La ProvenceCertains quartiers sensibles sont « évités » par les sociétés de livraison.
Comme d’habitude, Chantal avait validé sa commande sur Internet. Le jour dit, le livreur est là : mais un groupe cagoulé et lourdement armé l’entoure, le force à ouvrir son camion. La bande ne le laissera filer que lorsqu’elle découvrira qu’il transporte seulement des denrées alimentaires. Petit détail : Chantal vit depuis quatre ans à Campagne-Lévêque. Le coeur du trafic de drogue dans cette vaste cité. « Ce jour-là, je n’ai pas été livrée et depuis, Carrefour refuse de revenir » déplore cette Marseillaise qui a l’impression d’être frappée par une « triple peine. » Handicapée, contrainte de vivre dans un climat de violence et de non-droit, et désormais… interdite de livraison. Car c’est vrai : Carrefour quoique très embarrassé, le confirme.
« Jusqu’à nouvel ordre, nous n’allons plus à Campagne-Lévêque, explique la communication du groupe. La sécurité de nos livreurs n’y est plus assurée. » L’enseigne assure pourtant que le cas de Chantal est « absolument isolé » et que l’enseigne « intervient sans aucune restriction » dans les quartiers sensibles de Marseille. Sauf donc à Campagne Lévêque. Début juin encore, c’est un livreur de Darty qui se faisait braquer pour un lave-linge à la Solidarité (15e). « Ce n’était pas une première, indique Alain Zagaroli, directeur général de Darty. Mais nous avons choisi de maintenir le service, de ne pas isoler des clients : simplement, nous cherchons des solutions au cas par cas avec eux » précise-t-il.
Mais la question se pose : les habitants des cités les plus dures de la ville sont-ils encore des citoyens comme les autres ? Eddy, livreur à Marseille pour une grande marque d’électroménager, n’hésite pas, lui, à le dire : « C’est triste, mais non. On ne va pas partout. Quand on voit le bon de commande, on ne va pas prendre de risque pour un salaire de mille balles. » Mourad, salarié à la Castellane, autre grande cité sous le contrôle des dealers, l’affirme : « Depuis 3-4 ans, il y a des enseignes qui ne viennent plus du tout. D’autres refusent d’entrer dans la cité, comme Darty : si vous voulez être livré, il faut que vous alliez à l’entrée de la cité attendre le livreur, qui ne viendra jusqu’à votre immeuble que sous votre escorte ! » A Campagne-Lévêque, Auchan accepterait encore de livrer, »mais seulement en fin de tournée, pour que le camion soit quasi vide » au moment de pénétrer dans la cité. Des plaintes ont été déposées auprès des bailleurs sociaux, par des voisins excédés, se sentant victimes de discrimination à la vente.
« On ne peut pas en vouloir aux livreurs, insiste ce travailleur social, le danger est bien réel pour eux de se faire braquer. Ils ne sont pas les seuls : les professions médicales, les élus, et même les pompiers doivent montrer patte blanche pour entrer dans nos cités. »
Certains diront que j'aime bien ce type de faits divers.....

