Guerre à Gaza : « Être réserviste, pourquoi faire ? »… En Israël, le malaise grandit face à une guerre sans fin.
armée•Depuis près de deux ans, la guerre à Gaza épuise le système des réservistes israéliens, conçu pour des conflits brefs.
Fatigue, doutes et inégalités fragilisent l’armée
Le ministre de la Défense israélien, Israël Katz, a donné son feu vert, mercredi 20 août, au plan d’assaut sur la ville de Gaza. Il a simultanément ordonné le rappel de 60 000 réservistes pour participer à l’opération, a annoncé son ministère. Le modèle des réservistes, pilier du système militaire, montre aujourd’hui ses limites. Les médias israéliens évoquent des taux de recrutement en baisse, inférieurs à 80 % des objectifs des autorités, selon Le Monde.
Dans ce contexte, près de 1 000 réservistes de l’armée de l’air, actifs et retraités, ont publié une lettre le 10 avril 2025 réclamant la libération des otages de Gaza, « même au prix d’une cessation immédiate des hostilités ». L’armée a réagi en renvoyant du service actif les signataires encore mobilisés, estimant qu’ils ne pouvaient pas utiliser la « marque de l’armée de l’air israélienne » pour contester des choix politiques.
Les réservistes signataires affirment ne pas appeler au refus de servir, mais demandent que la remise en liberté des otages prime sur la poursuite d’une guerre qui, selon eux, répond désormais à des « intérêts politiques et personnels » plutôt qu’à la sécurité nationale, rapporte Times of Israël.
Un système basé sur les réservistes
« Le principe du système israélien, ce sont les réservistes », confirme Jean-Paul Chagnollaud, président de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient. « Un dispositif qui n’a de sens que dans le cadre de guerres brèves » selon lui. Historiquement l’armée a toujours fonctionné sur ce modèle : la guerre des Six Jours en 1967, ou encore celle du Kippour en 1973, avait duré quelques semaines.
Or, la guerre actuelle a franchi le cap des vingt-deux mois. Une situation inédite qui pèse sur les réservistes, contraints de quitter famille et emploi pour des périodes de plus en plus longues, et payant un lourd tribut à la guerre, puisque 40 % des soldats israéliens tués en opération sur le terrain à Gaza étaient réservistes.
La perte de sens
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Beaucoup de gens disent : il faut arrêter cette guerre. Être réserviste, pourquoi faire ? », résume Jean-Paul Chagnollaud. Cette lassitude transparaît aussi dans les témoignages. « Certains réservistes sont en désaccord avec ce qu’ils doivent faire », note Jean-Paul Chagnollaud, en référence aux accusations de famine ou de transferts forcés de population.
Sur le micro de Radio France, Roni Zehavi, 66 ans, ancien combattant au Liban et réserviste depuis le 7 octobre 2023, raconte son refus de rejoindre son unité après plus de 200 jours de service. « Si vous prenez le risque de mourir pour votre pays, la question des raisons pour lesquelles vous agissez se pose. Jusque-là, j’ai toujours répondu à l’appel en respectant des valeurs que je défendais. Mais partir à la guerre pour que le Premier ministre puisse conserver son siège, c’est très compliqué », précise-t-il.
Un appel « à la fin de la guerre »
Les doutes ne se traduisent pas en refus massifs de servir, mais ils gagnent en légitimité. « Vous avez, parmi les signataires des lettres de refus, des figures respectées de l’armée et des services de renseignement. Cela apporte de la légitimité au mouvement et cela dit aussi combien cette position critique est partagée jusqu’au plus haut niveau militaire », analyse Yagil Levy, de l’Institut d’études des relations civilo-militaires à l’Open University d’Israël, dans le Monde. « Ils ne refusent pas de servir, ils appellent à la fin de la guerre », souligne-t-il.
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Les réservistes veulent terminer la guerre aussi vite que possible, avoir des réponses sur comment les otages vont être rendus et éliminer le Hamas », résume Dan*, un autre réserviste israélien. Vivant aux États-Unis, il se porte régulièrement volontaire pour servir son pays et a été enrôlé 3 fois depuis le début de la guerre.
Une mobilisation à deux niveaux
Pour lui, la mobilisation soulève un malaise ancien : celui des exemptions dont bénéficient les ultra-orthodoxes, les Haredims. « Ce n’est pas juste que certains soient exemptés alors que d’autres risquent leur vie. L’égalité doit prévaloir : chacun doit contribuer à l’effort collectif et recevoir en retour de l’État. », explique le jeune homme de 25 ans.
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Les exemptions dont bénéficient les ultra-religieux, qui concernent entre 10 et 15 % de la population, nourrissent un malaise très fort. Les partis religieux menacent de quitter la coalition si ces exemptions venaient à être supprimées, et ce malgré la décision de la Cour suprême, en juin 2024, qui a jugé cette pratique illégale », rappelle l’universitaire Jean-Paul Chagnollaud.
Malgré cette contestation, Jean-Paul Chagnollaud rappelle que l’armée israélienne reste une machine redoutablement efficace. Selon lui, les critiques actuelles expriment un malaise mais ne constituent pas un mouvement de dissidence.
Selon les autorités, 59 otages, dont 24 seraient encore vivants, sont toujours retenus à Gaza dans des conditions extrêmement difficiles.
https://www.20minutes.fr/monde/israel/4 ... guerre-fin