La France n’a jamais été aussi proche de reconnaître l’Etat de la Palestine. Plutôt réticent à cette idée à son arrivée à l’Elysée en 2017, Emmanuel Macron s’était ensuite dit «totalement prêt à reconnaître un Etat palestinien» au printemps 2024, avant d’estimer, ce vendredi 30 mai, qu’il ne s’agissait «pas simplement [d’]un devoir moral, mais [d’]une exigence politique». Le pas devrait être franchi à l’occasion d’une conférence à l’ONU sur le sujet le 18 juin, aux côtés du Royaume-Uni et du Canada, si plusieurs conditions, comme la libération des otages ou la démilitarisation du Hamas, sont respectées.
Si le bloc central se divisait sur le sujet ces dernières années, plusieurs cadres se sont récemment exprimés dans ce sens ces dernières semaines, à l’instar du chef de file des députés MoDem, Marc Fesneau. «Il faut que les parties se reconnaissent mutuellement : les Palestiniens ont droit à un Etat, les Israéliens ont droit à un Etat, les deux ont le droit de vivre en sécurité dans un régime démocratique», estimait l’ancien ministre de l’Agriculture sur TF1 le 10 avril dernier.
A gauche, un long combat
Une position qu’il partage désormais avec la gauche, qui milite historiquement dans ce sens, de La France insoumise au Parti socialiste. «Enfin. Ce geste, arraché de haute lutte, ne doit pas rester un mot. Il doit se traduire en acte», avait réagi la cheffe des députés insoumis, Mathilde Panot, après les déclarations d’Emmanuel Macron en avril. Dès le 13 février 2024, quatre mois après les attentats terroristes du 7 octobre 2023 du Hamas et le début des bombardements d’Israël sur la bande de Gaza, LFI déposait une proposition de résolution à l’Assemblée nationale, appelant la France à reconnaître l’Etat de Palestine. Une position que porte Jean-Luc Mélenchon depuis des années. En 2012, il avait notamment inscrit cette reconnaissance «par la France et l’UE» dans son programme présidentiel.
Côté socialiste, l’ancien président François Hollande en avait fait le point 59 de ses «60 engagements pour la France» en 2012, se calquant sur la déclaration socialiste du 15 juin 2011 appelant «la France et l’Europe à reconnaître l’Etat palestinien pour avancer vers la paix et la réconciliation entre les peuples israéliens et palestiniens». Sans concrétisation pendant son mandat, l’absence de résolution de l’ONU en ce sens le confrontant au manque d’allant de ses ministres Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault sur le sujet. Malgré l’absence d’action concrète vers la reconnaissance de la part de ceux ayant exercé le pouvoir, les positions à gauche ont peu varié sur le sujet.
La droite à rebours de Chirac et Sarkozy
A droite, c’est une autre musique. Chez Les Républicains, plusieurs cadres refusent pour le moment cette décision. «Est-ce que les conditions sont réunies pour que nous allions plus loin dans la reconnaissance, qui est indispensable à terme, de la réalité d’un Etat de Palestine ? Non», a lâché le président du Sénat, Gérard Larcher, sur Europe 1 le 10 avril, pointant du doigt les attaques du Hamas contre Israël et la faiblesse de l’Autorité palestinienne. Une position bien plus radicale pour Laurent Wauquiez. «Quand la France reçoit les félicitations du Hamas… j’ai honte», avait réagi le même jour sur X le président déchu des LR, après que le Hamas a qualifié d’«étape importante» la déclaration d’Emmanuel Macron. Déjà en 2014, il votait contre la résolution parlementaire reconnaissant l’Etat palestinien.
Il avait été sur ce point suivi par une très grande majorité du groupe UMP (136 contre, 9 pour), chez qui on retrouve des membres de l’actuel gouvernement Bayrou : Annie Genevard et Catherine Vautrin, respectivement ministres de l’Agriculture et de la Santé, l’actuel ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau et la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, s’y étaient aussi opposés. En cela, les représentants de la droite des années 2010 et 2020 diffèrent de leurs prédécesseurs, particulièrement Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, qui avaient chacun réaffirmé la légitimité d’un Etat palestinien. Jacques Chirac s’est également rendu en 1996 à Ramallah, où se trouve le siège de l’Autorité palestinienne, alors présidée par Yasser Arafat. Une ligne sur laquelle se fondera Nicolas Sarkozy, défendant une solution à deux Etats et l’adhésion de la Palestine à l’Unesco en 2011. Sans pour autant que les deux hommes ne reconnaissent officiellement l’Etat palestinien lors de leurs mandats.
L’extrême droite retourne sa veste
Le plus grand retournement se trouve peut-être à l’extrême droite. Si l’ex-LR Eric Ciotti y a toujours été opposé, le Rassemblement national a fait évoluer son discours depuis le 7 Octobre. Favorable à la reconnaissance d’un Etat palestinien en 2012, à l’instar de son père, Marine Le Pen y est désormais fermement opposée. «Reconnaître un Etat palestinien, c’est reconnaître un Etat Hamas», a déclaré la leader d’extrême droite sur BFMTV ce vendredi 30 mai. Soutien inconditionnel du Premier ministre Benyamin Nétanyahou, jusqu’à relativiser les tirs israéliens contre un convoi diplomatique, la députée du Pas-de-Calais estime que cela «priverait à jamais Israël de la perspective d’obtenir la sécurité pour son peuple et la sécurité de ses frontières».
S’il estime aujourd’hui que les «conditions ne sont pas réunies» pour soutenir la reconnaissance de la Palestine, ce qui selon ses dires «reviendrait à légitimer le Hamas», le président du RN, Jordan Bardella, considérait en 2014 que «l’honneur de la France, c’est de reconnaître un Etat palestinien», reprenant une formule de l’ancien RN Florian Philippot. A cette époque, seul Gilbert Collard, qui a quitté le parti en 2022, s’y opposait chez les frontistes.
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