
Sans antisémitisme et sans sa condamnation, Alfred Dreyfus aurait «accédé naturellement aux plus hauts grades», avance ce mardi 6 mai l’ex-Premier ministre Gabriel Attal.
Face à la montée des actes antisémites, un geste symbolique. L’ex-Premier ministre Gabriel Attal a annoncé ce mardi 6 mai avoir déposé une proposition de loi à l’Assemblée nationale pour élever le capitaine Alfred Dreyfus au rang de général de brigade, une semaine après un texte semblable soumis par le groupe socialiste au Sénat. Cent trente ans après la condamnation de ce militaire juif d’origine alsacienne, cette loi «constituerait un acte de réparation, une reconnaissance de ses mérites et un hommage rendu à son engagement républicain».
Le dépôt de cette proposition de loi par le patron du groupe macroniste Renaissance, député des Hauts-de-Seine, est une réponse à un appel lancé par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, l’ex-secrétaire général de l’Elysée Frédéric Salat-Baroux et le président de la maison Zola-Musée Dreyfus Louis Gauthier, publié dans le Figaro mi-avril. Les trois hommes demandaient «à ce qu’un ou plusieurs groupes parlementaires, et pourquoi pas la représentation nationale tout entière, s’emparent maintenant de ce combat».
En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus avait été condamné pour trahison et contraint à l’exil sur l’île du Diable en Guyane, sur la base de fausses accusations alimentées par un antisémitisme très ancré dans la société française à la fin du XIXe siècle. «L’antisémitisme qui frappa Alfred Dreyfus n’appartient pas à un passé révolu. Les actes de haine d’aujourd’hui rappellent que ce combat est toujours d’actualité», souligne Gabriel Attal dans sa proposition de loi.
Carrière freinée
Douze ans après sa condamnation qui l’avait amenée à être rétrogradé, Alfred Dreyfus avait été réhabilité à l’issue d’une campagne médiatique d’ampleur, menée entre autres par l’écrivain Émile Zola. Il n’a toutefois jamais retrouvé son grade initial, même après avoir réintégré l’armée. En 1919, après son engagement dans la Première guerre mondial, il devint finalement lieutenant-colonel. Mais jamais général. «Cinq années de déportation et d’humiliation ont irrémédiablement freiné sa carrière militaire. Il est incontestable que sans cette injustice, Alfred Dreyfus aurait accédé naturellement aux plus hauts grades», indique ainsi le texte porté par Gabriel Attal.
La réhabilitation d’Alfred Dreyfus, acquise en 1906, est aussi un moment fondateur de l’histoire de la gauche française. «L’affaire Dreyfus marqua […] l’émergence d’une nouvelle gauche, incarnée par des figures telles que Jean Jaurès et Jules Guesde. Cette gauche moderne prônait une vision de l’individu au-delà des catégories réductrices, reconnaissant la richesse et l’universalité de l’humanité, qui conserve toute sa valeur aujourd’hui», affirment les socialistes dans leur proposition de loi sénatoriale. A ce stade, une date d’examen du texte au Parlement n’est pas fixée.
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