Et la France dans ce massacre?
Président de la République: François Mitterrand.
En 1994, c'est la 2ème année du gouvernement Balladur de la seconde cohabitation (29 mars 1993 au 11 mai 1995).
Alain Juppé était ministre des Affaires Etrangères, François Léotard Ministre de la Défense
En 1994, près d’un million de personnes sont mortes en l’espace de seulement trois mois au Rwanda.
Pour Emmanuel Macron, la France «aurait pu arrêter le génocide» «avec ses alliés occidentaux et africains», mais «n’en a pas eu la volonté», a rapporté ce jeudi 4 avril l’Elysée, en amont du 30e anniversaire du début des massacres. Un pas supplémentaire.
Le président, qui avait déjà reconnu en 2021 les «responsabilités» de la France dans le génocide, s’exprimera dimanche «par une vidéo qui sera publiée sur ses réseaux sociaux», a déclaré son entourage. Il «rappellera notamment que, quand la phase d’extermination totale contre les Tutsis a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d’agir, par sa connaissance des génocides que nous avaient révélée les survivants des Arméniens et de la Shoah, et que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté», a ajouté la présidence.
https://www.liberation.fr/international ... GRQXH3YII/Les réactions n’ont pas tardé. Il «va encore plus loin que le rapport Duclert (rendu en 2021 par une commission d’historiens, il soulignait la responsabilité de la France, ndlr) et que la déclaration qu’il a faite à Kigali», s’est réjoui Marcel Kabanda, président de Ibuka France, principale organisation de mémoire, justice et soutien aux rescapés du génocide des Tutsis. «Je me félicite qu’il donne de la France cette image positive d’un pays qui reconnaît ses torts et qui grandit en reconnaissant son histoire», a-t-il dit à l’AFP.
«C’est un pas en avant, incontestablement», a aussi réagi l’historien Vincent Duclert, qui y voit «une reconnaissance extrêmement forte» de «toutes les fautes» que «la France a commises à partir du début des années 90 au Rwanda». «On sentait que la France était peut-être un peu en retrait sur cette 30e commémoration, et là le président, la France revient vraiment au premier plan», a-t-il ajouté sur France Inter. Très impliquée dans ce dossier, l’association Survie a de son côté demandé que la France aille encore plus loin en «reconnaissant officiellement» une «complicité de génocide».
Le 27 mai 2021, c’était depuis Kigali, la capitale du Rwanda, que le président de la République avait reconnu les «responsabilités» de la France dans le génocide après la remise du rapport Duclert. «Alors que des responsables français avaient eu la lucidité et le courage de le qualifier de génocide, la France n’a pas su en tirer les conséquences appropriées», avait-il affirmé, ajoutant : «Nous avons, tous, abandonné des centaines de milliers de victimes à cet infernal huis clos.» Il avait précisé que Paris n’avait «pas été complice» des génocidaires hutus, et n’avait pas présenté d’excuses, tout en disant espérer le pardon des rescapés.
Invité par le président rwandais Paul Kagame aux commémorations du 30e anniversaire du génocide dimanche, Emmanuel Macron ne s’y rendra pas. Il sera représenté par son ministre des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, et le secrétaire d’Etat chargé de la Mer, Hervé Berville, né au Rwanda.
Pour mémoire, extrait du rapport DUCLERT:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Commissio ... _au_RwandaRapport final
Le rapport final est remis le 26 mars 202120. Ses conclusions démontrent « un naufrage politique, militaire, diplomatique, administratif, intellectuel et éthique » face au génocide des Tutsi et des Hutus modérés en 199421. Si la commission refuse de parler de complicité de génocide, elle conclut cependant à la lourde responsabilité du pouvoir21:
« La France est-elle pour autant complice du génocide des Tutsi ? Si l’on entend par là une volonté de s’associer à l’entreprise génocidaire, rien dans les archives consultées ne vient le démontrer. La France s’est néanmoins longtemps investie au côté d’un régime qui encourageait des massacres racistes. Elle est demeurée aveugle face à la préparation d’un génocide par les éléments les plus radicaux de ce régime. Elle a adopté un schéma binaire opposant d’une part l’ami hutu, incarné par le président Habyarimana, et de l’autre l’ennemi qualifié d’«ougando-tutsi» pour désigner le FPR. Au moment du génocide, elle a tardé à rompre avec le gouvernement intérimaire qui le réalisait et a continué à placer la menace du FPR au sommet de ses préoccupations. Elle a réagi tardivement avec l’opération Turquoise, qui a permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda, exterminés dès les premières semaines du génocide. La recherche établit donc un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes. »
Pour la commission, le pouvoir français n'avait pas la volonté d'aider à commettre le génocide des Tutsi mais au titre de ses motivations, il souhaitait maintenir un soutien politique et militaire au régime rwandais jugé légitime par Paris. A contrario, l’« ennemi » tutsi est qualifié de « menace étrangère » semblant mener une guérilla pilotée depuis l’Ouganda anglophone21. Les conclusions du rapport soulignent la responsabilité accablante de la France et de François Mitterrand, alors président22.
Sur les causes de ce désastre, le rapport pointe l'« aveuglement idéologique de François Mitterrand et de ses conseillers, imposé au reste de l’appareil d’Etat. Un révélateur des stéréotypes coloniaux et d’une lecture purement ethnique qui ont irrigué la politique africaine de la France »21. Le chef de l'État persiste à voir le Rwanda comme un rempart de l’influence française à préserver de l’agression « ougando-tutsi » que représenterait le FPR21.
Or l’Élysée ignore délibérément tout ce qui ne s’inscrit pas dans cette logique, à commencer par les rapports de la DGSE, qui alerte sur le génocide en préparation et disculpe dès le 2 mai 1994 le FPR de l’attentat contre l’avion de Juvénal Habyarimana, ainsi que les voix discordantes d’une « minorité d’hommes libres », qui seront marginalisés ou ecartés, comme le général Jean Varret, chef de la Mission militaire de coopération23, le colonel René Galinié, attaché militaire à Kigali, ou Antoine Anfré, au Quai d’Orsay21.
Au-delà, le rapport met en évidence le fonctionnement opaque de l’Élysée, où le président et son État-major particulier marginalisent « de fait les institutions légalement en charge du commandement opérationnel, l’état-major des armées et la mission de coopération militaire ». Pierre Joxe, dès 1993, alertait pourtant déjà François Mitterrand sur la nécessité de mettre un terme à « des pratiques d’opacité, de communication orale, et des phénomènes de déresponsabilisation tant politique qu’administrative », en vain21.
Et voilà l'un des évènements majeurs, et des plus dramatiques, qui explique pourquoi l'Afrique s'est détournée lentement mais sûrement de la France?