un amendement à la loi de Finances 2005, présenté par Edouard Balladur, ouvre la possibilité de distribuer des actions gratuites, qui prennent de plus en plus le relais des stock-options.
Loi pour la confiance et la modernisation de l'économie ("Loi Breton"). Précise en particulier les modalités de fixation des parachutes dorés. Les indemnités de départ devront être approuvées en conseil d'administration.
2006 : Loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié. Elle oblige les conseils d'administration à définir un quota de stock-options que les dirigeants seront tenus de conserver pendant toute la durée de leur mandat.
2007 : Recommandation du Medef et de l'Afep. Les deux organisations recommandent de négocier dès leur embauche les fameux parachutes dorés, les indemnités de départ des chefs d'entreprise.
La Cour des comptes dénonce les niches sociales. Elle souligne en particulier l'ampleur du manque à gagner pour la Sécurité sociale lié aux stock-options: "sur la base d'une valorisation des stock-options distribuées en 2005 à 8 569 millions d'euros, la perte de recettes peut être estimée à 3 246 millions".
2008 : Nouveau code de conduite du Medef et de l'Afep: Ce énième code demande notamment aux entreprises de ne pas verser de parachute doré en cas d'échec du dirigeant, de supprimer les rabais accordés jusque-là lors de l'attribution de stock-option et d'interdire les instruments de couverture desdites options. Un mécanisme qui permettait aux dirigeants de garantir leurs gains futurs sur les stock-options, vidant ainsi le dispositif de son sens. L'accès aux fonds du plan de soutien aux banques françaises adopté à l'automne dernier est conditionné à l'adoption de ces recommandations.
Toujours pas de cotisations sociales pour les stock-options. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 prévoit que les parachutes dorés de plus de 1 million d'euros seront soumis à cotisations sociales dès le premier euro, mais les parlementaires ont refusé, à la demande du gouvernement, de soumettre les stock-options et les actions gratuites à une cotisation sociale minimale de 2%…
What next?
"Quand le dernier arbre aura été abattu - Quand la dernière rivière aura été empoisonnée - Quand le dernier poisson aura été péché - Alors on saura que l'argent ne se mange pas." Geronimo