Ca sent de plus en plus le roussi !Avec une contraction de 0,3 % en 2013 prévue par le Fonds monétaire international (FMI), l'économie de la zone euro fait figure de lanterne rouge parmi les grandes économies avancées. Aux États-Unis, pourtant à l'origine de la crise financière, la croissance devrait atteindre 1,9 % de la richesse nationale cette année. Une performance qui devrait être obtenue malgré les coupes automatiques dans les dépenses enclenchées faute d'entente entre démocrates et républicains. Quant au Japon, le FMI s'attend à voir l'économie croître de 1,4 %.
De quoi alimenter la polémique sur la pertinence de la politique de la BCE. Début avril, le Premier ministre espagnol est intervenu publiquement pour réclamer un élargissement des instruments de l'institution, seule grande banque centrale à ne pas acheter massivement de la dette publique et à rester focalisée uniquement sur sa cible de 2 % d'inflation par an. Il n'est pas le seul. Dans plusieurs capitales, on rêve ouvertement de voir la BCE suivre l'exemple de la banque centrale d'Angleterre, celle de la Réserve fédérale américaine et même de celle du Japon.
Une action vigoureuse pour éviter l'effondrement du système financier
Contrainte par les traités, l'institution de Francfort n'est pourtant pas restée inactive depuis le début de la crise, loin de là. Parallèlement à la baisse progressive des taux directeurs, instrument traditionnel de la politique monétaire, la BCE s'est rapidement engagée à fournir toute la liquidité réclamée par les banques, pour que celles-ci répercutent à leur tour la baisse aux entreprises et aux ménages. À chaque fois, les périodes de remboursement s'allongent : d'abord trois mois puis six mois. Jusqu'au lancement, fin 2011 et début 2012, de deux prêts de trois ans de près de 1 000 milliards d'euros à seulement 1 % !
Mais contrairement à ses homologues américaine, japonaise ou britannique, l'institution de Francfort ne s'est jamais lancée dans un programme de rachats massifs d'obligations publiques. Pas question de faire marcher la planche à billets pour financer les États, une pratique interdite par les traités. Dans une économie européenne fortement dépendante aux crédits bancaires, "la politique de la BCE a surtout consisté à octroyer de la liquidité aux banques, se substituant au marché interbancaire gelé", résumait Marie-Pierre Ripert, de chez Natixis, dans une note de juillet 2012.
Tout pour "sauver l'euro", mais rien de concret
La BCE a bien soutenu les dettes des pays en difficulté via un programme lancé le 10 mai 2010, au moment même où les Européens volaient une première fois au secours de la Grèce. Mais la BCE n'a jamais racheté de dette publique directement lors de leur émission. Elle n'a fait qu'intervenir sur le marché de la revente et pour des volumes très limités. Un programme d'ailleurs abandonné après que Silvio Berlusconi a tenté de profiter de sa manne sans mener les réformes nécessaires au redressement italien.
Devant la dégradation de la situation, Mario Draghi a bien été obligé de le remplacer, en septembre 2012, mais en corrigeant ses défauts initiaux. Potentiellement illimité - même si les rachats se cantonnent à la dette à trois ans maximum -, ce nouvel instrument donne corps à l'annonce-choc de l'italien à l'été selon laquelle la "BCE fera tout ce qu'il faut pour sauver l'euro". Depuis, les investisseurs semblent convaincus que la BCE sera derrière les États en cas de difficulté pour les rembourser, même si l'outil lui-même n'a jamais été activé, conditionné qu'il était à la demande d'un plan d'aide aux voisins européens.
Ce succès indéniable est pourtant loin d'être suffisant : la politique monétaire ne se transmet toujours pas correctement aux pays du Sud. La BCE a beau baisser ses taux, l'état du système bancaire des pays du Sud empêche toujours les banques de prêter aux PME à des taux raisonnables.
La Fed veut faire grimper Wall Street
La faute à un manque d'audace ? Sur ce plan, la BCE a été battue à plate couture par la banque centrale américaine. L'augmentation du bilan de la Fed a très vite servi à racheter massivement de la dette publique. Résultat, le Trésor américain ne s'est jamais financé à si bon compte. La planche à billets a aussi servi à racheter des titres adossés à des créances immobilières, ce qui a permis de revigorer le marché immobilier mis par terre par la crise des subprimes.
La Fed ne s'en défend même pas : son but est de faire grimper Wall Street ! Un facteur déterminant du retour de la confiance dans un pays où beaucoup de gens ont de l'argent placé en Bourse. Les spécialistes parlent de "l'effet richesse" : avec la sensation d'avoir les poches pleines, les Américains dépensent davantage et recommencent à emprunter. D'autant plus facilement que la Fed s'est engagée à maintenir cette politique tant que le taux de chômage ne serait pas ramené en dessous de 6,5 % !
Mais cela revient en quelque sorte à corriger un excès de dette par une incitation à se réendetter ! Et la relance se fait au détriment des autres pays, puisque la politique de la Fed fait baisser le dollar face aux autres monnaies, particulièrement celles des pays émergents. Les Japonais l'ont bien compris, eux qui se sont lancés récemment dans ce jeu non coopératif, dans l'espoir de sortir enfin de la spirale déflationniste qu'ils subissent depuis vingt ans.
Le retour des bulles ?
Problème : sans parler du risque d'inflation, pour l'instant contenu, les taux d'intérêt réels (c'est-à-dire une fois déduit la hausse des prix) négatifs ont aussi tendance à attirer l'argent facile là où il ne devrait pas aller en temps normal. C'est ce qu'on appelle une mauvaise allocation d'actifs, génératrices de bulles. Pour l'instant, les investisseurs sont encouragés à détenir des obligations d'État de bonne qualité, comme celles de la France : Paris emprunte à 10 ans à un taux historiquement bas de 1,70 % ! Mais gare au retournement violent, la bulle obligataire pourrait bien un jour éclater. De quoi se demander si les politiques "non conventionnelles" ne sacrifient pas le futur sur l'autel de la sortie de crise...
Les indicateurs économiques inquiétants dans la zone euro ces dernières semaines pourraient en tout cas inciter la BCE à se montrer plus innovante. La baisse de l'inflation à 1,7 % en mars, ou les prévisions de croissance moins bonnes que prévues pour 2013, couplées à la baisse des prix du pétrole, font en effet craindre à certains économistes le début d'une spirale déflationniste. Mais les marges de manoeuvre de Mario Draghi sont limitées. Baisser les taux ? Ils sont déjà à 0,75 %, un plus bas historique. Une nouvelle réduction pourrait avoir plus d'effet en Allemagne que dans les pays du Sud, qui seuls en ont besoin. Les épargnants d'outre-Rhin, eux, se plaignent déjà d'une véritable "répression financière" : les Allemands vieillissants retirent de moins en moins d'argent de leur épargne.
"Options à 360 degrés"
Alors Mario Draghi doit explorer "les options à 360 degrés". Dans une note publiée mercredi, Barclay évoque la possibilité d'un nouveau prêt à long terme en faveur des banques, qui serait accordé en contrepartie de prêts aux petites et moyennes entreprises. Une manière de faire d'une pierre deux coups : assurer de la liquidité aux établissements financiers de la zone euro tout en les incitant à augmenter leur portefeuille de prêts aux PME. Mais, quelle que soit la solution choisie, la BCE ne pourra pas recapitaliser les banques, a averti Mario Draghi... Une façon de renvoyer les États, en pleine construction de l'Union bancaire, à leurs responsabilités.
Que dois faire la BCE, comme les ricains ?
Que dois faire la BCE, comme les ricains ?
"Nos théories sont des représentations symboliques qui jamais ne s'identifient au monde. Entre les deux, aussi raffinée que soit notre connaissance, la distance n'est jamais nulle".
Michel Paty
Michel Paty
Re: Que dois faire la BCE, comme les ricains ?
Que la BCE fasse exactement comme la FED n'est pas forcément une bonne solution.
Étant donné que cette politique ne fait qu'alimenter le casino des marchés financiers
Étant donné que cette politique ne fait qu'alimenter le casino des marchés financiers

