CRISE
B.− [Dans la vie de la société]
1. En gén. Situation de trouble profond dans laquelle se trouve la société ou un groupe social et laissant craindre ou espérer un changement profond; p. méton., période ainsi caractérisée. Crise morale, des mœurs; crise de la civilisation, des sociétés modernes; issue d'une crise; pressentir une crise; entrer dans une période de crise. Marquer les grandes crises du développement de la société moderne (Guizot, Hist. civilisation,1828, p. 42).Aux jours de crises et de révolutions (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1836, p. 599).Il a bien servi la patrie dans la plus grande crise de son histoire (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 536):
7. Pour M. Ferrero, la grande crise du troisième siècle consiste dans une tentative désespérée des empereurs vers un principe d'autorité. Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 209.
♦ Crise universitaire. Les événements de mai 1968 en France ont donné à la crise universitaire qui est générale dans les sociétés industrielles, un aspect spectaculaire grâce à quoi désormais elle peut prétendre à une place dans les journaux et à la préoccupation des « personnes responsables » (Pédag.1972).
2. En partic.
a) Domaine écon. et fin.Dans un cycle économique, dysfonctionnement, souvent caractérisé par la surproduction ou la dépression, le chômage et, en économie capitaliste, un effondrement des cours boursiers. Crise agricole, commerciale, économique, financière; de mévente, de surproduction. Depuis quelques années, l'industrie était prospère. Une crise éclata (Maurois, Disraëli,1927, p. 310).C'est dans un climat d'euphorie qu'éclate le 24 octobre par un effondrement boursier à Wall-Street la crise de 1929 (Sournia1973) :
8. La Compagnie, sous le prétexte du dérangement causé par la paie, avait encore, ce jour-là, suspendu l'extraction, dans toutes ses fosses. Saisie de panique devant la crise industrielle qui s'aggravait, ne voulant pas augmenter son stock déjà lourd, elle profitait des moindres prétextes pour forcer ses dix mille ouvriers au chômage. Zola, Germinal,1885, p. 1282.
− Spéc. Difficultés économiques dans un secteur particulier consistant en une sous-production ou une diminution importante d'activité. Crise du papier, du tourisme; résoudre la crise des autoroutes. Non sans avoir trouvé, auparavant, en pleine crise du logement un appartement de trois pièces (Camus, Exil et Roy.,1957, p. 1630).Cf. débâcle ex. 6.
b) Domaine pol.Situation troublée caractérisée par des transformations plus ou moins violentes (des régimes, de l'équilibre du pouvoir, des États). Crise diplomatique, gouvernementale, intérieure, internationale, russo-polonaise. La seconde crise des monarchies européennes (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 1, 1817, p. 14).L'affaire de la banque de Chine ayant encore failli provoquer une crise de régime (Blanche, Modèles,1928, p. 75).Nous sommes assez inquiets quant au sort du cabinet, (...). Psychose de crise (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, pp. 182-183):
9. Nous avons des amis à la Chambre ... Ils n'ont pas pu nous donner seulement une bonne petite crise ministérielle compliquée d'une bonne petite crise présidentielle. A. France, M. Bergeret à Paris,1901, p. 348.
c) Domaine de la vie culturelle, intellectuelle.Situation où les principes sur lesquels repose une activité sont remis en cause. Crise de la physique, de la poésie, des fondements des mathématiques, du roman. La crise du théâtre d'aujourd'hui n'est pas mortelle puisque toutes les élites s'empressent à faire plus rayonnant le théâtre de demain (Arts et litt.,1936, p. 8807):
10. La liberté que l'auteur concède (...) de lire à haute voix le coup de dés ne doit pas être mal entendue : elle ne vaut que pour un lecteur déjà familiarisé avec le texte, et qui, les yeux sur le bel album d'imagerie abstraite, peut enfin de sa propre voix, animer ce spectacle idéographique d'une crise ou aventure intellectuelle. Valéry, Variété II,1929, p. 182.