On peut quand même critiquer cette forme de féminisme superficiel.
Le premier réflexe dans ce genre de débats est de sortir des fadaises du genre "le corps de la femme est beau, il faut l'exposer". Et toute critique est classée en pruderie.
Ce qui n'a rien à voir avec la plupart des critiques contre ces foires humaines.
Une fille à sa naissance va se voir imposer comme modèles de réussité, l'exploitation de sa beauté et plus tard sa vie de famille. C'est un carcan créé par d'innombrables sommations douces d'être belle, agréable et se constituer comme beau parti d'une union future.
Le concours de Miss France à sa place au musée des obscenités aux côtés des zoos humains de Vincennes.
Et ceux qui se pensent être juste d'innocents esthètes n'ont strictement aucune perspective sur l'impact de ces foires sur la vision qu'ont les femmes d'elles mêmes et le potentiel que cela gâche.
Lisez ce passage de Mona Chollet:
Une couturière venue de Haute-Savoie avec sa fille pour les demi-finales des Mini-Miss France 2011 à Paris explique à la reporter de Elle : « Je suis seule avec ma fille, le papa est décédé. Jamais je ne pourrai lui offrir une maison, elle devra se débrouiller, alors je mets toutes les chances de son côté. » Un père, ouvrier en Bourgogne, ajoute : « Savoir se présenter, sourire, vaincre son trac, c’est un plus pour quand elle passera un entretien d’embauche. » En attendant, il faut débourser le prix des robes, du maquillage (quand même utilisé), du trajet, des nuits d’hôtel et du ticket d’entrée que les organisateurs font payer aux parents. En coulisses, les concurrentes « comparent la longueur de leurs cheveux, la hauteur de leurs talons. Beaucoup se trouvent grassouillettes ». Mélissandre, dix ans, confie : « Tous les soirs, dans mon lit, je pense à la beauté. J’aimerais me trouver belle, mais je n’y arrive pas. » Une autre soupire : « Moi, je veux arrêter les Miss, je veux faire du cheval, mais ma mère ne veut pas. »
Si elle n’atteint pas toujours ces extrêmes, l’éducation des fillettes semble s’en tenir au même éternel conformisme. Les parents jurent parfois avoir observé un goût « spontané » pour certains loisirs, en oubliant combien l’acquis peut facilement se travestir en inné, et en négligeant les caractéristiques propres à cet âge : le manque de recul et la recherche éperdue de conformité, synonyme d’intégration et de popularité auprès des petits camarades.
Tout cela exerce une influence directe sur les rêves, les projets, les ambitions des adolescentes. Leurs fantasmes de succès se limitent souvent aux carrières qui feraient d’elles des objets de représentation : chanteuse, actrice, top model. Sara Ziff, ancien mannequin ayant repris des études universitaires et auteure d’un documentaire sur son premier métier, fait le même constat : « Dans les magazines pour adolescentes, les seules femmes qui sont mises en vedette, ce sont les mannequins et les actrices. Forcément, leurs lectrices en déduisent que c’est cela, la réussite pour une femme. » Par ailleurs, cet accent mis sur leur apparence, à un âge où le rapport à leur corps est souvent difficile, les pousse à développer une piètre estime d’elles-mêmes à un moment où elles doivent faire des choix d’orientation déterminants, observe Catherine Monnot. La complexité de l’idéal féminin en circulation, qui implique de réussir sur tous les fronts et qui, pour leurs mères, se traduit par des emplois du temps infernaux, contribue encore à les inhiber. L’idée qu’elles doivent chercher avant tout à plaire les amène à se tourner vers des métiers « qui leur permettront d’entrer en collaboration avec les autres, de leur venir en aide, et non pas de lutter contre eux».
Les statistiques montrent les effets de ces représentations : elles révèlent, sur le marché du travail, une double discrimination. Les femmes restent, dans leur majorité, concentrées dans un petit nombre de domaines : en 2002, sur les trente et une catégories socioprofessionnelles que distingue l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), les six catégories les plus féminisées regroupaient 60 % de l’emploi féminin (contre 52 % en 1983). C’est la discrimination « horizontale ». Et, comme l’explique Margaret Maruani, si certaines professions – médecin, avocat, journaliste – « se sont largement féminisées, sans pour autant se dévaloriser, le sommet de la hiérarchie résiste à ce mouvement : c’est la discrimination “verticale” ».