

Est-il vrai que plus d’un million de Français ont signé la pétition de Philippe de Villiers contre l’immigration ?
Le site du groupe Lagardère qui héberge ce texte ne vérifie ni l’identité ni l’adresse mail de ses signataires, rendant impossible de confirmer ce chiffre.
Lancée le samedi 6 septembre, une pétition de l’homme politique et essayiste d’extrême droite Philippe de Villiers exigeant un référendum sur l’immigration revendique avoir dépassé le million de signatures.
En amont de la sortie début octobre de son livre Populicide chez Fayard, maison d’édition sous la coupe du milliardaire conservateur Vincent Bolloré (également propriétaire de CNews), cette pétition reprend les thèmes alarmistes chers au fondateur du Puy du Fou, qui avait soutenu Eric Zemmour lors de la présidentielle de 2022. L’immigration y est présentée comme faisant peser le risque d’une «disparition» de la France et il appelle à «rendre la parole au peuple» face à une classe politique jugée «impuissante ou complice».
Certains hommes politiques, comme Laurent Wauquiez, patron des députés Les Républicains à l’Assemblée nationale, ont fait savoir qu’ils avaient signé la pétition. Invitée sur CNews mardi 16 septembre, Marine Le Pen a indiqué qu’elle ne l’avait pas fait, expliquant : «Je ne signe pas de pétition. Moi, je dépose des propositions de loi», tout en assurant qu’elle n’avait pas de divergence sur le sujet avec Philippe de Villiers.
Un million de signatures dont «Test Test» ou «Pierre Paul Jacques»
Le succès de la pétition – plus d’un million de signatures en à peine dix jours – interroge sur le sérieux du site referendum-immigration.com, qui l’héberge. Contrairement à la pétition s’opposant à la loi Duplomb, qui était hébergée par le site de l’Assemblée nationale et qui obligeait le signataire à s’identifier via l’application France Connect (et donc à une carte d’identité) pour authentifier son appui, le site de Philippe de Villiers se contente de demander un prénom, un nom, une adresse mail et un code postal. Puis de cocher trois cases : «Oui, je souhaite recevoir des informations de Philippe de Villiers», «Je consens à ce que Philippe de Villiers communique mon adresse e-mail à la société Lagardère Media News afin qu’elle m’adresse des informations, offres, bons plans et avantages promotionnels pour les titres JDD et JDNews» et enfin le classique captcha pour confirmer que c’est bien un humain qui clique.
Aucune vérification sur l’identité réelle n’est faite. CheckNews a ainsi pu faire grimper le nombre de signataires en indiquant les identités de «Test Test», «Philippe de Voilier» et «Pierre Paul Jacques», tout en renseignant des mails fictifs ou réels. A chaque fois, le message «Merci d’avoir signé la pétition !» apparaît et le nombre de signataires augmente, sans que l’on ne puisse consulter la liste du million d’adresses supposément renseignées. Nous n’avons reçu aucun e-mail de confirmation sur la messagerie personnelle utilisée.
N’importe qui peut être signataire malgré lui
Seule sécurité repérée : une adresse e-mail ne peut être utilisée qu’une seule fois. En cas de tentative de doublon, le message «Vous avez déjà signé !» se manifeste. Ce verrouillage a pour défaut qu’il peut permettre de vérifier si une adresse e-mail a déjà été utilisée pour signer la pétition.
Ainsi, l’adresse de l’Assemblée nationale du député Laurent Wauquiez indique qu’elle a déjà été utilisée. Que ce soit par lui ou par une personne qui a voulu tester si cette adresse était utilisée. Donc, n’importe qui peut décider de faire signer la pétition par l’adresse de la députée Marine Le Pen ou de tout autre personne, sans qu’elle n’en soit informée.
Quels liens la pétition de Philippe de Villiers entretient-elle avec le «JDD» et le «JDNews» ?
Lorsqu’ils remplissent la pétition, les internautes sont invités à cocher des cases pour que leurs adresses mails puissent être utilisées par Philippe de Villiers, et par la société Lagardère Média News, propriété du groupe Bolloré. Ils ne sont pas obligés de le faire. CheckNews a fait le test, sans cocher ces cases, la signature est quand même validée.
Dans ses mentions légales et sa politique de confidentialité, on peut lire que le site referendum-immigration.com a pour responsable du traitement des données Philippe de Villiers. L’adresse indiquée, 2 rue des Cévennes, dans le XVe arrondissement de Paris, correspond aux bureaux de Lagardère News (Europe 1, le JDD). Philippe de Villiers est lui-même chroniqueur dans le JDNews, le supplément magazine du JDD.
Dans quel but ? Contactée par CheckNews, les éditions Fayard assurent qu’elles ne sont pas en charge de cette initiative. Sans pour autant préciser clairement si leur auteur ne s’en servira pas pour faire la promotion du livre à paraître.
Sollicités, ni l’assistante de Philippe de Villiers, ni l’adresse e-mail de la pétition petitionvilliers@gmail.com, ni les services de presse du groupe Lagardère, ni Geoffroy Lejeune, directeur de la publication du JDD, n’ont donné suite à nos demandes concernant la vérification des signataires et l’utilisation de leurs données.
https://www.liberation.fr/checknews/est ... GADD3RVIU/