.............................Crash du MH17 :Trois Russes et un Ukrainien accusés par Amsterdam...............................
Cinq ans après le crash d'un Boeing de Malaysia Airlines, quatre personnes vont être jugées par les Pays-Bas
Il aura fallu cinq ans aux enquêteurs néerlandais pour produire des preuves suffisantes et définitives de l’implication des séparatistes prorusses, soutenus par Moscou, dans le crash d’un Boeing de la Malaysia Airlines, le 17 juillet 2014. Quatre personnes – trois Russes et un Ukrainien – vont être jugées en janvier 2020, à Amsterdam, pour le «meurtre des 298 personnes présentes dans l’avion», dont 196 Néerlandais, a communiqué l’équipe internationale d’investigation conjointe (Joint Investigation Team, JIT), lors d’une conférence de presse mercredi. «Nous avons désormais des preuves que la Russie est impliquée d’une manière ou d’une autre à cette tragédie, à ce crime», a encore déclaré le représentant du JIT.
Le premier suspect est le Russe Igor Girkine, alias «Strelkov», qui était alors ministre de la Défense de la République autoproclamée de Donetsk. Cet ancien colonel du FSB de 48 ans, passionné de reconstitutions historiques, est l’un des principaux acteurs du soulèvement séparatiste dans l’est de l’Ukraine. C’est lui qui organise les premières milices armées avec les volontaires venus de Russie et de Crimée et prend la tête des forces rebelles dans les combats de 2014.
Deux semaines avant le crash, il perd le contrôle de Slaviansk, un bastion emblématique des rebelles. Sa responsabilité, en tant que supérieur de tous les hommes impliqués dans l’incident, ne fait aucun doute pour le site d’investigation journalistique Bellingcat, qui enquête sur le crash depuis le début et qui fut le premier à retracer l’aller-retour du système de missile antiaérien BUK ayant abattu l’avion, entre la Russie et les territoires séparatistes.
«En contact étroit»:
«Vu que Strelkov était le commandant des forces armées de la RPD [République populaire de Donetsk, ndlr], et qu’il était en contact étroit avec son subordonné Doubinski, il était très certainement au courant de l’arrivée du système BUK la veille [de l’attaque]», peut-on lire dans un rapport très détaillé sur les responsables du crash, publié mercredi par Bellingcat, qui avance huit noms supplémentaires de rebelles impliqués dans la catastrophe. «Les séparatistes n’ont aucun lien avec [la catastrophe]. Je ne veux même pas le commenter, ni moi ni aucun autre rebelle n’y sommes pour rien», s’est empressé de déclarer Girkine aux agences russes.
Dans ce même rapport, qui s’appuie sur des écoutes téléphoniques de conversations entre séparatistes interceptées par le renseignement ukrainien en 2014, Bellingcat indique que Sergueï Doubinski, aka «Khmoury» («Bourru»), un vétéran des guerres d’Afghanistan et de Tchétchénie de 56 ans, devenu responsable du renseignement militaire de la RPD, et lié au renseignement militaire russe (GRU), avait demandé un BUK à la Russie, et en avait supervisé les déplacements. Résidant actuellement dans le sud de la Russie, il a nié toute implication de lui, ou de ses hommes dans le crash du MH17 et a déclaré au Guardian qu’il ne participerait au procès aux Pays-Bas sous aucune forme.
Le troisième Russe incriminé s’appelle Oleg Poulatov, surnommé «Guiourza» («Vipère»), un ancien officier des forces armées russes lui aussi. A l’été 2014, en tant qu’adjoint de Doubinski au sein du renseignement militaire des séparatistes, il aurait aidé au transport du système BUK en Ukraine. Après le crash, il aurait participé à assurer la sécurité de la zone où sont tombés les débris du Boeing. Selon Bellingcat, après avoir combattu par intermittence dans le Donbass jusqu’en 2018, il serait revenu vivre en Russie.
Enfin, les enquêteurs néerlandais accusent l’Ukrainien de 47 ans Leonid Khartchenko, du nom de guerre «Krot» («Taupe»), lui aussi lié aux services de renseignement des séparatistes, d’avoir aidé au transport et à l’évacuation du système BUK. La police ukrainienne le recherche pour participation aux combats du côté rebelle.
«Appuyé sur le bouton»:
Si aucun de ces hommes n’a «appuyé lui-même sur le bouton», ils ont tous «collaboré étroitement pour convoyer le [système de missiles antiaériens] BUK et l’ont mis en position dans le but de toucher un avion», et cela suffit pour les poursuivre, a indiqué mercredi le procureur néerlandais Fred Westerbeke. «La loi néerlandaise stipule que les personnes qui ne sont pas présentes elles-mêmes lors de la perpétration d’un crime mais qui jouent un rôle important dans l’organisation sont tout aussi punissables que les auteurs du crime», a-t-il déclaré mercredi lors d’une conférence de presse.
Depuis le début, la Russie nie l’implication des rebelles, et plus encore de ses propres forces armées, dans le crash et accuse l’armée ukrainienne. En juillet 2015, elle met son veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour la création d’un tribunal spécial pour juger les responsables, et continue par la suite de rejeter toutes les avancées de l’enquête internationale, «clairement tendancieuse et partiale», à laquelle elle n’a pas été invitée à prendre part.
Le ministère des Affaires étrangères russe n’éprouve que de la «désolation» face aux déclarations de l’équipe internationale d’investigation conjointe, dont les «accusations gratuites» ne visent qu’à «discréditer la Russie aux yeux de la communauté internationale». Quant aux suspects russes comme ukrainien, ils ne seront pas extradés aux Pays-Bas, car la Russie et l’Ukraine interdisent l’extradition de leurs ressortissants.
Source:Libération.