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SuiteSi cet épisode doit être examiné sérieusement, la question doit être posée : que se serait-il passé si le vol 253 avait été détruit ?
Il ne fait aucun doute qu'une telle catastrophe aurait eu des répercussions immenses à l'international comme à l'intérieur des États-Unis. Cela aurait sérieusement déstabilisé le gouvernement Obama, renforcé politiquement les sections les plus extrémistes à la droite de la classe dirigeante, et laissé la voie ouverte à une expansion encore plus importante des opérations militaires et secrètes à l'étranger, ainsi qu'à une réduction drastique des droits démocratiques aux États-Unis.
Même la tentative avortée a déclenché une tempête de critiques de la part de la droite républicaine contre le gouvernement Obama et son laxisme supposé face au terrorisme.
Cela a trouvé son expression la plus pure dans un communiqué de mercredi de l'ex-Vice président Dick Cheney.
« Nous sommes en guerre, et lorsque le Président Obama fait comme s'il n'en était rien, cela mine notre sécurité, » a dit Cheney. L'ex-vice président et organisateur de facto de la « guerre contre le terrorisme » du gouvernement Bush a condamné Obama parce qu'il a proposé de fermer le camp de prisonniers de Guantanamo et de faire comparaître certains de ses prisonniers devant des courts fédérales régulières. Il a également critiqué le président américain pour avoir abandonné les mots « guerre contre le terrorisme » dans sa description des guerres permanentes de Washington à l'étranger et des atteintes aux droits démocratiques à l'intérieur.
Ces déclarations de Cheney – qui a été au cœur d'un gouvernement de l'ombre huit années durant, qui a les liens les plus étroits avec l'appareil militaro-industriel, et qui est très favorable à la torture, aux assassinats et à une réduction drastique des droits démocratiques – met en lumière les calculs politiques qui ont pu encourager certains éléments au sein de la CIA et des autres agences de renseignement à ne pas « relier les faits entre eux » et, ainsi, faciliter les actes terroristes.
De plus en plus, l'incapacité à identifier Abdulmutallab et à alerter d'autres agences gouvernementales au sujet de la menace révélée au Nigeria et au Yémen a été mise sur le compte de la CIA. Combien y a-t-il de personnalités importantes de cette agence qui entretiennent des liens étroits avec Cheney ?
La clef de cet événement pourrait bien se trouver dans les luttes âpres qui déroulent au sein de l'establishment américain au sujet de l'orientation politique. En dépit de tout ce qu'Obama a pu faire pour poursuivre la politique du gouvernement Bush, tant en termes de guerre d'agression à l'étranger que pour développer les pouvoirs d'un état policier à l'intérieur, il existe des individus qui veulent aller encore plus loin.
Le mardi, pour le deuxième jour de suite, Obama a publié un communiqué sur cette tentative d'attentat.
« Lorsque notre gouvernement a des informations sur un extrémiste connu et que ces informations ne sont pas partagées et utilisées comme elles le devraient, et que cet extrémiste embarque dans un avion avec des explosifs dangereux qui pourraient coûter la vie à près de 300 personnes, c'est un échec de tout le système qui s'est produit, » a déclaré Obama dans ce communiqué envoyé depuis Hawaï.
Ce second communiqué – publié un jour seulement après avoir annoncé qu'il avait ordonné une « revue en profondeur » des procédures de renseignement – reflète les divisions et les récriminations au sein de l'establishment politique de Washington et des agences de renseignement américaines. Il révèle l'immense pression qui s'exerce sur ce gouvernement, et sa propre reconnaissance du fait qu'une attaque terroriste réussie aurait eu un effet profondément déstabilisant sur sa présidence.
Il ne peut y avoir aucune enquête sur la manière dont le projet d'attentat contre la Northwest Airline a pu aller aussi loin sans que soit posée la question de savoir s'il y a des éléments au sein de l'Etat américain qui auraient un intérêt à ce que cela se produise, et par conséquent à passer des informations sous silence et à ignorer les procédures qui l'auraient empêché.
Il n'est pas possible d'aller au fonds de ces questions sans identifier spécifiquement les individus qui ont eu accès aux informations sur Abdulmutallab et qui ont pris les décisions critiques empêchant une surveillance accrue et une action.
Dans son éditorial de mercredi intitulé «, « le système a échoué » le New York Times cite les abondantes informations dont on dispose sur Abdulmutallab et écrit, « les officiels disent que la mise en garde était insuffisante. » Plus loin, il écrit, « les officiels ont décidé que cette mise en garde n'était pas suffisante pour le mettre sur la liste des 14 000 personnes soumises à des fouilles poussées dans les aéroports. »
Le Times attribue ces décisions à « des erreurs de jugement. » Comme toujours, on peut compter sur ce porte-parole de la section autrefois libérale de l'establishment américain pour apporter une explication des plus triviales et ridicules à une question d'une importance capitale.
Qui sont ces « officiels » ? Il faudrait les nommer. De plus, ils devraient être mis en examen, interrogés publiquement sous serment, et mis en demeure d'expliquer leurs décisions.
Poser la question de savoir qui bénéficierait politiquement d'une attaque terroriste majeure sur le sol américain [un appareil en vol est assimilé au territoire de son état, ndt], est le meilleur moyen de faire toute la lumière sur ce qui est présenté d'une manière totalement incroyable comme une énorme et inexplicable « défaillance » du système de renseignement et de sécurité américain.
Article original, WSWS, paru le 31 décembre 2009.