A priori, tout n'est pas aussi clair que certains voudraient bien le croire.
Ou quand les ennemis de nos ennemis peuvent être nos amis... ou pas !!! :roll:
George Orwell ne serait pas dépaysé en Syrie ces jours-ci. Engagé dans les rangs républicains, l'écrivain anglais avait assisté, en mai 1937, aux affrontements meurtriers de Barcelone (1) qui opposèrent anarchistes et gauchistes aux communistes - toutes forces en théorie unies contre les nationalistes du général Francisco Franco. La même situation est en train de se reproduire en Syrie où, depuis une semaine, les djihadistes liés à Al-Qaïda combattent l'Armée syrienne libre (ASL) dans les zones «libérées»... Le 11 juillet, Kamel Hamami, l'un des chefs de l'ASL, a été assassiné, alors que d'autres affrontements ont eu lieu le weekend dernier dans le nord du pays. S'ils combattent tous les forces fidèles au président Bachar el-Assad, les djihadistes et la coalition nationale syrienne n'ont pas le même objectif : les premiers veulent instaurer un Etat islamiste sunnite, les autres un régime plus démocratique.
Karl Marx avait donc tort. «Tous les grands événements historiques se répètent pour ainsi dire deux fois», écrivait-il. «La première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce». Il péchait par optimisme, car il arrive que la seconde soit tout aussi tragique que la première. La Syrie en fournit un parfait exemple, si on la compare, comme le font de plus en plus de commentateurs américains, à la guerre d'Espagne (1936-39). Comparaison n'est sans doute pas raison, mais ces deux conflits ne manquent pas de traits communs : un soulèvement qui échoue, plongeant un pays déjà profondément divisé dans la guerre civile ; l'un des deux camps qui finit par se déchirer jusqu'à s'affronter les armes à la main, et, surtout, une implication internationale extrêmement inégale, où la non-intervention des uns répond à l'engagement militaire des autres.
1) Un soulèvement échoue. En juillet 1936, ce n'est pas le coup d'Etat militaire contre la République espagnole qui plonge le pays dans la guerre civile, mais son échec. De nombreuses régions, des pans entiers de l'armée et de l'appareil d'Etat refusent le fait accompli du général Franco. Le pays s'enfonce dans 35 mois de conflit, provoquant la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes. En Syrie, l'échec du soulèvement démocratique et pacifique en mars 2011, version locale du printemps arabe, précipite le pays dans la guerre. La volonté délibérée du pouvoir de jouer la politique du pire et l'incapacité de l'opposition à s'unir expliquent cet emballement. Résultat : la guerre fait rage depuis 28 mois et l'on compte déjà près de 100.000 morts, alors que rien ne laisse espérer une issue.
2) Un pays éclate. L'Espagne des années 30 était un pays très polarisé, dans laquelle les modérés de chaque camp étaient pris en otage par les plus radicaux. Aux divisions politiques, s'ajoutaient des haines religieuses, entre cléricaux et anticléricaux, de forts particularismes régionaux (Basques, Catalans, etc) et un contexte de violence sociale. Tous les ingrédients de l'explosion étaient là, comme ils l'étaient en Syrie, mosaïque de communautés ethnico-religieuses à l'équilibre instable, où chacun a peur de l'autre. Rien à voir avec la Tunisie, très homogène culturellement, ou avec cette vieille nation dotée d'une tradition étatique ancestrale qu'est l'Egypte. La Syrie ressemble plus à l'Irak, au Liban ou à l'Afghanistan. Ce n'était pas forcément bon signe. Au delà de l'affrontement majeur entre deux camps, des divergences profondes existent à l'intérieur de chacun d'entre eux. On les avait vues à l'oeuvre chez les républicains espagnols, on les voit désormais dans l'opposition syrienne. En face, Franco comme Assad tiennent les leurs d'une main de fer.
3) Le monde se divise. L'Italie de Mussolini et l'Allemagne de Hitler volèrent très tôt au secours de Franco, non seulement en l'armant mais en lui fournissant des troupes, comme la Légion Condor de la Luftwaffe. En Syrie, l'Iran et ses alliés chiites libanais du Hezbollah font de même, alors que la Russie fournit des armes et un soutien diplomatique en bloquant les condamnations à l'ONU.
En face, même parallèle : les Républicains furent également massivement soutenus par l'Union soviétique et l'Internationale communiste, comme l'opposition syrienne l'est aujourd'hui par le Qatar, l'Arabie saoudite et les mouvements islamistes. Aux Brigades internationales d'alors correspondent les combattants musulmans du monde entier qui vont faire le djihad contre le régime impie d'Assad. Reste l'attitude timorée des Occidentaux. Au refus d'intervenir de la Grande-Bretagne contre Franco répond celui d'Obama d'engager sérieusement les Etats-Unis dans le bourbier syrien. Quant à l'attitude de la France, celle de François Hollande ressemble à celle de Léon Blum : on aimerait bien faire quelque chose pour soutenir nos amis, mais sans aller trop loin, pour ne pas jouer cavalier seul, sans notre grand allié, Londres hier, Washington aujourd'hui. Ce n'est pas non plus forcément rassurant sur l'issue de la guerre.
Il n'y absolument aucun mérite à exciter les gens. Le vrai héros c'est celui qui apaise.
La laïcité n'est pas une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect de l'ordre public.