Lunettes fashion teintées, crâne rasé de près et sourire juvénile, Khaled Drareni s'avance paisiblement dans le hall de l'hôtel el-Aurassi. Qui pourrait se douter que ce jeune homme au corps d'athlète est un des présentateurs vedettes de la télévision algérienne ? Mais pas de la chaîne d'État. "En Algérie, les chaînes les plus regardées ne sont pas publiques. À travers leurs différents canaux, celles-ci ne font que diffuser les mêmes programmes, mais à des horaires différents !" pointe-t-il, un brin moqueur.
À 32 ans, ce journaliste est la star de Dzaïr TV (Algérie TV), chaîne privée née en mai 2013. En moins d'un an, elle s'est imposée comme la quatrième chaîne du paf algérien. "Dzaïr TV, c'est le M6 algérien", sourit-il. Propriété d'Ali Haddad, un riche homme d'affaires qui a fait fortune dans le BTP, elle s'est jouée à merveille des failles de l'impénétrable système médiatique algérien. Ainsi, si les chaînes privées algériennes n'ont droit de cité que depuis 2014, Djzaïr TV s'est basée en Jordanie, avant d'ouvrir un bureau à Alger. De la même manière, la loi algérienne n'autorisant que des chaînes privées thématiques, Dzaïr TV, qui se veut généraliste, a le statut de chaîne "multi-thématique".
"En toute liberté" (Khaled Drareni)
Ne manquait plus qu'un animateur pour lancer la version française de Dzaïr TV, qui émet également en arabe et en kabyle. La star était toute trouvée. Après huit ans de journalisme, dont quatre dans la presse écrite, deux en radio et les deux derniers en télévision, Khaled Drareni est débauché en octobre 2012. "Ma mission était de créer et de diriger le service français en toute liberté", explique-t-il.
Le jeune homme arrive à point nommé. L'année 2014 est celle de la présidentielle que l'on dit acquise à Abdelaziz Bouteflika. Alors que l'on prédit une campagne ennuyeuse et sans intérêt, la donne change radicalement en janvier avec la révélation de dissensions au sommet de l'État sur le sort réservé au président sortant, gravement malade. Lancée en juin 2013, Controverse, l'émission-phare de la chaîne, prend son envol.
Moments d'anthologie
"Ces divisions sur la place publique entre le DRS (services secrets algériens) et le FLN (parti au pouvoir) ont ouvert les vannes", raconte-t-il aujourd'hui. "Pour la première fois, on pouvait parler sans tabous. Du DRS, des généraux [de l'armée, NDLR], de tout." En un temps record, Controverse s'impose comme l'émission à ne pas manquer. Maladie du président, émeutes dans le sud du pays, autonomie de la Kabylie, aucun sujet n'est évité. Surtout que, face à elle, la télévision d'État peine à lancer ses programmes consacrés à la présidentielle, qui épargneront allègrement le président sortant.
Le plus grand succès de Controverse réside dans son ton, entièrement libre, qui donne l'occasion de vivre des moments d'anthologie. Comme lorsque Khaled Drareni demande au directeur de campagne de Bouteflika, l'ex-Premier ministre Abdelmalek Sellal, s'il n'en fait pas trop lorsqu'il qualifie le président sortant de "don de Dieu". Furieux, celui-ci quitte le plateau avec fracas. "Au départ, les gens venaient difficilement, reconnaît le journaliste. Aujourd'hui, ils appellent d'eux-mêmes pour être invités."
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