https://www.lemonde.fr/international/ar ... _3210.htmlAux Etats-Unis, dans les mobilisations anti-Trump, Elon Musk concentre la colère des manifestants
Des milliers de personnes ont manifesté, lundi, à travers le pays contre le limogeage des employés fédéraux, le non-respect de l’équilibre des pouvoirs et l’influence de l’homme le plus riche du monde à la Maison Blanche.
- Par Corine Lesnes (Denver (Colorado), envoyée spéciale) et Ivanne Trippenbach (Columbus (Ohio) envoyée spéciale)
Publié le 18 février 2025 à 05h51, modifié le 18 février 2025 à 08h44
Je voulais savoir si "ça bougeait" aux Etats Unis. Chez nous, on aurait 5 millions de personnes dans les rues. Les Américaisn ne manifestent pas ou peu, à part les grandes marches historiques ( Viet Nam, ML KING...Black Lives Matter...)Réveil – timide – de l’Amérique anti-Trump ? Près d’une centaine de manifestations ont eu lieu, lundi 17 février aux Etats-Unis, jour férié en l’honneur des présidents (Presidents Day), pour protester contre la dérive autocratique de Donald Trump et la mainmise d’Elon Musk sur le gouvernement fédéral. « Pas de monarchie en Amérique ! », ont scandé les manifestants.
De New York à Los Angeles (Californie), d’Anchorage (Alaska) à Orlando (Floride), en passant par de nombreuses villes moyennes peu coutumières de tels rassemblements, comme Knoxville (Tennessee), Waco (Texas), Fayetteville (Arkansas), des dizaines de milliers d’Américains ont voulu faire de ce jour – traditionnellement le troisième lundi de février, qui célèbre à la fois la naissance de George Washington (le 22 février 1732) et celle d’Abraham Lincoln (le 12 février 1809) – un « No Kings Day ». La veille, dans un post relayé par le compte officiel de la Maison Blanche, Donald Trump avait répondu à la contestation par une citation attribuée non à un roi, mais à un empereur, Napoléon Bonaparte : « Celui qui sauve son pays ne viole aucune loi. »
Les manifestations répondaient à l’initiative d’un mouvement spontané né fin janvier sur le réseau social Reddit et appelé « 50501 » – pour « 50 manifestations, 50 Etats, 1 journée ». Les organisateurs avaient été eux-mêmes surpris d’avoir été suivis, dès leur première journée d’action, le 5 février, par plusieurs dizaines de milliers de personnes dans une quarantaine d’Etats. « Les gens avaient besoin de se retrouver », déduit l’une des porte-parole, Sarah Parker, jointe à Sarasota, en Floride.
« L’espoir est dans la société civile »
A Denver (Colorado), plusieurs milliers de personnes ont envahi, avant même midi, l’heure du rassemblement, les abords du Capitole local. Sur les marches, tous semblent heureux de se retrouver et de sortir de l’hibernation à laquelle la large victoire de Donald Trump les a contraints, sans parler du coup de massue provoqué par ses décrets. Les slogans sont de bon aloi, « Stop the coup ! » (« halte au coup d’Etat ») et, parfois moins, comme le « Fuck Trump », scandé avec passion malgré la présence des enfants.
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Les drapeaux américains sont bien en vue pour répondre à ceux qui ont surtout cru voir les couleurs du Mexique dans le défilé précédent. « Chère Europe, [le vice-président] J. D. Vance est un connard », affiche, sur sa pancarte, Jana Miller, une ancienne journaliste qui était des manifestations anti-Trump de 2017 et se réjouit que ses compatriotes « se réveillent » enfin. Carter Setsma, 27 ans, est venue « par solidarité », tout en pensant que sa présence ne servirait à rien : « Cela fait tellement longtemps qu’on supporte Trump, les gens ont perdu jusqu’à l’énergie de s’en soucier. »
Dona et Robin Carlson manifestent contre le président Trump et son administration, lors d’une journée nationale de protestation, devant le capitole de l’Ohio, à Columbus, le 17 février 2025. BRIAN KAISER POUR « LE MONDE »
A Columbus, la capitale de l’Ohio, un ancien swing state du Midwest désormais acquis à Donald Trump, des petites taches de couleur se détachent sur l’étendue neigeuse qui a recouvert l’esplanade du capitole : des centaines de manifestants ont bravé le froid glacial, parfois coiffés de « pussy hats » roses, symbole du mouvement de 2017. Steve Kurz, un psychothérapeute de 70 ans, venu de Dayton, à une centaine de kilomètres de là, pointe des similitudes avec la montée du fascisme racontée par sa mère qui a fui l’Allemagne nazie : méthodes d’intimidation, violation de l’équilibre des pouvoirs, mépris des juges… « L’espoir est dans la société civile. Pas dans un homme providentiel qui manipule les gens par la propagande et tente de nous diviser », dit-il. Sa fille, Leigha, 37 ans, estime que leur histoire familiale agit comme un anticorps contre les dérives autoritaires : « Malheureusement, l’apathie prend le dessus. Les gens sont occupés à survivre, ils ne voient pas où va le pays. »
Brenna Petersen est venue de Springfield (Ohio) pour manifester contre le président Trump et son administration, lors de la journée nationale de protestation, à Columbus, le 17 février 2025. BRIAN KAISER POUR « LE MONDE »
D’un défilé à l’autre, les participants reprochent aux démocrates leur absence de stratégie, leur invisibilité. « Personne n’est là pour nous. Où sont-ils ? », s’exclame Brenna Petersen, 29 ans, étudiante à Springfield, petite ville à l’ouest de Columbus, dont les réfugiés haïtiens avaient été ciblés par la campagne de Donald Trump. Plusieurs élus démocrates ont malgré tout participé aux manifestations. A Boston, le sénateur du Massachusetts Ed Markey, équipé d’un mégaphone, a pris en modèle George Washington, le héros de la guerre d’indépendance contre la couronne britannique : « La révolution contre Donald Trump et Elon Musk commence ici. » A Annapolis (Maryland), le sénateur Chris Van Hollen s’est lui aussi adressé à la foule. Mais, à Washington, où des milliers d’employés fédéraux ont été licenciés sans préavis, l’un des cris les plus entendus visait à morigéner les élus, tous partis confondus, et à réclamer qu’ils fassent leur travail de contre-pouvoir : « Congrès ! Fais ton boulot ! »
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« Expulsez Musk ! »
Elon Musk, le chevalier noir du peuple MAGA (Make America Great Again), dont le prénom rime avec « Felon » (« criminel ») sur les pancartes, est accusé d’exercer une influence exorbitante sur les destinées de l’Amérique, sans jamais avoir été élu. « Trump l’a laissé prendre le contrôle de nos données médicales, fiscales, de sécurité sociale… Pourquoi a-t-il besoin de toutes ces informations ? », questionne Dona Carlson, 66 ans, qui a traversé tout l’Ohio avec son mari, Robin, pour manifester à Columbus. « Imaginez un monde où l’accès à la retraite dépend du parti pour lequel vous votez », entend-on, au même moment, dans le mégaphone, au pied de la statue de William McKinley, le 25e président américain, référence de l’« âge d’or » vanté par Donald Trump.
« Expulsez Musk ! », crie-t-on, en écho, à Denver. Le patron de SpaceX concentre la colère. Des protestations ont été organisées tout le week-end à l’initiative d’un groupe appelé « TeslaTakedown » devant les concessionnaires Tesla de New York, Washington, Minneapolis, Austin, San Francisco. Sur les pancartes, les Tesla sont rebaptisées « swasticars », en référence au geste étrangement proche d’un salut nazi fait par le milliardaire lors de la cérémonie d’investiture de Donald Trump, le 20 janvier.
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En Californie, des propriétaires de Tesla ont porté plainte après avoir reçu des messages les encourageant à vendre au plus vite leur véhicule, notes laissées sur leur pare-brise et signées d’un groupe nommé « Etudiants contre l’extrémisme nazi ». A Boulder (Colorado), à une cinquantaine de kilomètres de Denver, le restaurant cofondé en 2004 par le frère d’Elon Musk, Kimbal Musk, The Kitchen American Bistro, avait fait l’objet, le 23 janvier, d’une alerte à la bombe. Un mois seulement après son arrivée à la tête du département de l’efficacité gouvernementale (DOGE), Elon Musk a réussi à susciter autant de crainte et d’animosité que Donald Trump.
Corine Lesnes (Denver (Colorado), envoyée spéciale) et Ivanne Trippenbach (Columbus (Ohio) envoyée spéciale)]
Ca a bougé, un frémissement? Ou une montée en puissance?
Moi, je suis ravii.