"Pourquoi les largages aériens à Gaza, auxquels la France va se joindre, sont aussi dangereux qu’insuffisants."
La France va participer aux opérations de largages aériens humanitaires sur Gaza.
De nombreux professionnels parlent de « mascarade. »
Une aide très insuffisante
Mais que représentent concrètement ces opérations ? Bien peu, en réalité. En comparaison, un seul camion humanitaire transporte autour de 20 tonnes de denrées humanitaires. Or, l’ONU affirme qu’il faudrait chaque jour 500 à 600 camions (au moins) de nourriture, de médicaments et de produits d’hygiène pour subvenir aux besoins urgents à Gaza.
Calcul simple : le largage français de ce vendredi représentera donc… 0,3 % des besoins de la population gazaouie.
Et ce, pour une seule journée.
En effet, le Programme alimentaire mondial estime qu’il faudrait acheminer 62 000 tonnes de denrées alimentaires par mois à Gaza pour subvenir aux besoins de base de la population (sans compter les médicaments et autres produits d’hygiène). Or, ces largages aériens sont pour l’instant très ponctuels, quand la population gazaouie a besoin d’un approvisionnement constant et d’un accompagnement médical, notamment pour les personnes en situation de malnutrition.
Le rapport spécialisé IPC (cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire) publié mardi 29 juillet, qui alertait sur le « pire scénario de famine en cours » à Gaza, a abouti à une conclusion claire : les largages aériens « ne seront pas suffisants pour inverser la catastrophe humanitaire ».
Un vrai danger pour les populations civiles
Insuffisants, donc, mais également dangereux. Car si ces largages aériens sont vivement critiqués, c’est aussi car ils sont très risqués.
Et tout d’abord par le principe même de parachuter des colis de plusieurs tonnes sur un territoire très densément peuplé. Rappelons que l’espace sûr de la bande de Gaza s’est réduit à 12 % du territoire. Le moindre dysfonctionnement d’un parachute et c’est le risque d’un accident mortel.
C’est ce qui s’était par exemple passé le 8 mars 2024, dans le camp de réfugiés d’Al-Chati, à l’ouest de la ville de Gaza. Le parachute d’un des colis envoyés par voie aérienne ne s’est pas ouvert, et « la cargaison est tombée comme une roquette sur le toit d’une des maisons », racontait alors à l’AFP un témoin ayant assisté à la scène. Résultat : 5 morts et 10 blessés, dont certains gravement.
Même si les colis parachutés parviennent à rejoindre la terre ferme sans accident, le calvaire est loin d’être terminé. « Imaginez le mouvement de foule qui se produit à la vue des parachutages, puisque tout le monde a besoin de se nourrir. Les gens se précipitent sur les palettes, donc ça entraîne des situations chaotiques, et ce n’est certainement pas toujours les plus vulnérables qui vont avoir accès tout de suite à l’alimentation », explique à franceinfo Aymeric Elluin, d’Amnesty International France.
Même constat pour Youssef, un journaliste palestinien à Gaza qui raconte, toujours à nos confrères, l’ambiance de « fin du monde » qui règne dans ces distributions aériennes. « Dans les largages, il y avait du sucre, de la farine, des boîtes de conserve. Et il y a eu 11 blessés aussi. Il y avait des tirs, des gens qui ont attaqué.
Si tu prends un sac de farine, il y a des gens qui viennent te braquer, t’agresser. Il n’y a pas de loi. C’est la farine mélangée avec du sang ».
«
Certains en profitent pour s’emparer du butin et le revendre à des prix astronomiques », complète auprès de 20 Minutes Pierre Motin, responsable plaidoyer de la plateforme des ONG françaises pour la Palestine, dénonçant une « déshumanisation volontaire ».
https://www.huffingtonpost.fr/internati ... 53107.html