..................Un an chez les "wokes": "Juifs privilégiés","débat lunaire","contradiction totale"...Une journaliste raconte son infiltration.
Journaliste d'investigation,chroniqueuse au Point,Nora Bussigny signe un livre enquête sur les milieux "wokistes" au terme d'une immersion d'un an à Paris et en province.
...Son ouvrage* "Les Nouveaux Inquisiteurs",livre le récit d'une mouvance qui au nom du progressisme bascule selon son autrice, parfois dans l'intolérance et le rejet sectaire.
..............La Dépêche du Midi: Vous vous êtes infiltrée pendant un an, sous une fausse identité, dans les milieux "woke"....Qu'est-ce qui vous a poussé à enquêter sur ce sujet ?
Nora Bussigny:...Le point de départ de ce livre,c'est d'abord les témoignages d'anciens militants LGBT ou antiracistes notamment qui m'expliquaient ne plus se reconnaître dans les extrêmes de ce militantisme.Certains avaient par exemple été priés, parce qu'ils étaient blancs ou cisgenre [une personne dont l'identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance],de quitter tel ou tel mouvement ce qui laissait chez eux une certaine amertume.
Tous m'ont en tout cas raconté cette radicalité qu'ils voyaient monter depuis plusieurs années,ce qui m'a donné envie de rendre compte de cette situation.
.....................Que retirez-vous de cette enquête ?
D'abord,des choses positives: Par exemple, lorsque j'ai infiltré les Colleuses,ces militantes qui collent des affiches pour dénoncer –entre autres– les violences faites aux femme...J'ai trouvé qu'on retrouvait là un aspect très "concret" du militantisme.Mais à l’opposé j'ai pu constater que ce communautarisme nous éloignait en réalité tous les uns des autres au lieu de nous unir pour se battre ensemble contre les inégalités.
............Le "wokisme", vous en conviendrez, est un terme assez "fourre-tout" qu'on a parfois du mal à définir...Comment le caractériseriez-vous ?
J'essaye en effet d'être assez prudente sur ce terme et lui préfère la notion de "progressisme".Je dirais que le "wokisme" qui vient des Etats-Unis est un mouvement qui désigne des personnes qui se disent "éveillées",c'est-à-dire conscientes des discriminations et des oppressions qui les entourent.
Dans l'idée ce concept est éminemment honorable mais le problème de ces militants qu'on qualifie de "woke" est leur côté très "extrémiste" dans leurs manières de penser,quitte à parfois verser dans le communautarisme.Rien que l'idée de se dire "éveillés" les met déjà dans une position assez flatteuse qui sous-entend que les personnes "non-woke" seraient en quelque sorte aveugles aux discriminations.
C'est cette radicalité que j'ai tenté d'explorer et de rapporter.
...............Quel regard portez-vous sur l'avenir de ces groupes militants ? Leur radicalité risque-t-elle selon vous de s'accentuer ?
Je suis assez partagée sur la question...D'un côté, je vois de plus en plus de militants qui saturent de cette situation.Mais de l'autre on voit aussi énormément se propager ce "diktat" de la bien-pensance.J'ai finalement l'impression que la fracture sociale va continuer de se creuser avec les gens qui en ont assez d'un côté contre ceux qui les blâment de l'autre.
......................Pourquoi avoir choisi ce mode de l'immersion ?
Si les études et autres mémoires sur le "wokisme" existent je trouvais qu'il y avait un réel manque de travail de terrain sur le sujet.D'autre part,je suis d'abord une journaliste d'investigation et j'ai besoin pour cela d'être au plus près du réel, tout simplement.
................Comment avez-vous accueilli les critiques émises à votre encontre, notamment sur les réseaux sociaux ?
J'ai d'abord été surprise car j'ai constaté que beaucoup de gens issus de la gauche socialiste et universaliste avaient très bien accueilli mon projet...Mais à l'inverse il est vrai que j'ai essuyé de nombreuses critiques issues notamment de l'extrême gauche.Naïvement, j'avais pensé que ces personnes qui luttaient en permanence contre le cyberharcèlement n'allaient pas m'attaquer autant sur les réseaux sociaux.
J'ai en effet été très naïve: J'ai reçu une vague énorme de messages haineux,ce qui a même valu au Point d'ouvrir une sorte de "cellule cyber-harcèlement" pour pouvoir me soutenir.C'est là que je me suis dit que ces militants étaient jusqu'au bout dans la contradiction totale.
..................Comment expliquez-vous ces critiques ?
Je pense que ma démarche a peut-être été mal comprise.Certaines personnes ont par exemple cru que Le Point m'avait payée pendant un an pour enquêter dans ces milieux militants ce qui n'est bien sûr pas le cas.
Ensuite, on m'a tout reproché: D'être homophobe,transphobe,biphobe...Que je voulais en gros lutter contre le bien-être des gens. C'était d'autant plus difficile que je n'ai pu répondre à aucune de ces attaques car le livre était sous embargo.Je tiens d'ailleurs à dire ici que je me considère comme progressiste et que je ne suis évidemment pas "en guerre" contre quiconque.
..............Dans l'extrait de votre ouvrage dévoilé par Le Point revient fréquemment la question de l'exclusion des personnes non-racisées...Quels autres exemples de dérives avez-vous pu constater ?
J'ai de nombreux exemples en tête mais je peux citer celui-ci: Lors de la Pride radicale (sorte de Marche des fiertés en opposition à la traditionnelle Gay Pride, se voulant plus anti-raciste et anti-impérialiste, NDLR),j'ai vu des militants se demander sérieusement si les Juifs devaient être considérés comme des privilégiés ou des opprimés....C'était un débat lunaire.
...............Vous racontez au cours de votre ouvrage avoir été en proie à une sorte de conflit interne,partagée entre vos valeurs et le personnage que vous incarniez...
Effectivement je me suis parfois surprise à m'énerver lorsque des blancs à qui je demandais de quitter un cortège,refusaient de partir.J'ai également traîné une forme de culpabilité tout au long de cette immersion à m'en vouloir d'être hétérosexuelle,d'être privilégiée...En fait comme ces militants voient le monde de manière ultra-manichéenne on en vient forcément à culpabiliser.
Source:La Dépêche.
https://www.ladepeche.fr/2023/09/17/ent ... 453031.php
Aux mains de l'Etat,la force s'appelle Droit....Aux mains de l'individu,elle se nomme le crime....
Si tu m'as pris pour un clown tu t'es trompé de Carnaval...
...La mort avant le déshonneur!