Article des DNA:
La controverse des drapeaux
Les visites de policiers demandant d'enlever les drapeaux de la paix accrochés aux fenêtres de Strasbourgeois ont suscité de vives réactions. A Paris, on évoque une « surinterprétation des consignes » de la part des forces de l'ordre.
« C'était la semaine dernière », explique Christian Grosse pour la n-ième fois de la journée, surpris de l'ampleur que prend l'affaire. Des policiers ont sonné à son domicile strasbourgeois, non loin de la place des Halles. « C'est mon fils qui a ouvert. Ils lui ont demandé d'enlever le drapeau » accroché à la fenêtre, en expliquant avoir reçu l'ordre de le faire, poursuit-il.
« Atteinte à la liberté d'expression et de contestation des citoyens de Strasbourg »
En tant que membre du secrétariat de la fédération du parti communiste du Bas-Rhin, Christian Grosse s'était fendu d'un courrier de protestation mercredi dernier au maire de Strasbourg, au directeur départemental adjoint de la sécurité publique et au préfet. Sans réponse à ce jour. Depuis, deux autres strasbourgeois auraient reçu une visite identique, l'une dans le quartier de la gare, l'autre au quartier des Quinze, soit à deux endroits plutôt à l'écart des lieux où se déroulera le sommet.
« La liberté d'expression pour un message de paix n'a-t-elle plus droit de cité ? », interrogeait alors le PC, demandant des explications sur cette « atteinte à la liberté d'expression et de contestation des citoyens de Strasbourg dans le cadre du sommet de l'OTAN ».
Après les réactions de Daniel Cohn-Bendit, co-président des Verts au Parlement européen (« scandaleux », « intolérable ») et de François Bayrou, président du MoDem, rappelant que la liberté d'expression est un droit constitutionnel (notre édition d'hier), Reiner Braun, de la coordination internationale contre l'OTAN a fait part hier de sa « profonde déception » quant à la « réaction antidémocratique » en France.
De son côté, la préfecture a affirmé ne pas avoir donné de consigne lundi soir. « Il se peut qu'il y ait eu surinterprétation de consignes », précisait-on hier non sans embarras à la direction de la sécurité publique au ministère de l'Intérieur, en ajoutant que les fonctionnaires auraient également pu agir « de leur propre initiative ». Il ne s'agissait pas de vouloir enlever les banderoles qui montreraient une opposition au sommet, assure-t-on à Paris.
Il n'y aurait « a priori pas de souci particulier » pour les suspendre aux balcons ou aux fenêtres, selon la DSP, sauf « impératif de sécurité ». Reste à savoir si la fenêtre à laquelle un habitant du quai des Bateliers vient de suspendre ledit drapeau, presque en face du palais Rohan où doit se dérouler une partie du programme officiel, en constitue un...
Même le Brisbane Times, en Australie
Entre-temps, l'affaire a fait le tour du globe. Même le Brisbane Times, en Australie, fait état de la « controverse des drapeaux » sur son site internet. Un groupe "Pour la liberté d'expression à Strasbourg" s'est créé hier sur Facebook, un réseau social sur internet. « Ça a choqué pas mal de monde », note Christian Grosse.
Le collectif de Strasbourg anti-OTAN, qui rassemble organisations politiques (dont le PC) et syndicales opposées à l'Alliance Atlantique, a vendu 360 drapeaux de la paix jusqu'ici et vient d'en repasser commande, son stock étant quasiment épuisé. Mais rue Mercière, au pied de la cathédrale, une vendeuse de souvenirs qui propose tout ce que la terre a de fanions ou presque jure qu'on ne la prendra pas à vendre de ces drapeaux-là : « C'est déjà assez compliqué comme ça. »
Très élégant, au passage, la préfecture qui lâche les flics et pandores. Initiative individuelle et spontanée, ben voyons.

"L'intransigeance est la vertu des temps difficiles." - Ch. de Gaulle
"Ceux qui peuvent renoncer à une liberté essentielle pour obtenir un peu de sécurité temporaire ne méritent ni la liberté ni la sécurité." - Benjamin Franklin