.................................Ile-de-France: Ces familles qui déscolarisent leurs enfants pour leur éviter le port du masque...........................
Ce lundi, c’est jour de rentrée pour des millions d’élèves… Mais certains ne reprendront pas le chemin de l’école, pour ne pas avoir à porter le masque. Enquête sur un phénomène difficile à quantifier.
Un matin de novembre, Jeanne*, 6 ans et demi, s'est rendue à l'école sans masque. Il était obligatoire depuis une semaine déjà.
« Elle avait essayé de le porter pendant deux jours, mais n'y arrivait pas, explique Elise, sa mère. J'ai dit ok, il n'y a pas de sanction si on ne le met pas, tentons. » Ce jour-là, impossible pour Jeanne de dépasser les grilles de l'établissement scolaire et de rejoindre sa classe de CP. L'entrée lui est refusée « tout comme la remise d'un document officiel évoquant le motif du refus ».
Deux jours plus tard, alors qu'Elise et Jeanne se retrouvent dans les bureaux de l'inspection académique, la décision est prise : Jeanne sera déscolarisée pour ne pas « que le port du masque lui soit imposé ».
Ce lundi, alors que la majorité des 2,4 millions d'élèves (de la maternelle au lycée) de la région, reprennent le chemin de l'école, masqués, Jeanne, reste donc étudier chez elle, dans les Hauts-de-Seine.
Le phénomène, certes marginal, est difficile à quantifier. Peu de chiffres sont disponibles sur le sujet. En Ile-de-France, seule l'académie de Versailles, la plus importante de France en nombre d'élèves, en dévoile. Elle insiste : « Les demandes d'instruction à domicile directement ou indirectement liées au port du masque à l'école sont extrêmement faibles. Elles concernent qu'une dizaine d'élèves sur les 1 181 210 que compte l'académie, soit 0,0008 % ».
Qui sont ces familles ?
«Respirer est un droit inaliénable et le masque m'empêche de le faire»:
Retour dans cette ville populaire des Hauts-de-Seine où vivent elise et Jeanne. Dans la rue, Elise, 43 ans, on la remarque : elle ne porte pas de masque. « Parce que respirer est un droit inaliénable et que le masque m'empêche de le faire, explique-t-elle. Mais, je fais attention aux gens. Si ma présence gêne, qu'il y a des personnes âgées ou visiblement fragiles, je m'éloigne. Si je vois des amis, je préviens que je suis une sans-masque, si ça les dérange, j'en porte un. »
Logique donc pour cette mère célibataire « de respecter » le choix de sa fille et donc, de ne pas le mettre à l'école. « Je me renseigne toujours sur plein de choses pour forger librement mon opinion », répète celle qui n'a pas de télé, et se défend de tout complotisme.
« Avec ce masque obligatoire, ma fille de 6 ans, petite, allait se retrouver avec un truc qui l'empêche de bien respirer, de jouer, elle ne pourrait plus voir les sourires de ses camarades, de son enseignante. Forcément, pour apprendre à lire et écrire, ça allait être compliqué. Je ne voulais pas qu'elle se sente piégée. Je suis en télétravail, je gagne très bien ma vie, l'alternative de la garder à la maison était toute trouvée, en fait c'est quelque chose qui me trottait dans la tête. »
A quelques kilomètres de là, toujours dans les Hauts-de-Seine, Olfa Cousseau, élue (Génération écologie) à Asnières y a songé elle aussi. « J'ai failli garder mes enfants chez moi pour des cours à la maison, confirme-t-elle. Je n'exclus pas de le faire à la rentrée. » En attendant, elle leur a demandé de ne jamais mettre de masque en dehors de leur école. « Ma fille au collège fait de l'asthme et de l'impétigo (infection cutanée ressemblant à d'énormes boutons) à cause du masque.
Elle doit ruser, se mettre dans un coin de la cour pour le retirer pendant les quelques minutes d'intercours ou filer aux toilettes pour s'en débarrasser. J'en ai parlé à la direction de l'établissement, mais les esprits sont verrouillés à ce sujet. Ce climat de peur et de sanction, c'est hyper violent pour des mineurs. »
«C'est infernal et mauvais pour leur développement»:
Un avis que partage Jessica*, 39 ans, habitante à Courbevoie. Quand elle a appris que sa fille de 7 ans devrait porter le masque « huit heures par jour », elle a aussi « failli ne pas la renvoyer à l'école, dans sa classe de CE1 ». « Aucun adulte ne le porte autant. Au bureau par exemple, devant son poste, chacun l'enlève. Les enfants, eux, le gardent à la récré, en classe, c'est infernal et mauvais pour leur développement », assure-t-elle.
Elle a voulu confier sa fille à une de ses amies qui propose du soutien scolaire. Puis s'est ravisée pour ne pas l'isoler. Comme d'autres parents de cette classe, elle « a permis [à sa petite] de porter le masque sous son nez et de le retirer si elle ne sent pas bien, avec l'accord de la maîtresse », reprend Jessica, elle-même sans masque en extérieur.
Une attitude qui ne plaît pas à tous les parents d'élèves. « J'ai été interpellée par un papa qui me l'a reproché, alors que je me tiens exprès à l'écart des gens, relate celle dont le mari est soignant. Je lui ai dit qu'il n'était pas la police. » Le surlendemain et durant deux jours, la police s'est présentée devant cette école élémentaire de Courbevoie à 8h20 et à la sortie.
Les cours se font… à la maison:
Elise, « ne veut pas être dans la confrontation ». Les discussions avec « l'inspection se passent bien », comme l'attestent les échanges de mails que nous avons pu consulter. Désormais, Jeanne a « une prof à la maison, deux heures par jour, elle apprend à lire, écrire, l'anglais, elles observent la nature… Bref, tout se fait au rythme de Jeanne.
Ça me coûte entre 600 et 800 euros par mois. J'ai les moyens alors je le fais. Son père, très présent, était d'accord mais s'interrogeait sur la perte interactions avec les autres enfants.
Alors, Jeanne va au centre de loisirs, masquée, le mercredi. Et, elle voit d'autres petits quand on organise des goûters, ou au sport. » Comment vit-elle la situation ?
« Ça va, lâche la fillette de sa petite et douce voix. Je préfère ne pas travailler et ne pas apprendre. » « Elle dit ça depuis la moyenne section, elle a souvent peur de ne pas y arriver et se déprécie. Pourtant c'est un enfant capable de faire plein de choses », reprend Elise, avant de proposer à sa fille de jouer avec elle à un jeu de société.
Dans cette démarche de la retirer du système scolaire pour une instruction à domicile, Elise s'est appuyée notamment sur l'association Reaction 19, dont elle est membre.
Une plainte déposée contre le port du masque obligatoire:
Cette structure, qui revendique « 22 000 adhérents et 55 000 sympathisants », présidée par Carlo Alberto Brusa, avocat des stars du football, et une des figures de la fronde anti-masque, a été créée « pour la défense [des] droits suite aux mesures prises par les autorités françaises […] pour lutter contre la pandémie de la Covid-19 ».
Dans la plainte contre X déposée mi-décembre, la structure estime que le port du masque à l'école chez les jeunes enfants est une « mesure susceptible d'attenter tant à leur dignité qu'à leur intégrité individuelle » et qu'il est « contraire à l'ensemble des dispositions internationales et nationales consacrant les droits de l'enfant, mais également inutile ». « Celle-ci est actuellement à l'étude », confirme le parquet de Paris.
Frédéric Niel, avocat parisien, ne croit pas « au volet pénal ». Son cabinet permet tout de même aux familles qui le souhaitent de saisir le Conseil d'Etat, par la mise à disposition d'un document de défense et d'une « étude d'impact » réalisée mi-décembre sous forme de questionnaire « auprès de
470 enfants âgés de 6 ans à 16 ans. »
De cette enquête, qui « n'a pas de valeur scientifique », concède Frédéric Niel, il ressort que : « 61,88 % considèrent que le plus difficile pour eux est le port du masque à l'école toute la journée, 94.67 % ont l'impression de moins bien respirer. »
Frédéric Niel insiste : « On ne remet pas en cause l'épidémie, la question est de savoir si le décret obligeant le port du masque aux plus jeunes, est proportionné ? Jusqu'à présent, le Conseil d'Etat répond oui ».
Les fédérations de parents d'élèves soutiennent la mesure:
En cette rentrée, où le niveau de circulation de virus est toujours très actif, la position de fédérations de parents d'élèves est sans équivoque. « Il faut respecter la loi et porter le masque à l'école », insiste Laurent Zameczkowski de la Peep 92.
« Nous avons été moins sollicités sur ce sujet par les familles avant les vacances de Noël mais nous restons vigilants, prévient Christian Gaudray, président de l'Union des familles laïques (Ufal). Il y a derrière certaines actions des personnes de mouvement complotistes, qui étaient déjà derrière les journées de retrait de l'école en 2013 (NDLR : contre un prétendu enseignement de la théorie du genre à l'école) », ironise l'Ufal.
Elise, elle ne se sent pas concernée. « Je ne dis pas que je ne me trompe pas, mais j'essaie, et puis je verrai. L'école a gardé une place à ma fille pour le CE1. On verra à la fin de l'année. »
L'académie de Versailles rappelle qu'une « inspection est réalisée auprès de ces familles [qui ont déscolarisé leur enfant en raison du port du masque obligatoire] au même titre que pour toute demande d'instruction à domicile ».
* Les prénoms ont été modifiés
Source:Le Parisien.