
Des femmes afghanes vêtues d'une burqa achètent des fruits secs sur un marché de Kandahar, Afghanistan, le 15 juin 2024. SANAULLAH SEIAM / AFP
«Les femmes et jeunes filles afghanes sont, dans leur ensemble, perçues d'une manière différente par la société afghane» et «doivent être considérées comme appartenant à un groupe social susceptible d'être protégé comme réfugié», ont décidé les juges de la CNDA.
Les talibans, depuis leur retour au pouvoir en août 2021, ont «porté atteinte» aux «droits et libertés fondamentaux des femmes et des jeunes filles afghanes», notamment en les excluant du gouvernement provisoire, «ainsi qu'en remettant en cause leur droit à la santé, à l'éducation et leur liberté d'aller et venir», relève la Cour française. Ces «graves mesures discriminatoires» constituent des «actes de persécution» au sens de la convention de Genève, poursuit-elle.
Face aux persécutions
Selon cette Convention de 1951 le statut de réfugié est accordé dans les cas où un étranger fait face à des persécutions «en raison de sa race, sa religion, sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques». La CNDA suit ainsi l'arrêt rendu le 16 janvier par la Cour de Justice de l'Union européenne, qui a jugé que «les femmes, dans leur ensemble, peuvent être regardées comme appartenant à un groupe social» et prétendre au statut de réfugié si «dans leur pays d'origine elles sont exposées, en raison de leur sexe, à des violences physiques ou mentales».
«C'est la première fois qu'en France est reconnu un groupe social de femmes, en raison de leur genre, pour un pays», commente-t-on à la CNDA, où l'on souligne que la question pourra ultérieurement être posée pour d'autres pays. Jusqu'ici en France, seules les femmes fuyant un mariage forcé, les fillettes craignant l'excision ou les femmes s'étant extraites d'un réseau de prostitution pouvaient bénéficier de la protection de la convention de Genève, du fait de leur appartenance à un «certain groupe social». «Cela va uniformiser la jurisprudence pour les années à venir, car les décisions de la Cour en grande formation s'imposent à toutes les formations de jugement et à l'Ofpra», explique-t-on à la CNDA.
Persécutées du fait de leur genre
L'Afghanistan est le premier pays d'origine des demandeurs d'asile en France depuis cinq ans : 17.103 premières demandes d'asile ont été déposées en 2022, soit 15% du total, selon l'Ofpra. «C'est une décision que nous espérions. Cela fait deux ans que nous plaidons pour que la France accepte de faire venir des femmes afghanes au motif qu'elles sont persécutées du fait de leur genre», a déclaré à l'AFP Delphine Rouilleault, directrice générale de France Terre d'Asile. «Nous espérons que cette décision nous permettra de mettre en place un programme pour les accueillir.»
En revanche, la Cour a considéré que les femmes mexicaines et les femmes albanaises «ne pouvaient, dans leur ensemble, être considérées comme appartenant à un groupe social susceptible d'être protégé comme réfugié». Le Mexique et l'Albanie ont en effet «adopté un ensemble d'instruments internationaux et de législations nationales pour promouvoir l'égalité entre les sexes et lutter contre les violences subies par les femmes».
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