Banalisation du sexisme,violences sexuelles,efforts insuffisants de la part des pouvoirs publics,affirmation d’une sphère masculiniste et antiféministe…Voici les chiffres clés du « Baromètre Sexisme 2023 »,publiés ce lundi par le Haut Conseil à l’Égalité.
Le Haut Conseil à l’Égalité appelle à un plan massif pour lutter contre le sexisme en France.
Source:Ouest-France.
« Le sexisme ne recule pas en France...
...Au contraire, certaines de ses manifestations les plus violentes s’aggravent, et les jeunes générations sont les plus touchées. » C’est le constat inquiétant que vient de publier le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) dans son rapport sur l’état du sexisme en France, ce lundi 23 janvier 2023, déplorant « une situation alarmante ».
« Cinq ans après #MeToo, le rapport dresse le constat d’une société française qui demeure très sexiste dans toutes ses sphères : les femmes restent inégalement traitées par rapport aux hommes, et elles restent victimes d’actes et propos sexistes dans des proportions importantes », déplore le HCE, qui se repose sur les résultats du « Baromètre Sexisme » mené avec l’institut Viavoice, auprès d’un échantillon représentatif de 2 500 personnes âgées de 15 ans et plus. Voici les conclusions de cette enquête en chiffres.
93 % des Français constatent des inégalités de traitement entre les femmes et les hommes:
Une immense majorité des Françaises et Français constatent que les femmes et les hommes ne sont pas traités de façon égalitaire dans au moins une des sphères de la société (travail, espace public, école, famille…). 55 % de la population considèrent qu’il est difficile d’être une femme contre 20 % pour un homme. Un sentiment encore plus largement partagé par les jeunes femmes de 15 à 24 ans, puisqu’il en concerne 4 sur 5.
23 % des femmes affirment avoir vécu un écart de salaire avec un homme:
Le monde professionnel est perçu comme particulièrement sexiste : un Français sur 5 seulement estime que les femmes et les hommes y sont égaux en pratique. Dans le monde du travail, 23 % des femmes affirment par ailleurs avoir vécu un écart de salaire avec un collègue homme à poste égal ou compétences égales et 13 % une discrimination à l’emploi, des taux qui s’élèvent à 34 % et 21 % pour les cadres.
Le HCE pointe aussi « la persistance de voies professionnelles qui s’ouvrent difficilement » et la « surreprésentation des femmes dans les métiers précaires ». 37 % des femmes affirment avoir déjà vécu des discriminations sexistes dans leurs choix d’orientation professionnelle. Par ailleurs, 41 % des femmes âgées de 15 à 24 ans déclarent avoir vécu des situations inégalitaires à l’école ou dans leurs études.
80 % des femmes estiment avoir été victimes de sexisme:
Les femmes sont toujours aussi nombreuses à déclarer avoir déjà personnellement vécu des situations sexistes, note le HCE : « 80 % d’entre elles ont déjà eu l’impression d’avoir été moins bien traitées en raison de leur sexe, un score qui ne s’élève qu’à 37 % pour les hommes. » Dans la rue et les transports, cela concerne 57 % d’entre elles. À la maison, près d’une femme sur deux (49 %) ou encore le monde du travail (46 %).
Les femmes font part de « sexisme ordinaire » : 57 % ont déjà subi des blagues ou remarques sexistes (même 2 femmes sur 3 au sein des catégories socioprofessionnelles supérieures), 41 % font part d’un déséquilibre dans les tâches ménagères, 41 % des sifflements et gestes déplacés de la part d’un homme, 38 % des situations de « mansplaining » (quand un homme explique à une femme quelque chose qu’elle sait déjà), 29 % des remarques sur leur tenue ou physique…
Plus d’un tiers des Françaises ont vécu une situation de non-consentement:
Le baromètre rapporte que plus d’un tiers (37 %) des Françaises interrogées ont déjà vécu une situation de non-consentement. Dans le détail, 33 % des femmes interrogées ont déjà eu « un rapport sexuel après l’insistance de leur partenaire, alors qu’elles n’en avaient pas envie » :
12 % ont déjà eu « un rapport sexuel non protégé devant l’insistance de leur partenaire »(18 % pour les 25-34 ans); 7 % ont déjà eu « un rapport sexuel non consenti sous emprise d’alcool ou de drogue »(12 % pour les 18-24 ans); 4 % ont déjà eu «un rapport sexuel pendant lequel leur partenaire a retiré son préservatif sans demander leur accord»(8 % 18-24 ans); par ailleurs,7 % ont déjà subi «des étreintes, baisers par un collègue ou un homme qu’elles ne connaissaient pas», liste le HCE.
Sur le plan des violences physiques et sexuelles, 14 % déclarent avoir subi une agression sexuelle ou un viol, une proportion qui monte à 22 % pour les femmes de 18 à 24 ans. Par ailleurs, 22 % ont déjà vécu une situation « d’emprise psychologique ou de jalousie excessive imposée par leur conjoint ».
15 % des femmes ont déjà subi des coups par leur partenaire ou ex-partenaire:
15 % ont déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire, une proportion qui monte à 20 % chez les 50-64 ans. Le HCE rappelle qu’une étude nationale du ministère de l’Intérieur fait état d’une hausse de 14 % des « morts violentes au sein du couple » recensées par les services de police et unités de gendarmerie en 2021 par rapport à 2020, les femmes représentant 85 % des victimes de ces homicides conjugaux.
122 femmes sont victimes de féminicide conjugal en 2021 contre 102 en 2020, soit une augmentation de 20 %. En 2022, 104 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon un recensement d’Ouest-France.
23 % des jeunes hommes considèrent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter:
Parmi les hommes de moins de 35 ans, « on observe un ancrage plus important des clichés « masculinistes » et une plus grande affirmation d’une « masculinité hégémonique »», qu’ils semblent percevoir comme une « valorisation de leur genre », relève le HCE, pointant que 23 % d’entre eux estiment qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter (contre 11 % en moyenne).
Le masculinisme, rappelle le HCE, est un mouvement social conservateur ou réactionnaire prétendant que les hommes souffrent d’une crise identitaire parce que les femmes en général, et les féministes en particulier, dominent la société et ses institutions.
14 % des Français n’ont jamais entendu parler de #MeToo:
Selon le baromètre 2023, 83 % de la population interrogée a déjà entendu parler des mouvements #MeToo ou #balancetonporc, soit 2 points de plus que l’an dernier. Mais seulement 68 % des personnes interrogées précisent comprendre de quoi il s’agit, précise le HCE, déplorant que 14 % de la population n’en ait jamais entendu parler.
Moins d’un Français sur deux estime problématique qu’une femme cuisine tous les jours:
Le HCE rapporte que les situations sexistes du quotidien, « banales », « insidieuses », voire « bienveillantes », sont partiellement acceptées par l’ensemble de la population, évoquant une « acculturation du sexisme » dans l’opinion, aussi bien chez les femmes que chez les hommes. Ainsi, seulement 49 % des femmes et 37 % des hommes estiment problématique qu’une femme cuisine tous les jours pour toute la famille.
Les représentations très genrées restent par ailleurs profondément ancrées dans l’opinion. Un tiers de la population (27 % des femmes et 40 % des hommes) déclare qu’il est normal que « les femmes s’arrêtent de travailler pour s’occuper de leurs enfants », de même que la présence d’une mère lors des rendez-vous relatifs aux enfants (médicaux, scolaires, parascolaires…) est « plus importante que celle d’un père pour 21 % des femmes et 26 % des hommes ». Le barbecue est « une affaire d’hommes » pour 23 % de la gent masculine (32 % pour les 25-34 ans).
23 % des hommes considèrent qu’on en fait trop sur les agressions sexuelles:
Les hommes interrogés refusent en grande partie de considérer qu’il existe un problème structurel. Les hommes considèrent souvent que la lutte contre la lutte antisexiste va trop loin et estiment pour 4 hommes sur 10 qu’« on s’acharne sur les hommes » et pour 6 hommes sur 10 que les porte-paroles féministes en font trop, rapporte le HCE. « Beaucoup minimisent les violences sexistes et sexuelles : 23 % des hommes considèrent qu’on en fait trop sur les agressions sexuelles », pointe le baromètre.
Un écart de quasiment 20 points (73 % contre 90 %) sépare les femmes et les hommes qui considèrent comme problématique le fait qu’un homme insiste pour avoir un rapport sexuel avec sa conjointe. Et « certains vont jusqu’à engager la responsabilité des femmes, dans un processus d’inversion » : 16 % des hommes pensent encore qu’une femme agressée sexuellement peut en partie être responsable de sa situation.
Neuf femmes sur dix adoptent des « conduites d’évitement » pour ne pas subir du sexisme:
Elles renoncent à sortir et faire des activités seules (55 %), à s’habiller comme elles le souhaitent (52 %), veillent à ne pas parler trop fort ou hausser le ton (41 %), ou encore censurent leur propos par crainte de la réaction des hommes (40 %)… Neuf femmes interrogées sur dix affirment ainsi « anticiper les actes et les propos sexistes des hommes et adoptent des conduites d’évitement pour ne pas les subir ». En particulier, 8 femmes sur 10 ont peur de rentrer seules chez elles le soir.
Le HCE explique qu’une très importante majorité des femmes intègre des « stratégies de contournement ou d’anticipation des manifestations sexistes », dès le plus jeune âge et tout au long de la vie.
Les femmes ne représentant que 36 % du temps de parole dans les médias:
Selon le baromètre, 36 % de temps de parole est consacré aux femmes malgré 43 % de présence. « Si globalement la place des femmes est plus importante à la radio et la télévision, sauf pour la catégorie des invitées politiques, leur temps de parole est toujours inférieur, et de manière significative, à leur temps de présence sur les plateaux », relève le HCE.
D’ailleurs, seules 32 % des femmes interrogées considèrent les médias comme un espace égalitaire.
10 recommandations pour un plan d’urgence:
Dans son rapport, le HCE pointe par ailleurs le « manque de confiance à l’égard des institutions et des politiques pour prévenir et lutter contre les actes et violences sexistes est profonde », rapportant que dans son baromètre que les pouvoirs publics ne sont pas jugés « à la hauteur des enjeux » sur ces questions, notamment par les instances judiciaires : « 80 % estiment que l’arsenal juridique existant est mal appliqué voire insuffisant. »
Le HCE appelle à « un plan d’urgence massif » en publiant 10 recommandations :
1:......Augmenter les moyens financiers et humains de la justice pour former plus et en plus grand nombre les magistrats au sein des juridictions chargées de traiter les violences intrafamiliales, à l’instar de l’investissement espagnol.
2:.......Instaurer une obligation de résultats pour l’application de la loi sur l’éducation à la sexualité et à la vie affective dans un délai de trois ans, et prévoir une sanction financière en cas de non-respect de cette obligation dans ce délai.
3:...... Réguler les contenus numériques pour lutter contre les stéréotypes, représentations dégradantes, et traitements inégaux ou violents des femmes, en particulier les contenus pornographiques en ligne.
4:......Rendre obligatoires les formations contre le sexisme par les employeurs.
5:......Généraliser l’éga-conditionnalité (qui conditionne l’argent public à une contrepartie en termes d’égalité) et la budgétisation sensible au genre.
6:.....Créer une Haute Autorité indépendante pour lutter contre les violences sexistes en politique.
7:......Conditionner les aides publiques à la presse écrite à des engagements en matière d’égalité.
8:......Rendre obligatoire un système d’évaluation et une publication annuelle sur la part de représentation des femmes dans les manuels scolaires, informant voire conditionnant leur mise sur le marché, sur le modèle belge.
9:......Interdire la publicité pour les jouets genrés sur le modèle espagnol.
10. Institutionnaliser la journée nationale de lutte contre le sexisme le 25 janvier.
https://www.ouest-france.fr/societe/sex ... 4d65f11921
