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par tisiphoné » 31 mai 2011 18:00
Au-delà des faits rapportés par Luc Ferry, dont on ignore tout à ce stade, ces déclarations suscitent plusieurs interrogations juridiques.
Une personne informée de faits de pédophilie est elle tenue de les dénoncer?
Deux articles du code pénal s’appliquent en pareil cas.
En premier lieu l’article 434-1 du code pénal incrimine «le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives (…)».
En second lieu, l’article 434-3 sanctionne « le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives (…) ».
Une personne informée de la commission d’actes de pédophilie semble donc bien soumise à une obligation de dénonciation de ces faits aux autorités. Bien évidemment, pour que cette obligation s’applique, il convient que la personne ne soit pas astreinte à un secret professionnel et qu’elle dispose d’une réelle connaissance des faits qu’elle allègue.
Quelles poursuites risque l’auteur d’une dénonciation de tels faits?
Deux infractions pénales semblent principalement envisageables: la diffamation et la dénonciation calomnieuse.
Affirmer publiquement qu’une personne s’est rendue coupable d’actes de pédophilie peut engendrer des poursuites pour diffamation. L’auteur des propos peut, en matière de diffamation, théoriquement se défendre en démontrant la véracité de ses allégations. Mais un tel mode de défense n’est pas recevable si la preuve de la vérité porte atteinte à la vie privée de la personne visée. Par conséquent, le fait d’affirmer publiquement que quelqu’un s’est rendu coupable d’actes de pédophilie risque en effet d’être sanctionné sur le terrain de la diffamation. Des poursuites civiles pourraient également être diligentées pour atteinte à la vie privée.
Plus délicate est la question de la dénonciation calomnieuse: que risque quelqu’un qui signalerait à la police des faits de pédophilie dont il a été informé? L’article 226-10 du code pénal dispose:
«La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45000 euros d'amende.
La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. (…)»
En d’autres termes, pour qu’il y ait dénonciation calomnieuse, il faut que l’auteur soit de mauvaise foi et ait conscience que les faits qu’il dénonce sont faux. Une personne qui signalerait, en toute bonne foi, des faits dont elle a connaissance ne s’exposerait donc théoriquement à aucun risque au regard de la dénonciation calomnieuse, si elle se montre prudente dans la façon dont elle rapporte ces faits.
Soumise à l’obligation de dénonciation prévue par l’article 434-3 et couverte à l’égard du risque de dénonciation calomnieuse, une personne (non astreinte à un quelconque secret) informée d’actes de pédophilie semble avoir tout intérêt à en informer la police. Mais pas la presse.