L’audience de la séquence surmédiatisée de TPMP du 11 novembre 2022 se déroulait mardi 17 décembre devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. Elle s’est surtout concentrée sur une question : les insultes d’Hanouna visaient-elles ou non le LFI Louis Boyard en sa qualité d’élu ?
Et puis à un moment, le président de séance interroge Louis Boyard les yeux dans les yeux : «Quand il vous traite de bouffon ou d’abruti, qu’est-ce qu’il vise de vous ? Est-ce que c’est la même chose de dire d’une personne que c’est un abruti ou que c’est une merde ?» Le langage fleuri de Cyril Hanouna était au centre des débats mardi 17 décembre devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris. L’élu insoumis poursuivait l’animateur en justice pour injures publiques sur une personne chargée d’une mission de service public. En l’occurrence, un député.
Pour rappel, la séquence surmédiatisée s’était déroulée le 11 novembre 2022 sur le plateau de Touche pas à mon poste (TPMP) sur C8. Invité pour parler de l’accueil du navire Ocean Viking et des 230 migrants à son bord, Louis Boyard, élu député depuis cinq mois, avait lié le sort de ces migrants aux activités africaines de Vincent Bolloré, le patron de la chaîne. Selon lui, le milliardaire ferait partie des fortunes françaises «qui appauvrissent l’Afrique», citant notamment le cas de 150 Camerounais ayant attaqué en justice le groupe Bolloré pour protester contre les dégâts causés par une de ses plantations de palmiers à huile. De quoi provoquer une réponse immédiate d’Hanouna : «Tu sais que t’es dans le groupe Bolloré ici ? Qu’est-ce que tu viens foutre ici alors ?» L’animateur monte ensuite dans les tours jusqu’à agonir d’injures Boyard, qui fut éphémère chroniqueur quelques mois auparavant : «T’es qu’une merde», «espèce d’abruti», «tocard»… La séquence avait en tout cas déjà valu à C8 une amende record de l’Arcom de 3,5 millions d’euros en février 2023. Et certainement pesé dans le choix du régulateur de ne pas renouveler la fréquence de la chaîne.
Exégèse du phrasé «hanounesque»
Sur place, au tribunal, Louis Boyard était présent, costume bleu marine, le cheveu fraîchement coupé. Une présence teasée quelques jours plus tôt sur X, quand il invitait courtoisement Cyril Hanouna à se présenter lui aussi à ce procès. «Moi je travaille», lui avait répondu l’animateur lundi soir dans TPMP. Ce mardi, il se trouvait en effet à la même heure à l’antenne sur Europe 1. Mais son absence fut une aubaine pour sa défense : la cour s’est alors échinée à faire l’exégèse du verbe hanounesque, sans les réponses qu’il aurait pu apporter. En question, principalement : l’animateur visait-il l’homme ou le député en le qualifiant de «tocard» ou d’«abruti» ? Tout le sujet des débats était là. «Comment, dans ce pays, accepte-t-on qu’un député de la Nation puisse être injurié, humilié par un animateur télé ?» a résumé de son côté l’avocate de Louis Boyard, Jade Dousselin.
Avant cela, la séquence infernale en question avait été diffusée, découpée en quatre morceaux pour bien contextualiser les dynamiques qui se jouent alors sur le plateau. «Les propos injurieux sont concentrés en une minute quarante, a ainsi noté le président du tribunal. Vous aurez peut-être du mal à [le] déceler parce que le débit est très rapide.» Les insultes d’Hanouna au milieu du brouhaha de TPMP retentissent dans la salle d’audience. Puis, à la barre, Louis Boyard avait fait le choix de se présenter en éternel militant politique, depuis ses 17 ans. «Quand j’intervenais sur différents plateaux de télévision, ça a toujours été en ma qualité de militant politique», s’est ainsi défendu l’insoumis. Quand il reçoit une invitation à TPMP en novembre 2022, c’est aussi dans ce cadre, argue-t-il. «C’était mon rôle comme député d’aller sur ce plateau de télévision pour aller porter un message politique, explique-t-il. La question aujourd’hui, c’est alors : est-ce qu’un élu de la nation peut critiquer un magnat de la presse sur une chaîne dont il est propriétaire ?» a-t-il essayé de recadrer.
«Volonté de mépriser, d’humilier»
Mais les échanges avec le président buteront sur cette question de la qualification des injures d’Hanouna. «Quand il vous traite de bouffon ou d’abruti, qu’est-ce qu’il vise de vous ?» «J’y vois une volonté de mépriser, d’humilier», répond Louis Boyard, sans trop comprendre où le président veut en venir. Plus tard, dans son réquisitoire, la procureure s’interroge, elle aussi, sur la cible des injures, et si elles visent l’homme ou le député. Car en droit de la presse, où l’interprétation est plus stricte qu’en droit commun, les propos injurieux doivent contenir une critique de l’acte de la fonction. S’il ne fait aucun doute que la qualité de député de Boyard est mentionnée tout au long de son intervention dans TPMP ce soir-là, la procureure estime aussi qu’Hanouna évoque plutôt le passé de chroniqueur de l’insoumis que son action politique au moment où il l’injurie. «Il n’y a pas de réponse binaire à cette question», a-t-elle laissé entendre à la fin, laissant au juge le soin de trancher.
En face, les avocats du camp Hanouna ont dépeint Louis Boyard en habitué des coups d’éclat médiatiques, dès sa première participation à une émission de C8, Balance ton post, en 2018, quand, soutien des gilets jaunes, il avait quitté le plateau avec fracas. Le conseil de Cyril Hanouna, Stéphane Hasbanian, est aussi revenu sur les relations qu’entretenaient l’animateur et le député : si ce dernier a nié avoir toute proximité amicale avec Hanouna («Il ne connaît pas ma famille, pas mes amis, pas mes amours. Et je ne connais pas les siens»), l’avocat a ressorti un SMS envoyé le soir de son élection en juin 2022 : «Coucou Cyril, je suis député et ça, c’est darka. On va envoyer du lourd !»
«Elu ou pas élu, je m’en bats les couilles»
Puis Stéphane Hasbanian a retracé l’historique coloré des jurisprudences concernant les injures publiques contre des élus, de Marcel Campion condamné pour avoir traité Anne Hidalgo de «salope» (les propos intervenaient à cause d’un différend sur l’action de la maire de Paris) à Nadine Morano, déboutée après avoir été qualifiée de «conne» par Guy Bedos (qui n’avait pas fait référence à l’action publique de l’alors eurodéputée). Pour les avocats d’Hanouna, les qualificatifs de «tocard», de «merde» ou d’«abruti» relèvent alors plutôt du deuxième cas. L’avocat de Franck Appietto, le directeur général de C8, estime même avoir relevé l’argument massue, citant les propos d’Hanouna durant la séquence : «Elu ou pas élu, je m’en bats les couilles.» «Vous voyez bien qu’il a éludé sa qualité de député !»
Le jugement dans cette affaire sera, lui, rendu le 20 février 2025. En plus de la potentielle amende, les avocats de Louis Boyard ont demandé 10 000 euros de dommages et intérêts, que l’insoumis prévoit de donner aux 150 plaignants camerounais mentionnés dans son intervention à TPMP, ceux qui accusent Bolloré de non-respect des droits humains et environnementaux dans ses plantations d’huile de palme. «On va rendre un peu de l’argent de Bolloré à ces Camerounais», a ainsi déclaré Boyard. Mais le député s’en est surtout pris à Cyril Hanouna en sortant du tribunal, soulignant sa «lâcheté» : «C’est une personne qui parle beaucoup sur les plateaux de télévision mais n’a pas eu le courage de se rendre à son propre procès.» «Je suis confiant sur le fait que nous allons gagner, a-t-il ajouté. Et ce n’est pas seulement Cyril Hanouna que nous allons faire condamner, mais tout le système Bolloré.»
Exégèse du phrasé «hanounesque»
Sur place, au tribunal, Louis Boyard était présent, costume bleu marine, le cheveu fraîchement coupé. Une présence teasée quelques jours plus tôt sur X, quand il invitait courtoisement Cyril Hanouna à se présenter lui aussi à ce procès. «Moi je travaille», lui avait répondu l’animateur lundi soir dans TPMP. Ce mardi, il se trouvait en effet à la même heure à l’antenne sur Europe 1. Mais son absence fut une aubaine pour sa défense : la cour s’est alors échinée à faire l’exégèse du verbe hanounesque, sans les réponses qu’il aurait pu apporter. En question, principalement : l’animateur visait-il l’homme ou le député en le qualifiant de «tocard» ou d’«abruti» ? Tout le sujet des débats était là. «Comment, dans ce pays, accepte-t-on qu’un député de la Nation puisse être injurié, humilié par un animateur télé ?» a résumé de son côté l’avocate de Louis Boyard, Jade Dousselin.
Avant cela, la séquence infernale en question avait été diffusée, découpée en quatre morceaux pour bien contextualiser les dynamiques qui se jouent alors sur le plateau. «Les propos injurieux sont concentrés en une minute quarante, a ainsi noté le président du tribunal. Vous aurez peut-être du mal à [le] déceler parce que le débit est très rapide.» Les insultes d’Hanouna au milieu du brouhaha de TPMP retentissent dans la salle d’audience. Puis, à la barre, Louis Boyard avait fait le choix de se présenter en éternel militant politique, depuis ses 17 ans. «Quand j’intervenais sur différents plateaux de télévision, ça a toujours été en ma qualité de militant politique», s’est ainsi défendu l’insoumis. Quand il reçoit une invitation à TPMP en novembre 2022, c’est aussi dans ce cadre, argue-t-il. «C’était mon rôle comme député d’aller sur ce plateau de télévision pour aller porter un message politique, explique-t-il. La question aujourd’hui, c’est alors : est-ce qu’un élu de la nation peut critiquer un magnat de la presse sur une chaîne dont il est propriétaire ?» a-t-il essayé de recadrer.
«Volonté de mépriser, d’humilier»
Mais les échanges avec le président buteront sur cette question de la qualification des injures d’Hanouna. «Quand il vous traite de bouffon ou d’abruti, qu’est-ce qu’il vise de vous ?» «J’y vois une volonté de mépriser, d’humilier», répond Louis Boyard, sans trop comprendre où le président veut en venir. Plus tard, dans son réquisitoire, la procureure s’interroge, elle aussi, sur la cible des injures, et si elles visent l’homme ou le député. Car en droit de la presse, où l’interprétation est plus stricte qu’en droit commun, les propos injurieux doivent contenir une critique de l’acte de la fonction. S’il ne fait aucun doute que la qualité de député de Boyard est mentionnée tout au long de son intervention dans TPMP ce soir-là, la procureure estime aussi qu’Hanouna évoque plutôt le passé de chroniqueur de l’insoumis que son action politique au moment où il l’injurie. «Il n’y a pas de réponse binaire à cette question», a-t-elle laissé entendre à la fin, laissant au juge le soin de trancher.
En face, les avocats du camp Hanouna ont dépeint Louis Boyard en habitué des coups d’éclat médiatiques, dès sa première participation à une émission de C8, Balance ton post, en 2018, quand, soutien des gilets jaunes, il avait quitté le plateau avec fracas. Le conseil de Cyril Hanouna, Stéphane Hasbanian, est aussi revenu sur les relations qu’entretenaient l’animateur et le député : si ce dernier a nié avoir toute proximité amicale avec Hanouna («Il ne connaît pas ma famille, pas mes amis, pas mes amours. Et je ne connais pas les siens»), l’avocat a ressorti un SMS envoyé le soir de son élection en juin 2022 : «Coucou Cyril, je suis député et ça, c’est darka. On va envoyer du lourd !»
«Elu ou pas élu, je m’en bats les couilles»
Puis Stéphane Hasbanian a retracé l’historique coloré des jurisprudences concernant les injures publiques contre des élus, de Marcel Campion condamné pour avoir traité Anne Hidalgo de «salope» (les propos intervenaient à cause d’un différend sur l’action de la maire de Paris) à Nadine Morano, déboutée après avoir été qualifiée de «conne» par Guy Bedos (qui n’avait pas fait référence à l’action publique de l’alors eurodéputée). Pour les avocats d’Hanouna, les qualificatifs de «tocard», de «merde» ou d’«abruti» relèvent alors plutôt du deuxième cas. L’avocat de Franck Appietto, le directeur général de C8, estime même avoir relevé l’argument massue, citant les propos d’Hanouna durant la séquence : «Elu ou pas élu, je m’en bats les couilles.» «Vous voyez bien qu’il a éludé sa qualité de député !»
Le jugement dans cette affaire sera, lui, rendu le 20 février 2025. En plus de la potentielle amende, les avocats de Louis Boyard ont demandé 10 000 euros de dommages et intérêts, que l’insoumis prévoit de donner aux 150 plaignants camerounais mentionnés dans son intervention à TPMP, ceux qui accusent Bolloré de non-respect des droits humains et environnementaux dans ses plantations d’huile de palme. «On va rendre un peu de l’argent de Bolloré à ces Camerounais», a ainsi déclaré Boyard. Mais le député s’en est surtout pris à Cyril Hanouna en sortant du tribunal, soulignant sa «lâcheté» : «C’est une personne qui parle beaucoup sur les plateaux de télévision mais n’a pas eu le courage de se rendre à son propre procès.» «Je suis confiant sur le fait que nous allons gagner, a-t-il ajouté. Et ce n’est pas seulement Cyril Hanouna que nous allons faire condamner, mais tout le système Bolloré.»