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Précédemment soutien de Dupont-Aignan, le député de la Somme a rejoint Marine Le Pen. Mais la valeur montante et cabotin du RN, qu’une collègue compare à Thierry Le Luron, se révèle surtout expert dans l’à-peu-près.
Quand ce prodige s’exprime devant l’Assemblée, on se pâme sur les bancs de l’extrême droite. Courtois, cravaté, culotté, il serait, avec son air juvénile et son léger zozotement, « l’expert » qui manquait au Rassemblement national. Un jeune premier du nationalisme et de la tradition. La preuve vivante que ce parti compte enfin dans ses rangs des hommes prêts à gouverner. Le ministre de l’Économie de la présidente Le Pen ? Il est là, devant eux : Jean-Philippe Tanguy, 36 ans, député de la Somme et numéro 2 du groupe présidé par Marine Le Pen. « Je viens de l’industrie », se plaît-il à souligner.
Diplômé de Science po et de l’Essec, il se targue d’être passé par le japonais Hitachi et l’américain General Electric (GE). Ce qui ferait de lui le spécialiste incontestable que célèbrent ses camarades lepénistes. Il raconte que cette expérience industrielle lui a ouvert les yeux sur « la soumission de l’industrie au monde de la finance ». D’où son engagement souverainiste. Au cabinet de la présidente de GE France, Clara Gaymard, il dit avoir été aux premières loges, en 2012, quand se tramait le rachat de la branche énergie d’Alstom. Scandalisé par le « dépeçage programmé » de ce fleuron français, il aurait démissionné, se libérant du « cas de conscience » qui le tourmentait. « Je me rêvais lanceur d’alerte, … mais ça n’a pas pris », confiait-il lamentablement au Courrier Picard. Ce récit fait bien rire ses anciens collègues.
Un caractère à fables
Après un premier stage chez Hitachi, il est recruté pour un second, prolongé par un contrat d’alternance, au service communication de GE. Mais en fait de démission retentissante, il part, comme prévu, à la fin de son contrat. Dans l’entourage de l’ex-présidente de GE, on se souvient d’un apprenti dévoué… surnommé « chaton » ! On voit mal, par ailleurs, quelle « alerte » il aurait pu lancer. En 2012, les difficultés structurelles d’Alstom sont connues, mais le rachat de sa branche énergie par GE n’est, à ce stade, qu’une option parmi d’autres. Ce deal ultrasensible ne sera négocié que deux ans plus tard. N’est pas Cassandre qui veut.
Tanguy a fait Saint-Cyr. Autre ligne de son CV qui lui attire la sympathie des patriotes. S’il n’est resté que quelques semaines dans la prestigieuse école militaire, c’est qu’il avait, dira-t-il, « du mal à respecter la discipline ». Selon l’un de ses ex-camarades, interrogé par Le Point, il n’aurait pas supporté le traitement réservé aux gays dans l’école militaire. Dans un tweet, en 2018, il revendique sa participation à la Marche des fiertés : « Fier de marcher tête haute et main dans main. Fier de m’engueuler avec ceux qui n’ont pas encore compris que notre bonheur honorait l’âme nationale. » Outre sa propension à l’inexactitude, le député Tanguy a un goût prononcé pour l’emphase et le cabotinage. Cela lui a valu, au cœur de l’été, un début de célébrité. À la tribune de l’Assemblée, en pleine discussion du texte de loi sur le pouvoir d’achat, on le voit en transe, hurlant « Silence ! Silence pour la France ! », alors que la gauche le chahute. Épatée par son « intelligence », sa voisine dans l’hémicycle, la députée RN Caroline Parmentier, confie, en guise de compliment, qu’elle lui trouve une ressemblance avec Thierry Le Luron… Involontairement, cette comparaison décrit bien ce petit personnage qui fait de la politique un stand up permanent. Avec des accents jubilatoires et un incontestable talent oratoire, il livre une caricature du politicien narcissique.
Des convictions fluctuantes
« C’est une chance de l’avoir avec nous », dit Sébastien Chenu, porte-parole du RN. Aux élections régionales de 2015, il l’avait contre lui dans les Hauts-de-France, comme candidat de Debout la France. En 2012, Tanguy avait rejoint la petite boutique souverainiste du député Nicolas Dupont-Aignan, anti-maastrichien pathologique. Il en restera le principal collaborateur jusqu’en 2021. À défaut de sauver Alstom, il entame une carrière d’apparatchik au service d’un « gaulliste social », héritier apocryphe de Philippe Séguin. Tanguy ne ménagera pas, alors, ses critiques contre le parti fondé par Jean-Marie Le Pen, « peuplé de gens qui haïssent de Gaulle ». Outre l’homophobie ambiante, il dénonce « l’ignoble » amalgame de Marine Le Pen qui se demande, lors d’un meeting à Nantes, « combien de Mohamed Merah » pouvaient se cacher parmi « les enfants de ces immigrés non assimilés ». Ce qui ne l’empêche pas d’être à la manœuvre quand Dupont-Aignan se range derrière Le Pen au deuxième tour de la présidentielle de 2017. Contrairement à Dupont-Aignan, Tanguy veut pérenniser cette alliance.
En 2021, il fonde l’Avenir français, micro-parti dont il prétend faire un « trait d’union pour faire gagner le camp national ». Voilà Marine Le Pen devenue « la protectrice des Juifs et des homosexuels qui ne peuvent plus vivre dans certains quartiers ». Loin, très loin de Séguin, le tonitruant pourfendeur des compromissions avec l’extrême droite. Mais l’ambitieux n’en a que faire. Il trace. Selon Chenu, sa force serait d’être « totalement vierge des outrances du passé ». Ce qui n’empêche pas le jeunot de cumuler celles du présent. On l’a vu, au plus fort du débat sur les « Uber Files », pérorant devant la presse sur les « turpitudes du petit milieu français » dont Emmanuel Macron serait l’incarnation. Et d’ajouter, en guise de preuve : « Monsieur Rothschild a dit lui-même qu’il a pris Macron parce qu’il savait solliciter les aspirations homo-érotiques d’un certain nombre de cadres. » Interrogé sur ses sources, il finit par reconnaître piteusement que Rothschild n’a rien dit de tel. Une approximation parmi d’autres de cet « expert » autoproclamé.
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