
Marine Le Pen et Jordan Bardella ont mis un terme brutal à leur alliance avec la députée européenne en écartant tout accord entre le RN et son microparti aux élections municipales.
Il y a deux catégories de Le Pen. D’abord, les partisans de la frappe préventive. «Moi je sors mon épée et je tue Brutus avant qu’il ne me tue», fanfaronnait le grand-père, Jean-Marie, au moment de purger son (trop) ambitieux numéro 2, Bruno Mégret. Et puis les adeptes du Christ, qui tendent l’autre joue, et offrent la largeur de leur dos aux poignards de leurs ennemis. Marion Maréchal appartient décidément à la seconde catégorie. La petite fille du fondateur du FN (devenu RN), revenue dans la PME familiale par la petite porte en trahissant Eric Zemmour à la faveur de la dissolution de 2024, vient de recevoir un coup fatal de sa très chère tante.
Selon une information du Point, confirmée à Libé, le bureau exécutif du parti d’extrême droite a rejeté à l’unanimité, lundi, l’idée d’un accord avec la formation de Maréchal, Identité-Libertés (IDL), aux municipales de 2026. La députée européenne, qui comptait sur le scrutin pour sortir de l’insignifiance politique et recruter quelques dizaines de cadres locaux, voit son avenir brusquement arrêté. La porte entrouverte aux législatives, où Maréchal s’était vu attribuer une quinzaine de circonscriptions, s’est refermée.
Tête de liste concurrente de Jordan Bardella aux européennes de 2024
Officiellement, Marine Le Pen et Jordan Bardella n’ont pas apprécié que les trois députés IDL, apparentés RN, ne votent pas la proposition de loi de leur parti visant à abroger la réforme des retraites, lors de la niche parlementaire frontiste, fin octobre. Cette différence de ligne n’était tolérée que pour le groupe allié d’Eric Ciotti, chargé, lui, de tracer le sillon ultralibéral convoité par Maréchal. Les dirigeants du RN ont aussi mis en avant l’attitude passée de la nièce, alliée d’Eric Zemmour en 2022 quand l’ancien chroniqueur au Figaro ambitionnait de mettre la tante à la retraite, puis tête de liste concurrente de Jordan Bardella aux européennes de 2024.
En fait, voilà un an que les velléités d’indépendance de la jeune trentenaire et son attitude exaspèrent les hiérarques frontistes. Marion Maréchal a eu beau avaler les couleuvres par kilomètres, condamnée à découvrir dans la presse les off venimeux des cadres RN sans pouvoir y répondre, raser les murs de l’Assemblée ou multiplier les rendez-vous avec des figures de son ancien mouvement pour leur assurer de son absence totale d’ambition présidentielle, rien n’y a fait : l’ex-enfant prodigue agace toujours autant sa tante et son dauphin.
Et les sujets de vexations se sont accumulés : pêle-mêle, sa tentative de recaser comme assistant parlementaire à l’Assemblée son ami Philippe Vardon, envers qui Le Pen et Louis Aliot gardent rancune d’avoir bossé en sous-main pour Reconquête pendant toute la campagne présidentielle ; l’investiture comme députée d’Anne Sicard, chargée jusqu’à son élection de la formation à l’Institut Iliade, un think tank radicalement racialiste dont Marine Le Pen a tenu à se distinguer à de nombreuses reprises ; la rivalité entre Ciotti et Vardon – encore lui – à Nice, et le choix de ce dernier d’appeler son groupe municipal «Retrouver Nice», perçu comme une tentative de surfer sur la marque «RN» ; les révélations sur le train pharaonesque de la campagne européenne de Maréchal ; son discours jugé trop politique à l’enterrement de son grand-père, en janvier ; sa volonté de se présenter comme tête de liste à Paris en 2026 alors que le RN a déjà investi l’ancien ministre Thierry Mariani ; autant de gouttes qui ont fini par faire déborder le vase frontiste.
Bonne image auprès des électeurs de droite
Lequel, il faut le dire, n’était pas bien disposé à l’égard de la revenante. Outre sa tante, qui a toujours persécuté politiquement sa chère nièce, Jordan Bardella a été le premier à baisser le pouce, se méfiant comme de la peste de cette potentielle concurrente dotée de l’atout d’appartenir, elle, au clan Le Pen. Le président de la boutique frontiste a toujours fui ses demandes de rendez-vous et l’évite scrupuleusement dans les couloirs du Parlement européen, où les deux sont élus et où Maréchal, siégeant dans le groupe des amis de Giorgia Meloni, jouit d’une position plus avantageuse que lui. S’il est loin devant sa potentielle rivale dans les enquêtes d’opinion, Bardella n’a pas l’air pressé de laisser se développer la trentenaire qui bénéficie tout de même d’une bonne image auprès des électeurs de droite. C’est lui, déjà, qui l’avait écartée des orateurs du meeting de la place Vauban, en soutien à Marine Le Pen, début avril. C’est lui encore qui vient de donner le coup fatal à Maréchal-Brutus, bien avant qu’elle ne songe même à dégainer son poignard.
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