
La France conserve sa place de première destination européenne pour les investisseurs étrangers.
La France est restée la première destination pour les investisseurs étrangers en 2022, avec 1 259 projets accueillis selon l’enquête annuelle d’EY. L’écart se creuse avec ses deux grands concurrents, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Alors que s’ouvre à l’Elysée ce jeudi 11 mai une longue séquence politique centrée autour de l’attractivité du pays, c’est un résultat qui tombe à pic. La France conserve sa place de première destination européenne pour les investisseurs étrangers en 2022, pour la quatrième année consécutive, selon l’enquête annuelle d’EY qui fait référence sur le sujet. Le pays a attiré 1 259 projets l’an dernier, un record historique. Cela représente une hausse de 3% sur un an, quand le nombre total des investissements étrangers dans toute l’Europe n’a progressé que de 1%.
De quoi conforter Emmanuel Macron, qui a fait de l’attractivité l’un de ses chevaux de bataille. Lundi 15 mai, le sommet Choose France devrait rassembler près de 200 chefs d’Etats étrangers à Versailles (Yvelines), pour une édition qui s’annonce comme un «bon millésime», confirme Laurent Saint-Martin, le directeur général de Business France. Vendredi 12 mai, le président se rend à Dunkerque (Nord) pour confirmer un investissement conséquent du fabricant taïwanais de batteries électriques Prologium, avec potentiellement plusieurs milliers d’emplois à la clef.
La France creuse l’écart avec ses principaux rivaux européens. En 2022, le nombre de nouveaux projets d’implantations menés par des investisseurs étrangers a reculé de 1 % en Allemagne, avec 832 cas répertoriés. Il a reculé de 6 % au Royaume-Uni (929 projets), dont l’étoile continue de pâlir depuis le Brexit. Malgré la guerre en Ukraine et la flambée des prix de l’énergie qui ont assombri les perspectives économiques, « il y a un côté rassurant. Le momentum de l’attractivité de la France ne faiblit pas », se félicite Marc Lhermitte, associé chez EY, qui y voit un effet de rattrapage après les « années noires » de 2010-2015, lorsque l’image de la France était au plus bas auprès des investisseurs étrangers et que le pays pointait seulement à la troisième place européenne pour le nombre de projets accueillis.
Les raisons de cette remontada entamée depuis 2016 ? Pour Marc Lhermitte, « des efforts de fond ont été réalisés sur la compétitivité du site France, avec les réformes du marché du travail, la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche ou la baisse de l’impôt sur les sociétés », qui ont rassuré les investisseurs étrangers. De façon indirecte, la France a aussi bénéficié du Brexit, qui a incité les groupes étrangers à reporter vers le continent leurs projets, en particulier pour les sites de production.
C’est d’ailleurs dans l’industrie que l’attractivité de l’Hexagone s’est le plus renforcée. En 2022, 43 % des projets d’investissement des groupes étrangers se sont concentrés dans le secteur, contre 32 % en 2013. Et avec 547 projets l’an dernier, la France a accueilli plus de deux fois plus d’usines que la Turquie, deuxième destination des industriels en Europe selon EY. Avec des limites toutefois : les deux-tiers de ces nouveaux investissements sont des extensions d’usines existantes. Avec moins de projets au total, l’Allemagne et le Royaume-Uni attirent en très grande majorité des projets de nouvelles usines, avec davantage d’emplois à la clef.
Concurrence accrue sur les grands projets
Pour la France, le pire serait de se reposer sur ses lauriers. Le nombre d’emplois générés par les investissements étrangers au global a reculé de 16 % l’an dernier. Là aussi, les incertitudes de la crise ukrainienne ont pu jouer sur l’ampleur des projets. Pour la première fois, le nombre de sites logistiques, qui sont les plus créateurs d’emplois, est en recul. « De plus en plus de collectivités ne veulent plus d’implantations dans la logistique et ne veulent plus accueillir que des projets dans des secteurs très stratégiques. Les interrogations autour de la consommation de foncier sont légitimes. Mais à se montrer trop sélectif, on risque de se priver de projets alors que la France n’est pas encore au bout de sa transformation », pointe Marc Lhermitte.
D’autant que la concurrence internationale pour capter ces grands projets structurants s’intensifie. L’« inflation reduction act » américain déroule le tapis rouge, et les dollars, pour attirer outre-atlantique les sites de production de technologies vertes. L’Allemagne et les pays d’Europe de l’Est se mobilisent fortement sur les grands projets stratégiques, notamment sur les batteries électriques. Les intentions d’investissement des investisseurs étrangers en France en 2023 restent soutenues, selon le sondage réalisé par EY auprès de dirigeants de groupes internationaux. En revanche, « on observe un tassement des perspectives des dirigeants sur l’attractivité de la France à trois ans », analyse Marc Lhermitte.
Mobilisation pour le foncier
Aux yeux des investisseurs étrangers, la France conserve des atouts. La moitié des chefs d’entreprises interrogés par EY soulignent l’importance de son mix énergétique largement décarboné grâce au nucléaire et la disponibilité de la main d’œuvre. Mais la disponibilité du foncier arrive désormais en tête des faiblesses identifiées par les investisseurs étrangers. Les pouvoirs publics vont devoir maintenir l'effort sur cette question, stratégique notamment pour les grands projets industriels de gigafactory. Un travail de cartographie des grands sites a été engagé.
« Un dossier comme Prologium, qui va s’implanter à Dunkerque, nous ne l'aurions jamais eu il y a quelques années. L’Etat et les collectivités locales ont travaillé main dans la main pour avancer des solutions clefs en main. Tout cela, on ne savait pas le faire avant. Nous nous sommes professionnalisés sur l’ingénierie de projet et notre capacité à attirer vite », souligne Laurent Saint-Martin, le directeur général de Business France. Le projet de loi industrie verte devrait encore aligner des mesures pour réduire les délais d’implantation.
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