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par tisiphoné » 06 mars 2012 18:46
6 mars 1836 : Davy Crockett est tué comme un chien à Fort Alamo
Si vous avez conservé un vague souvenir de John Wayne incarnant Davy Crockett dans le film Alamo, effacez-le vite de votre mémoire. Comme d'habitude Hollywood a tordu la réalité pour en faire de la guimauve. La véritable fin de David Stern Crockett, lointain descendant du huguenot français Monsieur de Croquetagne, venu défendre Alamo, est moins héroïque.
Avant d'en venir à l'assaut final de Fort Alamo, un petit cours d'histoire n'est pas inutile. Au début du XIXe siècle, le Texas appartient encore au tout jeune État mexicain. Officiellement, car, sur le terrain, des centaines d'éleveurs et de fermiers américains s'approprient les terres en se fichant des lois mexicaines. Notamment de celle qui interdit l'usage d'esclaves. Ils ne prennent même pas la peine d'apprendre l'espagnol et ne rêvent que d'une chose, c'est que le Texas quitte le giron mexicain pour rejoindre celui des États-Unis. Certains Texans prennent même les armes, si bien que Mexico envoie le général Santa Anna sur place pour mettre du plomb dans la tête des indépendantistes, au propre comme au figuré.
Sam Houston, qui a pris la tête des milices texanes, charge un pionnier du Kentucky rendu célèbre par son habileté à jouer du couteau, James Bowie, de détruire la mission fortifiée d'Alamo avant l'arrivée de l'armée de Santa Anna. Le vrai Bowie (incarné par Richard Widmark dans le film) est un esclavagiste de la pire espèce. Il tarde à démanteler le fort, si bien qu'il est pris au piège par les Mexicains. Il reçoit le renfort du colonel Travis qui prend le commandement du fort, et le 8 février 1836, c'est au tour de Davy Crockett de débarquer à la tête de 65 volontaires venus des États américains, les Tennessee Boys. "Davy, Davy, l'homme qui n'a jamais peur !" comme chante Annie Cordy. Tu parles : le trappeur de 49 ans ne vient pas se jeter dans la gueule du loup gratuitement. Il vient de prendre une raclée aux élections du Congrès des États-Unis et espère se faire une nouvelle virginité en courant au secours de Fort Alamo.
Pas de quartier
Le 23 février, l'armée mexicaine assiège Fort Alamo. À l'intérieur : 189 patriotes ou insurgés, selon le camp où l'on se situe. À l'extérieur : quelque 1 500 soldats mexicains accompagnés de 5 000 paysans vaguement armés. Après onze jours d'escarmouches, le 6 mars 1836 à l'aube, le général Santa Anna donne l'ordre de l'assaut final avec une consigne absolue : ne faire aucun prisonnier. Il ne doit y avoir aucun survivant. De leur côté, les Texans, qui ne sont pas des fillettes, font savoir qu'ils se battront jusqu'à la mort. Tout le monde est bien d'accord. La partie peut commencer. Santa Anna divise ses forces en quatre vagues d'assaut pour attaquer le fort par ses quatre faces. Il prend soin de disposer 500 cavaliers derrière ses troupes pour empêcher toute fuite des assiégés, mais aussi de ses propres paysans-soldats. Vers 5 heures, le signal de l'attaque est donné dans le plus grand silence. Trois sentinelles texanes disposées à l'extérieur du fort pour monter la garde sont égorgées. Ce n'est qu'arrivés à portée de mousquets que les assaillants passent à l'attaque, criant de tous leurs poumons "Viva Santa Anna !". Les trompettes jouent le célèbre air Degüello. En espagnol, le mot signifie "J'égorge", à prendre dans le sens de "Pas de quartier". Réveillés en sursaut, les assiégés gagnent leurs postes en haut des murailles tandis que les femmes et les enfants sont poussés dans la sacristie de l'église. Le colonel Travis s'écrie "Courage, les gars, les Mexicains nous attaquent et nous les enverrons en enfer ! On ne se rend pas, les gars !" Crockett est chargé de la défense du mur sud.
Dans un premier temps, le bordel règne dans les colonnes mexicaines, les jeunes recrues de l'arrière déchargent leurs flingues à l'aveugle, touchant leurs compagnons placés en tête. De leur côté, les Texans remplissent leurs 21 canons avec toute la ferraille qu'ils trouvent sur place pour arroser la troupe ennemie. Malgré tout, les assaillants finissent par atteindre le pied du mur. Les défenseurs doivent se pencher en avant pour pouvoir les atteindre, s'exposant ainsi au feu ennemi. Le colonel Travis est l'un des premiers à tomber, une balle dans la tête. Le colonel Crockett se bat comme un lion. La queue de son bonnet voltige dans tous les sens. C'est encore un sacré gaillard à l'oeil de lynx. Il abat au moins cinq ennemis et rate de peu Santa Anna qui s'était approché trop près. Il encourage ses boys en lançant des plaisanteries dont il a le secret.
Corps à corps
Malgré la vaillance des défenseurs, les Mexicains finissent par dresser plusieurs échelles contre le mur. Les premiers à se présenter au sommet du mur sont tués net ou bien repoussés dans le vide. Par deux fois, les assaillants sont refoulés. Finalement, tous les Mexicains se regroupent devant le mur nord. À leur tête, le général Juan Amador est le premier à sauter dans la cour. Il parvient à ouvrir la poterne à ses soldats qui envahissent le fort. Les Texans sont contraints de se replier dans les bâtiments et la chapelle dont les murs avaient été préalablement percés de meurtrières pour permettre le tir. Crockett et ses hommes prennent place devant l'église, derrière un mur bas. Ils déchargent une fois leurs armes qu'ils ne peuvent pas recharger, car cela les obligerait à se mettre debout (à l'époque, la poudre est versée dans le canon du fusil). Aussi Davy et les siens font-ils tournoyer leurs fusils comme des clubs de golf et s'aident de leur couteau. Mais cette scène de corps à corps est-elle bien réelle ou simplement brodée ultérieurement ? En tout cas, assaillants et défenseurs se livrent un terrible combat durant quatre heures. Pour chaque pièce conquise, les assaillants laissent de nombreux morts.
Souffrant d'une crise de dysenterie qui le laisse sans force, le colonel Bowie est alité depuis plusieurs jours. Quand l'ennemi se présente, il a encore la force de vider ses pistolets et de brandir les fameux couteaux qui portent toujours son nom. Il finit par succomber sous le nombre des assaillants. Finalement, les onze derniers combattants réfugiés dans l'église sont tués à leur tour. Seuls les femmes et les enfants, enfermés dans la sacristie, sont épargnés. Quant au véritable sort de Crockett, il reste incertain. Certains témoins le décrivent abattu durant un assaut mexicain, d'autres le donnent parmi un groupe de 5 à 7 Texans faits prisonniers par le général Castrillon malgré les ordres de Santa Anna de ne pas faire de quartier. Ce qui signifierait que le valeureux Crockett s'est rendu malgré la consigne !
Sourire
Sa poire à poudre dans une main et un long couteau ensanglanté dans l'autre, il attend, entouré des nombreux cadavres de soldats mexicains qu'il a abattus. Castrillon amène ses prisonniers à Santa Anna. "Monsieur, j'ai ici six prisonniers que j'ai pris vivants ; que dois-je en faire ?" Le général lance un regard féroce à son officier avant de lui répondre : "Ne vous ai-je pas dit auparavant quoi faire d'eux ? Pourquoi me les avez-vous amenés ?" Sur le champ, les officiers mexicains saisissent leurs épées pour les plonger dans le sein des malheureux prisonniers. Avant de pouvoir bondir, Crockett est embroché par une douzaine de lames, "un sourire de mépris sur les lèvres", comme l'écrira un témoin. Il ne sera jamais sénateur des États-Unis, mais gagne une réputation éternelle.