Après la présidentielle en Roumanie, ces « allégations » reprises par le RN démenties par la France
Le quai d’Orsay, puis la DGSE, réfutent les accusations portées par le fondateur de Telegram, qui ont été partagées par plusieurs élus RN.
INTERNATIONAL -
À l’extrême droite persiste une fâcheuse tendance.
Elle consiste à prendre pour argent comptant les récits hostiles à la France, et à douter dans le même temps de la sincérité des services de son propre pays. Ce que la défaite du candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle en Roumanie George Simion ce dimanche 18 mai, permet une nouvelle fois de constater.
Alors que pesaient sur ce scrutin de nombreux soupçons d’ingérences, le duel opposant le pro-européen Nicușor Dan au candidat nationaliste attirait l’attention de nombreuses capitales occidentales, inquiètes de voir basculer un pays membre de l’Union européenne aux mains d’un dirigeant opposé au soutien militaire à l’Ukraine, adepte des théories anti-vax et qualifiant les scientifiques qui alertent contre le réchauffement climatique de « malades mentaux ».
L’extrême droite française (déjà échaudée par l’annulation du précédent scrutin sur fond d’ingérences) a, elle, plusieurs fois exprimé sa préférence pour George Simion, jusqu’à régulièrement accuser l’Union européenne et ses membres (spécialement la France) d’interférer dans le processus démocratique roumain, tout en niant l’existence d’ingérences russes (encore récemment évoquées par Emmanuel Macron).
Durov accuse, le RN partage
Alors que le scrutin était en cours ce dimanche, c’est une véritable bataille informationnelle qui se jouait en parallèle sur les réseaux sociaux. Dans l’après-midi, l’entrepreneur franco-russe Pavel Durov, le cofondateur de l’application Telegram, a accusé la France de l’avoir approché pour lui demander « de réduire au silence des voix conservatrices en Roumanie avant l’élection présidentielle d’aujourd’hui ».
Sans surprise, plusieurs personnalités de l’extrême droite française ont bu ces accusations comme du petit lait, à l’image des eurodéputés RN Thierry Mariani et Virginie Joron, habituels relais de la propagande russe en France.
Les deux élus lepénistes, qui étaient par ailleurs à Bucarest pour soutenir George Simion, ont relayé ces affirmations, également partagées par toute la complosphère francophone, tout aussi prompte à partager tout récit hostile à la diplomatie française (et favorable au narratif russe). En fin de journée ce dimanche, le ministère des affaires étrangères a donc tenu à riposter, en démentant les « allégations totalement infondées » tenues par Pavel Durov et propagées par ses relais francophones. « Les récentes accusations contre la France ne sont qu’une manœuvre de diversion face aux réelles menaces d’ingérences qui visent la Roumanie. La France appelle tous les acteurs politiques roumains à la responsabilité et la défense de la démocratie », a réagi le Quai d’Orsay dans un message publié sur X.
Ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad a quant à lui chargé ceux qui ont partagé les propos de l’entrepreneur franco-russe. «
Une députée du RN qui relaie et amplifie une opération de désinformation contre la France. Nous avons clairement démenti cette fake news mais le RN est du côté de ceux qui veulent nuire à notre pays », a-t-il déploré, en commentant la publication de Virginie Joron. Fin de l’histoire ? Pas encore.
Rare démenti de la DGSE
Puisqu’à la suite du démenti français, Pavel Durov a remis une pièce de la machine. Cette fois, il affirme que c’est le directeur général de la DGSE, Nicolas Lerner, qui lui a expressément demandé de « faire taire les voix conservatrices en Roumanie », à l’occasion d’un rendez-vous dans un hôtel parisien. Une contre-offensive (là aussi) complaisamment partagée au RN. «
Quand la diplomatie française dément les propos de Pavel Durov, celui-ci réplique avec des éléments précis ! Si le gouvernement a osé demander à Telegram de censurer les comptes s’opposant aux amis de Macron en Roumanie, c’est extrêmement grave… et surtout inquiétant pour 2027 en France »,
a réagi, tout en sous-entendus, Thierry Mariani.
Ce dernier, comme d’autres, oublie de préciser une information importante :
le cofondateur de Telegram a de quoi nourrir des ressentiments contre la France, puisqu’il est mis en examen depuis le mois d’août pour une kyrielle d’infractions relevant de la criminalité organisée.
Reste que, cette fois, ce sont les services secrets eux-mêmes qui ont nié toute intervention en lien avec la Roumanie. Dans une rare mise au point auprès de l’AFP et du Monde, la DGSE « réfute avec vigueur les allégations selon lesquelles des demandes d’interdiction de comptes en lien avec un quelconque processus électoral » auraient été faites.
Si l’agence de renseignement « a effectivement été dans l’obligation, à plusieurs reprises au cours de ces dernières années, d’entrer en contact direct avec Pavel Durov », il s’agissait de « lui rappeler fermement les responsabilités de son entreprise, et les siennes à titre personnel, en matière de prévention des menaces terroristes et pédopornographiques ».
Quoi qu’il en soit, l’accusation de Pavel Durov fait le tour du monde, bien aidée par le bras droit de Donald Trump et premier soutien des extrêmes droites européennes,
Elon Musk. Sur son réseau social, le milliardaire à la tête du DOGE a partagé le message de l’entrepreneur franco-russe, en boostant sa visibilité par un partage, amplifié par le commentaire suivant : « Wow. »
Quant à la présidentielle roumaine, elle s’est soldée par la victoire du candidat centriste, avec plus de 54 % des voix.
https://www.huffingtonpost.fr/politique ... 50215.html
