Tout va bien il a découvert juste le jour de procès qu'Attali est juif oufff...
Fresque antisémite avec Macron et Attali à Avignon : le graffeur Lekto en procès
L’auteur de la fresque représentant Emmanuel Macron en marionnette de Jacques Attali était jugé ce jeudi 14 septembre. Les débats ont tourné autour de sa personnalité.
Lekto est-il le Monsieur Jourdain de l'antisémitisme ? C'est la question qui était au cœur des six heures d'audience du procès du graffeur au tribunal d'Avignon ce jeudi 14 septembre. Lekto avait réalisé en juin 2022 sur un mur très visible de la cité des papes
une fresque géante représentant Emmanuel Macron en Pinocchio manipulé au-dessus de lui par un Jacques Attali livide et ganté de blanc.
Même si elles reconnaissent « un dossier difficile », plusieurs associations de défense des droits de l'Homme y ont vu de nombreuses références à des caricatures antisémites et l'ont attaqué pour injure et provocation publique à la discrimination en raison de son origine ou sa religion.
Avant l'audience, on ne savait cependant pas grand-chose des intentions de l'auteur. Ses œuvres, publiées sur son fil Instagram, sont adorées des réseaux complotistes et antisystème. Mais cela part dans tous les sens et l'antisémitisme ne semble pas être une obsession récurrente : on retrouve ainsi le Gilet jaune Francis Lalanne dans une œuvre intitulée Lalanix contre l'Empire, Olivier Véran entouré de piqûres de vaccin, Sandrine Rousseau « femme déconstruite » transformée en sardine, Marlène Schiappa vendant des « Show 18+ », Bilal Hassani en Marianne entourée de toiles et d'araignées arc-en-ciel…
Le goût de la provocation est évident, le propos moins.
Des « blagounettes »
Le pseudonyme Lekto viendrait de « l'ectoplasme », explique celui qui dit avoir « choisi le graffiti pour rester dans l'anonymat ». La justice a d'ailleurs eu un peu de mal à remonter jusqu'à lui, puisque les policiers ont mis une quinzaine de jours avant de pouvoir l'identifier. Après lui avoir rappelé qu'il était tout à fait en droit de se taire, le président Lionel Mathieu l'a incité à s'exprimer.
Le trentenaire Lekto, de son vrai nom Léonard Petotte, est arrivé entouré de ses proches, une chemise Lacoste sombre portée par-dessus un tee-shirt gris. Vivant du RSA, il a présenté le graffiti comme une « profession sans salaire », à laquelle il consacre l'essentiel de son temps. Il jure qu'il n'a rien d'antisémite, et ne voit dans les accusations des associations qu'une « instrumentalisation » dont il se retrouve « victime ». Son seul propos aurait été de se moquer d'une déclaration prêtée à Jacques Attali se présentant comme celui qui a « fait » Emmanuel Macron. Rien d'autre : « J'aime à dire que je fais des calembours visuels, des blagounettes. »
Le reste ne serait qu'une succession de coïncidences et Lekto avait réponse à tout.
Jacques Attali est juif ? Il jure qu'il ne le savait pas. « Je l'ai sûrement lu, mais je ne le retiens pas. Chacun pratique la religion qu'il veut, cela ne m'intéresse pas. »
Les gants blancs et la voûte céleste, perçus comme des symboles maçonniques ? « Ce sont les gants de Mickey, à quatre doigts. Pour dire que la politique, c'est du spectacle. »
Les couleurs plus sombres d'un Attali manipulant dans l'ombre sa marionnette. Il n'a fait que « recopier une photo ». L'image en question circulait surtout sur des réseaux complotistes et antisémites ? Il n'en savait rien : « Je me contente de regarder sur Google Images et je ne clique jamais sur les liens. »
Le titre de l'œuvre : La Bête 2, l'événement. C'est un ami qui lui a montré quelques secondes d'une vidéo d'Emmanuel Macron où, dans une métaphore, le président déclare que « la Bête de l'événement est là, elle arrive, qu'il s'agisse du terrorisme, de cette grande pandémie ou d'autres chocs ». Il assure n'avoir aucune idée du contexte dans lequel cette phrase a été prononcée, et encore moins de son détournement massif par la sphère complotiste et antisémite.
Pour lui, « la Bête », c'est Pinocchio Macron se présentant pour un deuxième mandat et « l'événement », rien d'autre que la présidentielle.
Le fait qu'il a utilisé les #LaBêteLeLévènementEstLà et #JacquesADit, qu'Édouard Cahn, avocat de la Licra, décrit comme des « signes de ralliement de très nombreux antisémites sur les réseaux, qui les utilisent pour proférer un flot d'injures sur Attali » ? Il trouve cela ridicule, en rigole même. Et d'ajouter : « Je fais une image. Après j'en suis dépossédé. On lui fait dire tout et n'importe quoi. Elle ne m'appartient plus. »
Et des coïncidences
Même l'aspect provocateur de ses précédentes œuvres relèverait surtout de la coïncidence. Le portrait géant du rappeur Freeze Corleone, régulièrement accusé d'antisémitisme ? Il a juste voulu faire « le portrait de l'artiste du moment » et n'a pas relevé les paroles « Fuck un Rothschild, fuck un Rockefeller. Moi j'arrive déterminé comme Adolf dans les années 1930 ». Sa propre signature, qui ressemble à un trident, comme le mouvement d'extrême droite Troisième Voie dissous en 2013 ? Lui ne voit que l'enchâssement de ses initiales, L et P, et le trident ne lui fait penser à rien d'autre que « l'air marin »… Autant de coïncidences que les avocats de la défense ne manqueront cependant pas de relever, comme le fait qu'il a choisi le conseil Emmanuel Ludot, avocat de Dieudonné. Ce dernier répliquera que c'est lui qui a « accompagné Dieudonné vers sa demande de pardon » à la communauté juive.
Pour l'historien de l'antisémitisme Emmanuel Debono, entendu comme partie civile, « ce type de symboles a un nom : les dog whistles », les sifflets à ultrasons entendus seulement par les chiens. « L'antisémitisme a toujours eu besoin d'avoir appel à des formes codées. Le codage sert à forger un langage commun, compris des seuls initiés, qui conforte l'appartenance à un groupe. C'est : « Nous qui savons contre les crédules, les moutons, la propagande d'État… »
« Trop de coïncidences, ce n'est pas une coïncidence », conclut Cyril Bonan. « Il découvre lors de son audition que Jacques Attali est juif. On pense à Louis de Funès s'exclamant : “Salomon, vous êtes juif ?” C'est risible, ce n'est pas crédible » estime l'avocat, pour qui « on ne parle pas d'un idiot du village qui met les pieds dans des polémiques qu'il n'a pas souhaitées. Il a une conscience politique extrêmement aiguisée ».
Son confrère de SOS Racisme Paul-Roger Gontard ajoute : « Pour paraphraser Fleming dans 007 : une fois, c'est un hasard, deux, c'est une coïncidence, trois, c'est une opération. »
Relevant que la publication de l'œuvre avait reçu « 1,875 million de likes » et citant quelques-uns des nombreux commentaires, l'avocat estime que « la provocation à la haine est effective, des gens s'en sont emparés pour être haineux à l'égard d'Attali. » Interrogeant les motivations de l'auteur, il lance au tribunal : « M. Petotte est-il Monsieur Jourdain, qui a tenu un propos antisémite sans le vouloir ? »
Le procureur Stanislas Vallat a fait la même analyse, lançant à Lekto : «
Vous ne dupez personne, même pas vous-même. » Considérant le casier judiciaire vierge du prévenu, il a requis une peine d'amende de 6 000 euros, dont 2 000 avec sursis. Le jugement a été mis en délibéré au 23 novembre.
https://www.lepoint.fr/societe/fresque- ... 504_23.php
Vivement le 23 novembre.