Long et bon.
Le RN et l’Europe : « Tout doit disparaître »
Le RN vient de lancer sa campagne pour les élections européennes. L’occasion d’explorer ses principaux axes stratégiques en attendant un programme en bonne et due forme.
Et de débusquer quelques-unes des fake news que Jordan Bardella et ses amis ne manqueront pas de colporter dans les semaines qui viennent.
onférence de presse de Jordan Bardella, tribune de Marine Le Pen dans Les Echos, grand meeting à Marseille, 20h de TF1… : le RN a lancé sa campagne pour les élections européennes. Galvanisés par un mouvement agricole durant lequel leurs amis de la Coordination rurale ont marqué leur territoire et affaibli le gouvernement, les responsables du RN ont commencé à abattre leurs cartes. C’est l’occasion d’explorer les axes principaux de la stratégie de Jordan Bardella et de Marine Le Pen d’ici le 9 juin prochain.
Première certitude, les élections européennes sont considérées comme des « élections de mi-mandat », c’est-à-dire par référence au mandat présidentiel. Il s’agira donc d’abord et avant tout d’accabler l’exécutif en place pour « mettre un terme à la dérive présidentielle » d’Emmanuel Macron, comme le dit Jordan Bardella. La campagne du RN sera en conséquence centrée sur la mise en scène d’un duel exclusif entre le RN et le chef de l’Etat.
Plus nouveau est le retournement des accusations habituellement portées contre le RN : le « complotisme », les « mensonges » et les « fake news » seraient désormais le fait d’une Macronie acculée, et le « fanatisme », celui d’une Commission européenne ivre de son pouvoir. L’accusation de « Frexit caché » relèverait en particulier de l’imagination paranoïaque du Président de la République. Tout à sa stratégie de normalisation, le RN voudrait se placer désormais du côté de la modération et de la raison.
Pourtant, on va le voir, la falsification et le complotisme demeurent la marque de fabrique du RN sur de nombreux dossiers. Son narratif de la « déconstruction » de la France en porte témoignage, qui suggère que, dans l’ombre des cabinets ministériels et des couloirs de la Commission, des technocrates sans âme conspirent à « l’effacement » méthodique de notre pays, de son industrie, de son agriculture et de sa culture. Tant et si bien que Marine Le Pen propose de changer la devise de l’Union : non plus « Unis dans la diversité » mais « Tout doit disparaître » ! En réalité, ce « Tout doit disparaître » conviendrait beaucoup mieux à qualifier son intention à l’égard de l’Union.
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Les craintes du RN sur ce chapitre s’expliquent toutefois par ses positions et analyses sur les enjeux géopolitiques de la période, lesquelles méritent d’être rappelées brièvement ici. Pendant la campagne présidentielle de 2022, alors même que Vladimir Poutine avait commencé à mettre l’Ukraine à feu et à sang, c’est avec le maître du Kremlin que Marine Le Pen proposait de passer une « alliance » (en p. 10 du chapitre de son programme consacré à la défense) : « Parallèlement et sans crainte des sanctions américaines, il sera recherché une alliance avec la Russie sur certains sujets de fond : la sécurité européenne qui ne peut exister sans elle, la lutte contre le terrorisme qu’elle a assurée avec plus de constance que toute autre puissance, la convergence dans le traitement des grands dossiers régionaux impactant la France (Méditerranée orientale, Afrique du Nord & centrale, Golfe/Proche-Orient et Asie notamment). » Ce projet d’alliance avec la Russie justifiait une certaine mansuétude à l’égard de Moscou. Ainsi, le 16 février 2022, quelques jours avant l’invasion russe, les élus du RN au Parlement européen votaient tous contre le projet d’assistance financière à l’Ukraine. Deux semaines plus tôt, Marine Le Pen avait refusé de signer la déclaration de solidarité avec l’Ukraine de ses partenaires nationalistes et souverainistes européens (Pologne, Hongrie, etc.) réunis à Madrid. Et le 1er mars, alors que le pilonnage des villes ukrainiennes avait débuté depuis 8 jours, elle se déclarait « très réservée » sur les livraisons d’armes à l’Ukraine au motif que « cela ferait de nous des cobelligérants » ; la suite a montré que ce n’était nullement le cas.
En dépit de l’inflexion de leur discours depuis février 2022, les élus RN au Parlement européen ont continué à freiner la solidarité avec Kiev et les mesures de rétorsion à l’égard de la Russie. Ils ont voté contre la résolution réclamant la création d’une seconde commission spéciale sur la désinformation et les ingérences étrangères, notamment de la Russie (10 mars 2022), contre la résolution pour accorder une libéralisation temporaire des échanges entre l’UE et l’Ukraine (le 19 mai 2022) et contre la résolution visant à faire reconnaître la Fédération de Russie comme État soutenant le terrorisme (le 23 novembre 2022).
Ils se sont abstenus sur la résolution condamnant l’escalade de la Russie dans sa guerre d’agression contre l’Ukraine (le 6 octobre 2022), sur la résolution visant à établir un instrument de soutien financier à l’Ukraine pour 2023 (le 24 novembre 2022), sur la résolution visant à mettre en place un tribunal sur le crime d’agression commis par la Russie contre l’Ukraine (le 19 janvier 2023), sur la résolution sur la préparation du sommet UE-Ukraine (le 2 février 2023), sur la résolution condamnant les conditions de détention d’Alexeï Navalny et d’autres prisonniers politiques russes (le 16 février 2023), sur la résolution à l’occasion des 1 an de l’invasion et de la guerre d’agression lancée par la Russie contre l’Ukraine (le 16 février 2023).
Et ils se sont organisés pour être absents lors des votes sur la résolution appelant à renforcer les sanctions contre la Russie (le 7 avril 2022) et sur la résolution condamnant la répression accrue du régime russe ainsi que la condamnation d’Alexeï Navalny (le 7 avril 2022).
https://www.lagrandeconversation.com/po ... sparaitre/
Bon en même temps que le RN mente ou pas ses électeurs s'en foutent.