

Les deux faces de l’extrême droite : normalisation côté pile, radicalisation côté face. Au-delà de l'écran de fumée de la "notabilisation" du RN, un foisonnement de groupuscules identitaires et violents qui veulent "casser de l'Arabe" et la République avec. Même dissous, ils renaissent.
Ce qui se passe en cette fin d’année devrait toutes et tous nous interpeller. Une succession de violences physiques et verbales, qui nous font régresser, revenir 90 ans en arrière. Ecoutez le remarquable podcast de Philippe Colin sur Léon Blum, et vous comprendrez que vivre en République, ça n’est jamais acquis. Que le respect de l’autre, c'est un combat de tous les jours.
Trois Kurdes assassinés en plein Paris, il y a une semaine, par un sexagénaire qui vouait aux étrangers, il l’a dit aux enquêteurs, une « haine pathologique ».
Gravité d'un crime, raciste, qui ne doit pas occulter d’autres dérapages, verbaux. Sur Cnews, et ce n’est plus un scoop, on peut librement tenir des propos racistes sans être interrompu par le présentateur. Qui a dit : « Les Musulmans s’en foutent de la République, ils ne savent même pas ce que le mot veut dire » ? Jean-Claude Dassier, l’ex-directeur de l’information de TF1. La honte. En roue libre, c’était mardi midi. Et il a fallu attendre 48 heures pour que la chaîne s'en désolidarise.
Le lendemain, on apprend que la Grande Mosquée de Paris dépose plainte contre Michel Houellebecq. Dans sa récente "conversation" avec Michel Onfray, l'écrivain prédit l’avènement d’une guerre civile en France, « des actes de résistance » contre une domination islamique, actes qu’il qualifie de « Bataclan à l’envers ».
Et pour vous, ça ne relève plus de la simple liberté d’expression ?
C’est une expression qui vire à l’incitation au grand défoulement. Emmanuel Leclère vous en parlait hier : 38 militants de l’ultradroite ont été interpellés à Paris mi-décembre, jonction de plusieurs factions venues de toute la France pour, je cite, « casser de l’Arabe », en marge du match France - Maroc. Trois jours avant, c’est Eric Zemmour qui plagiait Jean-Marie Le Pen, sur BFM, en regrettant qu’il y ait, je cite, « trop de Noirs » en équipe de France.
Parce qu’il y a un lien, selon vous, entre ces groupes radicaux et des leaders politiques comme Eric Zemmour ou Marine Le Pen ?
Le discours de haine précède toujours le passage à l’acte. Parmi les ultras qui étaient sur les Champs-Elysées, on retrouve les mêmes qui faisaient la claque pour Zemmour pendant sa campagne.
Sans doute avez-vous aussi entendu parler de cette statue de Victor Hugo, souillée à la peinture blanche à Besançon, œuvre du Sénégalais Ousmane Sow. Souillée par qui ? Par un ex-candidat aux dernières municipales et régionales, investi par le RN.
Bien sûr que les sièges parisiens des partis ne peuvent pas contrôler les faits et gestes de tous leurs militants… Mais ils sont responsables du verbe, des mots, qui désinhibent les plus violents et salissent la République.
Pas d’amalgame ? « Nous sommes un rempart contre le racisme ! », se défend l’état-major RN. Mais personne n’a oublié que l’un de leurs députés a crié « Qu’il retourne en Afrique » dans l’hémicycle ! Et malgré tout ça, il faudrait corriger le langage des journalistes, ne plus parler d’extrême droite, simplement de "droite" ou de "mouvement national". Ben voyons !
Avant Noël, et avec un sérieux retard à l'allumage, Marine Le Pen a écrit, à Elisabeth Borne, pour exiger la dissolution des groupuscules extrémistes. On pense au GUD, récemment réactivé après 5 ans de sommeil. Ce GUD, « Groupe Union défense », où des très proches de Marine Le Pen ont fait leur classe et le coup de poing…
En politique, il ne faut jamais avoir la mémoire courte. Sous le vernis de la normalisation, il y aura toujours une histoire, un passé qui ne passe pas.
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