Masques de protection : la piste prometteuse du recyclage
31.03.2020, par Mathieu Grousson
https://lejournal.cnrs.fr/articles/masq ... -recyclage
Concrètement, que proposez-vous ?
P. C. : Plusieurs pistes sont à l’étude. Dans le cadre d’un consortium interdisciplinaire mis en place par le CNRS et le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui rassemble des médecins, des scientifiques et des industriels, nous explorons ainsi actuellement les avantages comparés d’un lavage avec un détergent à 60 ou 95 °C, d’un passage en autoclave à 121 °C pendant 50 minutes, d’une irradiation par des rayonnements gamma ou bêta, d’une exposition à l’oxyde d’éthylène et d’un chauffage à 70 °C en chaleur sèche ou dans l’eau.
À ce stade, avez-vous déjà des premiers éléments de conclusion ?
P. C. :
Concernant les masques chirurgicaux, nous avons montré qu’ils conservent leurs performances après un lavage jusqu’à 95 °C. Nous avons également de très bons résultats avec l’autoclave et les rayons gamma. Précisément, nous observons une perte d’efficacité de filtration inférieure à 2 %, ce qui conduit les meilleurs masques usagés et traités testés à de meilleures performances que celles de masques neufs moins bons.
Sur les masques FFP2, les premiers résultats obtenus par l’agence Apave de Grenoble montrent que le traitement à l’oxyde d’éthylène en conserve les performances. En revanche, il apparaît que les rayons gamma ne les conservent pas. Enfin, Olivier Terrier, du Centre international de recherche en infectiologie3, vient de réussir à démontrer que la chaleur sèche à 70 °C détruit très efficacement une charge virale calibrée déposée sur des masques chirurgicaux et FFP2.
Quelle suite allez-vous donner à vos travaux ?
P. C. : Dès les prochains jours, nous testerons la combinaison du lavage et d’autres méthodes de désinfection. Deux nouveaux bancs, au Laboratoire réactions et génie des procédés4 à Nancy et au CEA-Grenoble, permettront par ailleurs de tester le niveau de performance des masques chirurgicaux. Et nos collègues du Centre d’investigation Clinique – Innovation Technologique du CHU de Nancy explorent la possibilité de renforcer nos capacités de collecte des masques usagés. De plus, nous venons tout juste de rejoindre la task force internationale « ReUse » qui travaille exactement sur les mêmes sujets que nous et avec laquelle nous allons partager tous nos résultats.
Par ailleurs, l’enjeu de la semaine qui s’ouvre sera de définir pour les deux types de masque la meilleure méthode de traitement. D’une part la plus efficace en tant que telle, mais aussi d’autre part, la plus adaptée pour une mise en œuvre à grande échelle, d’abord pour la population générale, mais aussi pour les professions exposées, voire en cas de pénurie extrême pour les professionnels de santé. De fait, si on peut imaginer un traitement par autoclave au sein des CHU, une irradiation ou une exposition à l’oxyde d’éthylène nécessitera un processus plus centralisé.
Concrètement, il s’agit de définir, avec l’aide des spécialistes de l’hygiène et des maladies infectieuses, un circuit complet adapté aux besoins dans des conditions qui garantissent la sécurité de l’ensemble de la chaine, de la collecte au traitement et à la remise en service des masques. Sur ces problématiques, nous avons rejoint un groupe de travail interministériel tout juste créé et piloté par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Cela nous a en outre permis d’identifier la vapeur de peroxyde d’hydrogène et le plasma d’oxygène comme autres sources possibles de désinfection. Nous allons donc les tester avec la méthodologie et les outils que nous avons mis en place. ♦