SOURCE : https://www.lefigaro.fr/actualite-franc ... r-20231108Voleurs, agresseurs, escrocs... Ces inquiétants profils de délinquants étrangers que la France ne peut pas expulser
EXCLUSIF - Les préfets de département ont fait remonter à Beauvau les cas emblématiques de leur impuissance à éloigner les individus les plus dangereux. Un tableau édifiant.
M. X, né en 1962, «de nationalité algérienne» a 35 condamnations à son actif. Il a écopé de sa première peine de 8 mois de prison en 1984 et détient l'un des plus beaux pedigrees de la voyoucratie de l'Isère. Une «carrière» quasiment ininterrompue qui, d'année en année, le mène de vols en falsifications de chèques, filouteries, refus d'obtempérer, agressions, outrages, conduite sans permis, rébellion, violences avec arme et pour finir – le pompon – une condamnation en 2017 pour «menace de crimes et délits contre les personnes ou les biens à l'encontre d'un magistrat». Seulement voilà : M. X est inexpulsable, car arrivé en France avant l'âge de 13 ans et y résidant depuis plus de 20 ans.
Né en 1974, un Marocain de Fez, cumule, lui, déjà 17 condamnations pour onze infractions, allant de la menace de mort à la détention de stupéfiants. Admis en psychiatrie en 2021, ce délinquant du Loir-et-Cher sort et dérobe en mai 2022 une fourgonnette. «Pris en chasse par la gendarmerie et suivi par un hélicoptère, il commet deux refus d'obtempérer puis emprunte l'autoroute, percute un véhicule, enfonce la barrière du péage de Saint-Arnoult et perd le contrôle du véhicule». La suite ? Interpellé et placé de nouveau en psychiatrie, «il s'évade courant juin». Ce célibataire est inexpulsable : «entré en France en 1976», à l'âge de deux ans, et «père d'un enfant français aujourd'hui majeur».
Voleurs, violeurs, agresseurs, receleurs, kidnappeurs, tortionnaires, trafiquants, fraudeurs, braqueurs, escrocs… mais étrangers inexpulsables parce que protégés par la loi. Ces indésirables sont les bêtes noires du ministère de l'Intérieur. Le Figaro a eu accès aux «remontées des préfets» à Gérald Darmanin. Un tableau sidérant de près de 450 cas concrets illustrant l'impuissance de l'État face à certains individus, dès lors qu'ils sont bien installés dans le pays d'accueil. L'essentiel des protections dont ils bénéficient aujourd'hui a été inventé sous Gaston Defferre en 1981. Nicolas Sarkozy en a rajouté en 2003, en restreignant encore le principe de la double peine pour certaines catégories.
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Dans la perspective de son projet de loi, actuellement débattu devant la Haute Assemblée, le ministre avait, dès août 2022, sollicité ses préfets de départements, y compris dans les DOM, pour qu'ils lui adressent chacun deux séries de «trois exemples nominatifs et emblématiques de mesures d'éloignement qui n'ont pu être prises en raison des protections contre l'éloignement» relevant de l'article L. 611-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA). En clair : un article qui dispose que l'étranger délinquant est inexpulsable s'il peut justifier «résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l'âge de 13 ans», ou s'il y vit «régulièrement depuis plus de 20 ans», ou bien s'il y «réside régulièrement depuis plus de dix ans» et qu'il est «marié depuis au moins quatre ans» à un ou une Française ou un Français, ou même à un étranger ou une étrangère, arrivés comme lui avant l'âge de 13 ans.
Idem s'il réside régulièrement en France depuis plus de dix ans et qu'il est «père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France» et dont il subvient aux besoins. Il est également protégé si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, dans le pays de renvoi qui le concerne, il ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Même si ledit traitement existe dans son pays.
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En dehors des terroristes et des prêcheurs de haine, il y aurait donc en France pas moins de quatre mille délinquants que la loi empêche d'expulser, selon Gérald Darmanin. Et parmi eux, les plus «emblématiques» représentent 447 profils «remontés» par les préfets à leur ministre, certains départements en ayant signalé plus de six cas, d'autres un peu moins. Ils sont majoritairement nés en Algérie, au Maroc, en Tunisie, mais aussi en Turquie, au Mali, au Congo, en Côte d'Ivoire, au Cameroun, au Sénégal, en Moldavie, en Géorgie, au Kosovo, à Haïti, au Suriname, en Dominique, au Brésil ou aux Comores.
Certains sont même inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), c'est-à-dire «suspectés de». Ce qui ne saurait suffire à les faire basculer dans le volant des expulsables pour raison d'État, puisqu'ils ne sont pas condamnés pour ces faits. C’est le cas de Mohammed Mogouchkov, le tueur au couteau de Dominique Bernard à Arras, né en Russie mais arrivé dans l’Hexagone à l’âge de 5 ans.
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En résumé, on constate une fois encore que la loi, inspirée de la philosophie des droits de l'homme, protège les clandestins, les délinquants, et condamne nos préfets à l'impuissance.
Mais une loi, ça se change, ça doit pouvoir se changer. Darmanin fait mine de vouloir changer tout ça, mais aura-t-il le courage d'aller au bout de sa démarche ?