L'enquête a démarré en décembre 2011
L’enquête des Français – qui ont pu compter sur la collaboration des Genevois – débute en décembre 2011. A cette époque, habitants et autorités de Gaillard se plaignent régulièrement de la présence d’une cinquantaine de Roms dans les rues. «Il nous a été signalé qu’ils étaient assez agressifs», explique le commissaire Guffon. Décision est alors prise de mener l’enquête.
Une enquête d’envergure: filatures, surveillances, prises de photographies. Qu’en est-il ressorti? «Chaque matin, ces personnes se retrouvaient à Gaillard. Et discutaient. Puis elles partaient travailler, à l’exception des meneurs», raconte Philippe Guffon. Un travail particulier: mendier, arnaquer les gens à l’aide d’une bague sans valeur, obtenir de l’argent en faisant signer une fausse pétition. Selon la police, 80% des Roms exerçaient à Genève, 10% à Annemasse et le reste à Lausanne, Neuchâtel, Aigle, Thonon et Annecy.
Le soir, les Roms rentraient à Gaillard. Et se faisaient spolier. «Nous avons constaté que les mendiants ne possédaient pas l’argent qu’ils avaient gagné. En revanche, les meneurs, qui passaient leurs journées à ne rien faire à Annemasse, ont en tout cas versé 110 000 euros en Roumanie en l’espace de quatorze mois, affirme le commissaire Guffon. A elle seule, une personne a effectué des virements à hauteur de 60 000 euros.»
Pas de proxénétisme
Pour le policier, le doute n’est pas permis: ces montants proviennent de la mendicité et des escroqueries à la bague et à la charité. Il exclut tout revenu lié au proxénétisme ou à des cambriolages. Peut-on parler de réseau mafieux? Si le commissaire Guffon ne prononce pas ce terme, il parle d’un «réseau qui était très bien organisé et structuré».
L’imparfait est de rigueur. Mardi matin et hier matin, quelque cent policiers français, épaulés dans leur travail par les gardes-frontière genevois et un policier roumain, ont interpellé des dizaines de Roms. Tous ont été interrogés. Avec le concours de sept interprètes. «Neuf personnes ont été placées en garde à vue, les autres sont des victimes», précise le policier.
Les interrogatoires n’ont pas connu un grand succès. «C’est la loi du silence, dit le commissaire Guffon. Les victimes tiennent toutes le même discours: «Je suis un mendiant, je ne donne mon argent à personne et je vis dans une caravane.» Quant aux meneurs, ils sont incapables d’expliquer la provenance de leur argent. Certains avaient tout de même 1000 euros ou 2000 francs suisses, en liasses, dans les poches. Ce n’est pas rien.»
Selon le commissaire principal d’Annemasse, l’ensemble des Roms contrôlés réside dans la ville de Barbulesti, en Roumanie. «Nos confrères roumains expliquent que les Roms viennent mendier ici car ils sont endettés. Ils savent qu’ils seront exploités en venant dans notre région, mais pour eux, mendier est un moyen de rembourser ce qu’ils doivent. Nous ne pouvons accepter cette situation. Et nous sommes donc satisfaits d’avoir démantelé ce réseau.»
«Aucun réseau à Genève»
Cette opération des Français aura-t-elle des répercussions sur le nombre de mendiants présents dans les rues de Genève? Porte-parole de la police cantonale, Patrick Pulh répond qu’à ce jour il doit y avoir une centaine de mendiants dans notre canton. «La mendicité étant réprimée à Genève, nous allons continuer de travailler comme avant.»
Le porte-parole pense-t-il que des réseaux sont actifs dans notre canton? «Nous avons mené des enquêtes et nous sommes présents dans la rue. A ce jour, aucun élément ne nous laisse penser que des organisations mafieuses sont basées à Genève.»