Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

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jeandu53
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Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

Message par jeandu53 »

Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

DÉCRYPTAGE - La première comme la deuxième mouture de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité.

Oui, « en matière fiscale, le législateur dispose d’une très grande marge de manœuvre ». Le constitutionnaliste Paul Cassia, professeur à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ne manque pas de le rappeler. Mais, si sa créativité est très valorisée, comme en atteste le fait que la France est l’un des pays au monde où les prélèvements obligatoires sont les plus importants, elle n’est pas pour autant infinie. Aussi innovante que soit la taxe Zucman, dans sa version 1 ou version 2, elle n’échappe pas au risque d’inconstitutionnalité. Et, pour ces deux moutures, se posent les mêmes questions de droit.

Égalité devant la loi

On le rappelle, la Zucman 1, actuellement enterrée, prévoyait un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches « lorsque la valeur de leurs actifs mentionnés était supérieure à 100 millions d’euros », précisait le premier amendement, déposé le 12 juin 2025. Le second, instaurant Zucman 2, déposé par les socialistes cette semaine, prévoit un impôt minimum de 3 % sur les hauts patrimoines, à partir de 10 millions d’euros. Cette fois-ci, il est prévu d’exonérer de cette nouvelle assise fiscale « les entreprises innovantes » - un concept qui existe dans le code général des impôts -, et les entreprises familiales, dès lors que les membres du foyer fiscal détiennent plus de 51 % des droits de vote et des droits aux bénéfices de l’entreprise. Les deux versions, « allégée » ou pas, s’attaquent « aux gros » patrimoines, indépendamment des revenus disponibles de ces contribuables, car c’est l’objet même de la taxe que d’empêcher les optimisations fiscales consistant à organiser la raréfaction des revenus.

Nicolas Vergnet, professeur de droit public fiscal à l’université d’Aix-Marseille, rappelle le cadre simple du droit : celui formé par les articles 6, 13 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le premier pose l’égalité devant la loi fiscale. Ainsi, « le législateur ne peut pas traiter différemment des contribuables placés dans des situations comparables (sauf si l’intérêt général le justifie) », souligne l’universitaire. Le deuxième fixe l’égalité devant les charges publiques : « Cela implique que lorsqu’il met en place un impôt, le législateur doit choisir des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objet de la loi. Cela s’appelle le test de cohérence. C’est ainsi qu’une taxe sur la consommation dite “Red Bull” a été censurée, car le législateur indiquait vouloir lutter contre la consommation d’alcool chez les jeunes… en taxant une boisson ne contenant pas d’alcool, ce qui est incohérent », rappelle l’universitaire. « Par ailleurs, l’égalité devant les charges publiques implique également que l’impôt ne porte pas atteinte aux facultés du contribuable », ce qui veut dire qu’il ne peut pas être « excessif ou confiscatoire ». C’est le test de proportionnalité.

Impôt confiscatoire

Ce corpus « encadre très étroitement les impôts sur la fortune », estime Nicolas Vergnet. Ce qui rend donc la création d’autres taxes toujours périlleuse. De son côté, Paul Cassia juge que la notion d’impôt confiscatoire « est sujette à une interprétation très subjective. Peut-on dire qu’une taxe de 2 % sur un patrimoine plancher de 100 millions d’euros est confiscatoire ? », interroge le constitutionnaliste. Certes, à ce jour, le Conseil constitutionnel n’a jamais dit qu’un impôt qui ne toucherait pas seulement les revenus mais viendrait obérer le capital - provenant des bénéfices latents que portent les actifs détenus sans être encore liquides (plus-values sur titres, nue-propriété en vue d’une reconstitution future de la pleine propriété) - serait par lui-même inconstitutionnel.

Mais en revanche, il se dégage de plusieurs décisions, depuis 1981, 1998 et 2012 notamment, que les Sages de la Galerie Montpensier ont mis en place un cadre strict, qui rendent ces taxes toujours risquées d’un point de vue constitutionnel. « À l’heure actuelle, le Conseil constitutionnel apprécie les facultés contributives d’un contribuable à l’aune des “bénéfices ou revenus qu’il a réalisés ou dont il a disposé, y compris lorsque est en cause un impôt sur le patrimoine” », estime Nicolas Vergnet.

Plafonnements

Le 29 décembre 1998, le Conseil constitutionnel l’affirmait dans sa décision concernant l’ISF : « L’impôt de solidarité sur la fortune a pour objet de frapper la capacité contributive que confère la détention d’un ensemble de biens et qui résulte des revenus en espèce ou en nature procurés par ces biens ; qu’en effet, en raison de son taux et de son caractère annuel, l’impôt de solidarité sur la fortune est appelé normalement à être acquitté sur les revenus des biens imposables. » Sur cette base, il a ainsi jugé que « le législateur a méconnu ces principes règle en prévoyant que l’impôt de solidarité sur la fortune pourrait, (…) être assis sur un bien dont le contribuable nu-propriétaire ne tirerait aucun revenu, alors que serait prise en compte dans le calcul de l’impôt la valeur en pleine propriété dudit bien. »

Par ailleurs, deux décisions du Conseil constitutionnel du 9 août et du 29 décembre 2012, à propos du rétablissement de l’ISF par François Hollande, impôt qui avait été amendé par Nicolas Sarkozy en 2011, précise une nouvelle fois les limites. Cette fois-ci, ce sont les règles de plafonnement qui sont évoquées : pour « éviter la rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques qui résulterait de l’absence d’un tel plafonnement » et éviter que l’impôt soit confiscatoire, le Conseil constitutionnel évoque la nécessité de « l’assortir d’un dispositif de plafonnement (…), destiné à éviter une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques ». En l’occurrence, à hauteur de 75 %, afin que l’impôt ne soit pas spoliateur.

Malfaçons rédactionnelles

Telles que rédigées, les deux versions de la taxe Zucman peuvent ainsi apparaître « instables » constitutionnellement, tant en ce qui concerne la proportionnalité aux revenus disponibles qu’en termes de plafonnement.

Pour la version 2, s’ajoutent « des malfaçons » rédactionnelles. Notamment en ce qui concerne les entreprises familiales qui ne seraient pas imposées lorsque les membres du foyer fiscal détiennent « plus de 51 % des droits de vote et plus de 51 % des droits économiques », ce qui implique nécessairement qu’une entreprise familiale détenue à 51 % serait bien dans le champ de la taxe mais pas une entreprise familiale détenue à 51,1 %. Existerait-il des différences telles entre ces deux situations qui justifient ce traitement différencié ? Des seuils très théoriques par rapport à la réalité de la vie des affaires, et qui pourraient donc déboucher sur d’éventuelles questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).
SOURCE : LE FIGARO

Pour la gauche, ce serait quand même ballot de se donner autant de mal pour faire voter cette taxe, pour ensuite se faire retoquer par le CC... :content36
papibilou
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Re: Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

Message par papibilou »

Le Conseil Constitutionnel pourrait valider cette taxe pour une durée limitée.
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jeandu53
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Re: Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

Message par jeandu53 »

papibilou a écrit : 29 octobre 2025 12:16 Le Conseil Constitutionnel pourrait valider cette taxe pour une durée limitée.
Venant du CC, rien ne serait surprenant. Mais quand même, une telle décision serait curieuse. Soit cette taxe est conforme à la Constitution (selon le point de vue du CC), soit elle ne l'est pas.
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Cépajuste
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Re: Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

Message par Cépajuste »

C'est vraiment paradoxal, car en vérité, la taxe Zucman a pour objectif de rétablir l'égalité devant l'impôt (principe constitutionnel), les personnes très riches n'étant pas imposées au même niveau que les autres contribuables.
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scorpion3917
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Re: Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

Message par scorpion3917 »

jeandu53 a écrit : 29 octobre 2025 12:19
papibilou a écrit : 29 octobre 2025 12:16 Le Conseil Constitutionnel pourrait valider cette taxe pour une durée limitée.
Venant du CC, rien ne serait surprenant. Mais quand même, une telle décision serait curieuse. Soit cette taxe est conforme à la Constitution (selon le point de vue du CC), soit elle ne l'est pas.
Rappelez moi qui est le président du CC ? :XD:
La seule chose qui permet au mal de triompher est l inaction des hommes de bien.
Edmund Burke.
oups
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Re: Pourquoi les versions 1 et 2 de la taxe Zucman se heurtent à des risques d’inconstitutionnalité ?

Message par oups »

Zavez entendu au Sénat ce jour le Sénateur indépendant Claude Malhuret narrer l’histoire du paysan Zuk qui après avoir vu perrir son unique vache demande à Dieu de faire preuve de justice , se dernier lui faisant remarquer que sa vache est morte faute de soins , ce brav’ Zuk lui rétorque que la n’est pas le probleme , sa vache est morte et la justice c’est de faire mourir celle de son voisin epicetou :gene3:
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