SOURCE : LE FIGAROLe Rassemblement national a finalisé son plan Matignon II et son programme présidentiel
DÉCRYPTAGE - L’impatience gagne les rangs des lieutenants de Marine Le Pen, qui a enfin décidé à quel moment elle pourrait censurer le gouvernement, et quel type de campagne son parti mènerait en cas de dissolution.
Marine Le Pen se répète. D’ailleurs, elle reprend souvent à son compte ce vieil adage : « La politique, c’est l’art de la répétition. » Elle en a fait la preuve jeudi soir, sur LCI. Elle était l’invitée d’une émission spéciale, « Objectif 2027 ». Elle y est venue en tant que candidate, presque officiellement, du Rassemblement national (RN). « Mon cas personnel n’a aucun intérêt dans cette affaire », répond-elle au présentateur Darius Rochebin, qui soulignait la dureté du jugement envers Nicolas Sarkozy, condamné à cinq de prison avec mandat de dépôt et exécution provisoire dans l’affaire du financement libyen de sa campagne électorale de 2007, et le futur procès en appel, en janvier 2026, de la chef de file nationaliste. « En réalité, ce sont les Français qui sont attaqués au travers de la décision qui me frappe », rétorque-t-elle à propos de sa peine de cinq ans d’inéligibilité avec, là aussi, exécution provisoire.
Marine Le Pen l’affirme donc à qui veut l’entendre : son prochain rendez-vous avec la justice, où se décidera son destin politique, importe peu et ne l’empêchera pas de censurer le gouvernement de Sébastien Lecornu. Ce que ne révèlent pas les propos de la triple candidate nationaliste à la présidentielle, c’est l’impatience qui gagne les rangs du RN. Tous ses lieutenants n’ont qu’un mot à la bouche : la dissolution. « On l’attend avec impatience même ! », s’exclame un des membres de l’état-major mariniste.
Pourquoi tant d’ardeur ? Le parti nationaliste s’estime beaucoup plus prêt qu’en juin 2024, après la campagne des européennes, alors même que Jordan Bardella réclamait à tort et à travers la dissolution de l’Assemblée nationale. « La commission nationale d’investiture a fini son travail », explique un stratège mariniste. Comprendre : le RN est prêt à investir ses candidats dans « pratiquement » toutes les circonscriptions, sauf celles réservées aux alliées et à d’éventuels « ralliements ». Cette fois-ci, point de « brebis galeuses », promet-on.
Un programme prêt en décembre
Les architectes de ce « plan Matignon II », Thomas Ménagé, député RN du Loiret, et Julien Odoul, député de l’Yonne, ont « travaillé comme il faut ». « Ils sont jeunes, plein d’avenir et ambitieux. Ils n’ont clairement pas envie d’être les prochains fusibles en cas de plantage », analyse un vétéran nationaliste. Un système informatique d’un nouveau genre a même été créé spécialement pour le RN. « Il permettra d’imprimer les affiches de campagnes, les tracts, les documents administratifs en quelques clics pour chacun de nos candidats. On saura tout ce que fera le candidat », explique une source interne, heureux de cet « outil fantastique qui nous fera gagner de l’argent, et du temps ».
Un autre événement alimente la flamme nationaliste. « Le programme sera prêt en décembre », explique un lieutenant de Marine Le Pen. Voilà plus d’un an qu’Ambroise de Rancourt, directeur de cabinet de la députée du Pas-de-Calais, orchestre plus de 25 groupes de travail, constitué de 5 à 8 personnes, pour mettre à jour, moderniser, retravailler le programme présidentiel de leur future candidate. Les derniers arbitrages doivent être pris par Marine Le Pen et Jordan Bardella dans les semaines à venir. Les derniers « livrets » relus et validés d’ici à la fin de l’année.
« L’idée, c’est : un an d’avance sur la présidentielle »
La confiance dans le « plan Matignon II » et dans la solidité du nouveau programme du RN a permis à Marine Le Pen, Jordan Bardella, président du parti à la flamme, et à l’état-major nationaliste de prendre deux décisions. La première concerne la temporalité d’une éventuelle censure du gouvernement de Sébastien Lecornu « Je n’ai pas de doute qu’on le censurera, la question, c’est plutôt quand on décidera d’appuyer sur le bouton », explique un élu RN. Marine Le Pen cherche à obtenir des « victoires politiques », répète-t-elle depuis septembre à ses troupes.
La chef de file nationaliste a donc décidé de laisser venir les discussions budgétaires, et de ne pas censurer le premier ministre au lendemain de sa déclaration de politique générale. Exit donc, la pression maximale que certains cadres voulaient créer pour pousser Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale. « On ne veut pas non plus être associé à la stratégie insoumise », plaide un autre lieutenant. « Il y a un certain nombre d’intentions qui sont exprimées, mais si ces intentions débouchent sur des mesures qui sont anecdotiques ou dérisoires, qui ne sont pas à la mesure de ce qui est nécessaire pour rétablir la stabilité budgétaire du pays, alors ça n’ira pas », assure d’ailleurs Marine Le Pen après avoir lu l’interview de Sébastien Lecornu dans Le Parisien, détaillant ses pistes budgétaires.
La seconde décision concerne le type de campagne à mener en cas de législatives anticipées. « L’idée, c’est : un an d’avance sur la présidentielle », confie un stratège. « Il ne faut pas que l’on soit coincé entre le marteau de l’espoir de nos militants, et l’enclume de ce qui est réalisable en un an », commente un autre. « Il est aussi nécessaire d’éviter les tergiversations de l’année dernière, quand on avait laissé entendre que l’on ne fera pas la réforme des retraites. » Les promesses de campagne de Jordan Bardella, toujours en ligne pour le poste de premier ministre, seront donc plus… réalistes.
Ce parti semble donc prêt à gouverner. C'est plutôt une bonne nouvelle pour le pays. Mais ça veut dire aussi qu'il n'hésitera pas à censurer le gouvernement, et ça, c'est plutôt une mauvaise nouvelle pour les macronistes.