
Le pacte racial assumé par l’administration Trump – les membres des communautés noires, asiatiques, sud-américaines ou musulmanes font face à la persécution des autorités, contrairement aux diasporas occidentales – s’est de nouveau illustré au sein de la capitale, Washington, lundi 12 mai. Une cinquantaine d’Afrikaners, des descendants des colons européens s’étant installés en Afrique du Sud, ont atterri à l’aéroport international, profitant du statut de réfugié accordé par la présidence des États-Unis.
Le groupe – dont le statut juridique équivaut à celui offert aux réfugiés des conflits armés – a été reçu par le numéro deux du département d’État, Christopher Landau, et son homologue au ministère de la Sécurité intérieure, Troy Edgar. « Bienvenue aux États-Unis d’Amérique, la terre de la liberté », a lancé le premier. La raison de cet accueil chaleureux : ces Afrikaners sont considérés comme les cibles « d’une persécution flagrante à cause de leur race ».
Chantre de l’extrême droite mondiale
Donald Trump a même estimé, au mépris des faits historiques, que ces derniers sont victimes d’un « génocide ». Le président états-unien a donc pris, le 7 février dernier, un décret qui les prétend spoliés de leur terre. Cinq jours plus tôt, c’est le plus puissant des Afrikaners qui s’était chargé d’attaquer le gouvernement sud-africain, comme son président Cyril Ramaphosa… un certain Elon Musk. « Pourquoi vos lois sur la propriété sont-elles ouvertement racistes ? », a osé lancer le milliardaire, chantre de l’extrême droite mondiale et fer de lance de la fascisation de la Silicon Valley.
« Des agriculteurs se font tuer, a abondé Donald Trump, lundi 12 mai. Il se trouve qu’ils sont blancs, mais qu’ils soient blancs ou noirs ne fait aucune différence pour moi. La situation en Afrique du Sud est terrible. » Le locataire de la Maison Blanche en a profité pour annoncer qu’il pourrait rencontrer « le leadership sud-africain » la semaine prochaine. « Il est déconcertant de voir l’administration Trump admettre des Afrikaners pour leur réinstallation tout en maintenant une suspension indéfinie pour des milliers de demandeurs d’asile légitimes qui ont fui la persécution, souvent parce que leur vie était en danger », a déploré la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen, dans un communiqué.
Outre la différence flagrante de traitement avec les ressortissants considérés comme des « ennemis de l’intérieur », la politique trumpiste en ce qui concerne les Afrikaners constitue un retournement de l’histoire. Frange minoritaire – ils représentent près de 7 % de la population actuelle du pays -, les Afrikaners ont concentré les pouvoirs politiques, économiques et symboliques durant plusieurs décennies. Les dirigeants ayant instauré le régime de l’apartheid, système de ségrégation raciale – inspiré du IIIe Reich – ayant privé la population noire de ses droits de 1948 jusqu’au début des années 1990, viennent notamment de leurs rangs.
Or, les Afrikaners ont encore aujourd’hui la mainmise sur le pouvoir sud-africain. Selon le Laboratoire sur les inégalités mondiales, ces derniers contrôlent 72 % des terres agricoles disponibles. Leur colère, et par ricochet celles d’Elon Musk et de Donald Trump, naît ainsi d’une loi promulguée en janvier 2025, qui permet au gouvernement d’enclencher des expropriations sans compensation s’il estime la situation propice.
« C’est un groupe marginal qui n’a pas beaucoup de soutien »
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, a fustigé la stratégie de l’administration Trump et s’est inscrit en faux contre cette présentation des 49 Afrikaners, lundi 12 mai. « Un réfugié est quelqu’un qui doit quitter son pays par peur de persécution politique, religieuse ou économique, a-t-il rappelé lors d’un forum économique africain à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Ils ne correspondent pas à cette définition. »
« C’est un groupe marginal qui n’a pas beaucoup de soutien, qui est contre la transformation et le changement. Et qui préférerait voir l’Afrique du Sud revenir à des politiques d’apartheid », a-t-il accusé. L’ambassade des États-Unis située à Pretoria a publié, lundi 12 mai, ses critères concernant la procédure de demande d’asile : les candidats doivent « être en mesure de faire état d’une expérience passée de persécution ou d’une crainte de persécution future ».
Le groupe identitaire afrikaner AfriForum avait recensé 49 meurtres d’agriculteurs en 2023 et cinquante l’année précédente. Des statistiques à mettre en perspective avec les 75 meurtres enregistrés par jour en moyenne en Afrique du Sud, qui affiche l’un des taux d’homicide les plus élevés de la planète. « Les blancs sont victimes de crimes, comme tout le monde en Afrique du Sud, mais y a-t-il des blancs spécifiquement visés ? Absolument aucun », balaie Loren Landau, à la tête de l’observatoire des violences xénophobes Xenowatch, auprès de l’Agence France-Presse (AFP).
La haine que portent la Maison Blanche et le patron de Tesla n’est cependant pas le seul fruit de la gestion des terres agricoles. Donald Trump assume (il l’a cité nommément dans son décret coupant toute aide financière à Pretoria) aussi que la plainte pour « génocide » visant Israël pour sa guerre menée à Gaza, que l’Afrique du Sud a déposée devant la Cour internationale de justice (CIJ), a pesé dans la balance. Soit l’instrumentalisation d’un génocide documenté, qui fait consensus au sein des institutions internationales (Nations unies, Amnesty International, etc.), pour en dénoncer un soi-disant autre.
https://www.humanite.fr/monde/afrique-d ... que-du-sud