Des salaires énormes
Un enrichissement qui s’est fait à la demande du trésorier du Front national, Wallerand de Saint-Just et sous l’impulsion et le pilotage de Marine Le Pen, décisionnaire, et gestionnaire du système mis en place. Beaucoup d’éléments du dossier le confirment : dans cette recherche permanente de transferts de charges, les enveloppes dédiées aux frais d’assistances allouées aux eurodéputés, d’un montant de 15 000 à 23 000 euros mensuels, selon la mandature concernée, apparaissent à chaque fois comme une aubaine pour le FN. En 2014, quand le parti fait entrer vingt-trois élus à Bruxelles, le système passe d’ailleurs en mode industriel et devient de plus en plus structuré pour utiliser au mieux la manne financière abondante.
On ne peut que constater, alors, que cet enrichissement partisan s’est doublé d’un «intérêt personnel direct des principaux responsables, ainsi que d’un enrichissement personnel» de leurs proches, rappelle le parquet. Qui a suivi de près les débats – toujours en cours – à la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris, a saisi à quel point les emplois et les salaires n’étaient pas fixés au hasard, et comment ces contrats fictifs sont venus financer le maintien du train de vie confortable des dirigeants du parti, avec des salaires parfois énormes réservés aux proches et fidèles du clan Le Pen. Ils se sont, sans aucun doute possible, enrichis. Grâce à des émoluments que le parti n’aurait jamais pu leur payer.
C’est le cas de Louis Aliot, qui devient en 2011 l’assistant parlementaire local de Marine Le Pen, par ailleurs sa compagne, jusqu’en 2014, pour un mi-temps rémunéré 5 000 euros par mois. Un contrat non concerné par le dossier… Il s’agit, encore, de Thierry Légier, garde du corps de Marine Le Pen, après avoir été celui de Jean-Marie Le Pen, rémunéré par moments entre 6 000 et 9 000 euros brut mensuels. C’est-à-dire plus qu’un eurodéputé. A la fin de l’un de ses contrats, en 2009, il va par ailleurs toucher une indemnité de licenciement de 25 000 euros, demandée par le tiers payant du Front national au Parlement européen. Pourtant, Légier retrouve un poste similaire à l’ouverture de la mandature suivante. Mais avec un autre employeur…
«Sécuriser une garde rapprochée»
On pourrait citer l’exemple de Catherine Griset, cheffe de cabinet de Marine Le Pen, qui bénéficie pendant plusieurs années d’un contrat d’assistante accréditée à Bruxelles, avec les avantages fiscaux et salariaux qui vont avec ce statut d’expatriée. Sans jamais mettre plus d’un orteil au Parlement européen. Il y a aussi l’exemple de Wallerand de Saint-Just, pour lequel a été envisagée un temps l’idée de le faire quitter son poste de trésorier du FN pour un poste d’assistant parlementaire, rémunéré 6000 euros par mois. Idée abandonnée parce que c’était «trop gros»…
On pourrait évoquer, encore, ces «primes de Noël», déguisées en CDD d’un jour, signés en fin d’année pour «apurer» les comptes, selon les mots des dirigeants du Front national de l’époque, c’est-à-dire vider les enveloppes et n’en laisser aucune miette. Yann Le Pen, par exemple, la sœur de Marine Le Pen, touchera une année à la demande de cette dernière près de 1 500 euros de «prime» factice. Là encore prise sur une enveloppe dédiée à l’assistance parlementaire, «en violation flagrante de toutes les règles les plus élémentaires de transparence de la vie publique», estime le parquet. En 2011, le tiers payant annonce que Marine Le Pen veut engager un expert à 9 000 euros net, l’expert en question n’étant autre que l’énarque Florian Philippot, futur numéro 2 du parti. Cela ne peut se faire qu’en soulageant l’enveloppe de la dirigeante du FN, par un jeu de chaises musicales, qui déplace ses «assistants» sur d’autres parlementaires…
Pour le parquet, «ces détournements ont contribué à sécuriser une garde rapprochée fidèle et rémunérée pour ce faire, au service des ambitions du parti mais également dans leur intérêt, pour leur confort personnel et familial, et au service de leurs ambitions politiques personnelles, pour maintenir, et faire grandir, leur propre influence au sein du parti et comme figure de proue du parti, et pour porter – aux frais du contribuable – leur carrière politique personnelle». Aux avocats de la défense, à partir de ce lundi, de trouver la réplique à cet impitoyable réquisitoire.