Radio Tanguy ment !...
Le gros bobard de Jean-Philippe Tanguy sur le GUD, «ennemi historique du Rassemblement national»
Le député RN de la Somme a prétendu à plusieurs reprises que son parti avait coupé les ponts depuis longtemps avec le groupuscule néofasciste. Surprise :
c’est faux.
Le numéro 2 du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée est un habitué des mensonges lancés à l’antenne avec aplomb. Mi-octobre, Jean-Philippe Tanguy, député de la Somme, affirmait par exemple sur la matinale de France Info que Marine Le Pen avait «rompu» avec Frédéric Chatillon et Axel Loustau, deux vieux amis de la patronne du RN, anciennes figures du Groupe union défense (GUD), un groupuscule d’extrême droite violent, fascisant et antisémite qu’ils continuent de parrainer aujourd’hui. C’est faux. Le Pen a bien menacé Chatillon de rompre s’il participait à une manifestation néofasciste prévue en mai prochain. Mais elle n’a en rien coupé les ponts et la société de communication dont son ami est actionnaire, e-Politic, reste le principal prestataire du RN pour les élections européennes, comme l’assumait avant l’été le directeur de campagne Alexandre Loubet.
Dimanche 22 octobre, sur LCI, Tanguy a récidivé. Soutenant carrément que «le GUD est un ennemi historique du Rassemblement, et même du Front national». Interrogé par Libé, le député développe : «Marine nous l’a dit et je suis allé vérifier : la scission avec le GUD se fait au tout début [de l’existence du FN, ndlr] et ils ne se sont jamais réconciliés, même du temps de Jean-Marie Le Pen. Le GUD a quitté le FN, puis l’a contesté sur la violence, entre autres.»
Faux et archifaux.
Une opposition mais pas de sécession
Retour en 1972, année de création du FN. La flamme tricolore du parti ? C’est Bernard Houdin, adhérent du GUD, dont il deviendra secrétaire général en 1973, qui contribue à la faire adopter. Dans Le Pen, une histoire française (Robert Laffont, 2012), Philippe Cohen et Pierre Péan racontent comment ce militant fondateur du FN cultivait des contacts de premier plan au sein du Mouvement social italien (MSI), dont l’emblème est la flamme tricolore (vert-blanc-rouge), reprise et adaptée par le FN. Le MSI financera aussi abondamment les débuts du FN, Houdin rapportant d’Italie les premières affiches du parti frère français, alors sans le sou… On a connu ennemi plus acharné.
Rapidement, la première scission du FN et la création du Parti des forces nouvelles (PFN), dont les gudards sont proches, place effectivement ces derniers en opposition à Jean-Marie Le Pen. Pourtant, plusieurs figures du GUD de ces années se retrouveront plus tard dans l’entourage de Marine Le Pen quelques années plus tard. Jean-Pierre Emié, dit «Johnny le boxeur», alors chef du service d’ordre d’Assas, et Philippe Péninque, l’un des chefs du mouvement dans la même faculté, tous deux avocats, défendront avec elle les militants (du GUD, pour la plupart) prévenus pour avoir envahi les locaux de Fun Radio, en 1994.
A l’époque, les gudards se mêlent aux jeunes frontistes lors du traditionnel défilé du 1er Mai, scandant moult slogans «antisionistes». Ils participent encore avec Samuel Maréchal, chef du FNJ et beau-frère de Marine Le Pen, à la création du Comité du 9 mai, en hommage à un militant nationaliste décédé en marge d’une manifestation. Quant aux chefs du syndicat de l’époque, ils s’appellent Frédéric Chatillon et Axel Loustau et sont alors des amis proches de la jeune héritière.
Des rouages essentiels de l’arrière-cuisine lepéniste
L’ascension de Marine Le Pen ne se fera d’ailleurs pas sans l’aide de cadres formés au sein du groupuscule. Avec Alain Soral, polémiste antisémite membre du FN dans les années 2000, Philippe Péninque fonde l’association Egalité & Réconciliation, d’abord conçue comme un relais de la parole frontiste en banlieue. Après la présidentielle de 2007, et les résultats catastrophiques des législatives qui suivent, Péninque prend en charge le dossier financier du FN. Et continue de prodiguer des conseils à la nouvelle patronne jusque pendant la campagne de 2017. Plus connus, Frédéric Chatillon et Axel Loustau, figures du GUD dont ils continuent de parrainer la renaissance dans les années 2010, sont pendant la période 2010-2017 des rouages essentiels de l’arrière-cuisine lepéniste via leurs sociétés prestataires, Riwal, puis e-Politic, à partir de 2014. Loustau se voit même nommé trésorier du microparti personnel de la patronne, puis obtient une position éligible en Ile-de-France aux régionales de 2015. Quant à Chatillon, il sera présent dans l’équipe de campagne de 2017.
Il est vrai qu’à l’époque, Jean-Philippe Tanguy, encore bras droit zélé de Nicolas Dupont-Aignan, était chargé de cogner contre le FN de Marine Le Pen. «Si le FN était tel que [son numéro 2 de l’époque] Florian Philippot le disait, on ne serait pas fous, on s’allierait. Mais là c’est inenvisageable. Le parti n’est pas du tout tel qu’il le décrit», déclarait-il à l’Obs. Pensait-il alors à l’influence occulte des anciens gudards sur le mouvement ?
Si la mémoire fait défaut au député de la Somme, il lui est toujours possible de s’informer sur les liens actuels entre le patron du principal prestataire du RN, e-Politic, Paul-Alexandre Martin, et Frédéric Chatillon. L’un et l’autre étaient présents ce week-end à l’anniversaire d’une des filles de ce dernier. Sur des images que Libé a pu consulter, on peut voir Paul-Alexandre Martin en compagnie du «grand Fred» et d’un certain Eyquem Pons, plus connu sous le pseudonyme Etienne Cormier. Ancien cadre de Génération identitaire Lyon, présent lors de la manifestation du GUD à Paris en mai, l’homme est également un habitué des conférences du RNJ, qui ont lieu le mercredi soir, au siège du parti. Il n’y va plus depuis que Libé en parlé.
Ces liens personnels RN-GUD ne sont pas singuliers dans la grande famille de l’extrême droite, comme en témoigne l’amitié assumée de Jean-Lin Lacapelle, eurodéputé proche de Jordan Bardella, avec Chatillon et Loustau. Membre comme Tanguy du Bureau national du RN, Lacapelle pourrait en informer l’ancien militant de Debout la France, qui s’éviterait ainsi quelques boniments peu subtils.
https://www.liberation.fr/politique/ele ... 74PSPEDJ4/