Il y a aussi Shana Loustau, nouvelle recrue au profil bien plus sérieux et professionnel que ses homologues, chargée d’expliquer calmement les différents sujets abordés avant que les autres ne s’en emparent que pour s’engueuler (elle, ne participe jamais au débat). Une fonction moins exposée donc, qui ne l’empêche pas d’être sujette aux blagues en apparence inoffensives du présentateur : ce dernier la ramène constamment à son petit copain, un “professeur de ski” dont la profession rend hilare tout le plateau à chaque fois qu’elle est mentionnée. Un autre soir, il se moquera de sa tenue : “Elle est habillée en soubrette, on dirait le film érotique du dimanche soir.” Pour sa toute première émission, ce jeudi 4 septembre, l’influenceuse Nawarra, est quant à elle sommée de défiler devant tout le monde, puis de désigner l’homme qui lui plaît le plus autour de la table.
Plus que des sources de désirs, les femmes sont aussi présentes pour générer des moqueries. Comme avec Thaïs Gauchkarian, influenceuse Onlyfans de 22 ans embauchée pour couvrir l’actualité people, nous dit l’animateur. “On a bien compris que c’était pas pour la rubrique littéraire” lance le journaliste Damien Canivez avec ironie, sous-entendant que la plastique de sa collègue jure forcément avec une activité dite intellectuelle. Mais le premier gros malaise de ce retour, on le doit à Raymond Aabou (décidément…) : le chroniqueur de 49 ans s’est emporté en plein débat lors de la première émission. Interrogé·es sur le besoin ou non d’interdire les téléphones portables aux élèves dans les collèges, les chroniqueur·euses se sont époumoné·es à donner leurs avis. Raymond Aabou, lui, a simplement invité les parents à menacer leurs enfants de leur “en mettre une” s’ils sortaient leur téléphone en cours. Face aux objections de ses collègues (Marlène Schiappa grommelle un “c’est pas légal”), il insiste sous les applaudissements “Bah si ! Bah si !”, puis rétropédale “Tu mets une fessée, tu éduques ton enfant. T’as compris le proverbe.”
”Pas de politique”
C’était la condition de l’arrivée de Cyril Hanouna sur le groupe M6, à tel point que la direction n’a pas arrêté de la marteler pendant des mois : ni politique ni polémiques, simplement du divertissement. Force est de constater que la promesse est loin d’être tenue. Plusieurs débats sur l’actualité politique du pays ont en effet ponctué cette première semaine de diffusion. Sur le Premier ministre François Bayrou d’abord, quant à sa phrase polémique “Ce sont les Français qui dépensent l’argent public“ : les membres de l’émission se prennent le bec plusieurs minutes, jusqu’à ce qu’Hanouna déclare, avec l’apolitisme qu’on lui connaît (non), qu’on “aurait dû garder Gabriel Attal.” Politique toujours lorsque la question suivante est posée aux chroniqueur·euses : voteriez-vous pour Patrick Sébastien s’il venait à se présenter aux futures élections présidentielles ? Des discours relativistes et populistes se font alors entendre sur le plateau, arguant que le chanteur “connaît les souffrances du peuple, de la France qui travaille” et peut donc tout à fait gouverner le pays. Quand Laurent Fontaine émet ses réserves quant à cette éventualité, expliquant qu’il ne voit pas du tout l’interprète du Petit Bonhomme en mousse à l’Élysée, ses collèges s’insurgent et crient au mépris. Hanouna prend alors la parole et lance, à l’égard de son employé sceptique : “Arrêtez, vous êtes trop dans la politique.” La blague s’écrit toute seule.
Pour le reste, on retiendra Cyril Hanouna qui félicite des agriculteurs pour avoir défoncé les voitures des teuffeurs de la rave party de l’Aude (qualifié·es de “drogués, des alcoolisés”) : “Tant qu’il n’y aura pas d’autorité, on ne pourra pas avancer”, ajoute-t-il. Il y a aussi Gilles Verdez, quota “homme de gauche” (on insiste sur les guillemets) de l’émission, qui se fait huer par le public et ses camarades lorsqu’il défend la tenue de cours d’éducation sexuelle à l’école maternelle. Ou bien lors du débat sur les différents cambriolages qui ont frappé plusieurs stars récemment (Anne-Sophie Lapix, JoeyStarr). En quelques secondes, l’échange se transforme en querelle sur l’insécurité en France, véritable marronnier du discours d’extrême droite. Et à Cyril Hanouna d’ajouter, comme si c’était une vérité générale : “Tout le monde se sent plus en sécurité dans n’importe quels pays qu’en France. C’est le sentiment des Français.” Chassez le naturel, il revient au galop.
De vaines tentatives de faire bonne figure
Pour redorer son blason et tenter de marquer une scission avec les polémiques de l’époque TPMP, Hanouna et son équipe ont pensé à une nouvelle chronique, titrée “C’était pas mieux avant.” Le concept est simple : une pastille quotidienne pour rediffuser une séquence télé d’antan, choquante pour nos yeux et oreilles d’aujourd’hui. Un enfant victime de racisme en direct, un candidat de télé-réalité ouvertement homophobe, une agression sexuelle en plateau… : bref, autant d’occasions pour l’animateur de se laver les mains de tout soupçon.
Et le résultat est éloquent. Au tour de ses chroniqueur·euses de s’enorgueillir et de débiter les mêmes banalités chaque soir, les yeux grands ouverts : “C’est dingue ce qu’on pouvait faire avant sans que personne ne soit choqué !” et autres “Heureusement qu’on ne peut plus faire ça aujourd’hui…” Une séquence ridicule, quand on se rappelle qu’il suffit de regarder quelques années en arrière pour voir le présentateur mettre lui-même la main d’une de ses employées dans son slip, un chroniqueur (Jean-Michel Maire) embrasser la poitrine d’une femme sans son consentement, ou toute l’équipe s’adonner à un canular homophobe. Cynisme quand tu nous tiens.